Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

EXCLUSIF – Dialogue avec Molière

Moliere et moiMoliere et moi
Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 3 avril 2014, mis à jour le 4 avril 2014

A l'occasion de la représentation du spectacle Molière et moi, écrit et joué par Jean-Vincent Brisa, lepetitjournal a eu l'opportunité de dialoguer avec Molière. Rencontre inédite avec un auteur dont l'oeuvre reste étonnamment moderne. Il nous parle du rapport privilégié qu'il entretient depuis des années avec le comédien et de son plaisir d'être joué à Singapour.

Dans Molière et moi, vous apparaissez sans prévenir. On imagine que cela a dû flanquer une belle frousse à Jean Vincent Brisa.
Molière ?

Oui c'est fait sans malice, mais j'avoue que j'aime assez le surprendre chaque soir. Il est comme un élève qui est venu en l'absence du maître, le singer au tableau et qui est pris sur le fait. Il bégaie. Il semble complètement ahuri de me voir ainsi débarquer sur scène. Cela me fait beaucoup rire. On dirait qu'il me prend pour un fantôme. Mais j'aime aussi beaucoup parler avec lui. D'abord parce qu'il est très respectueux et qu'il me laisse raconter ma vie. Ensuite parce qu'il connaît très bien mon ?uvre. Il semble me comprendre beaucoup mieux que ne l'ont fait mes contemporains et me permet de passer en revue beaucoup de souvenirs.

S'agit-il de bons souvenirs ?
Ce sont les souvenirs d'une vie. Ils sont faits de cette pâte variée que procure l'existence et les circonstances. Le XVIIème siècle, comme le vôtre aujourd'hui, n'était pas avare de tous ces faux semblants et contradictions qui parfois font sourire, parfois au contraire attristent, vous indignent et vous mettent en fureur. A mon époque, c'était les médecins, l'église, les charlatans de toutes sortes et les ridicules.

Jean-Vincent Brisa dit de vous que vous êtes un "formidable pourfendeur de l'hypocrisie".
C'est aimable de sa part de le souligner. Nous en discutons beaucoup ensemble. C'est vrai ! J'ai une sainte horreur des hypocrites et je constate malheureusement qu'ils sont de toutes les époques et de tous les milieux. Jean-Vincent le sait bien, il sait comme j'aime les rhabiller autant qu'ils le méritent dans mes pièces. Lui-même sait formidablement les incarner et faire ressortir leur arrogance autant que leur ineptie.

Heureusement, précise-t-il, vous avez un très grand amour de la vie. Vous aimez rire et êtes un grand défenseur de la jeunesse.  
 Je lui laisse cette interprétation. On a tellement dit de choses sur moi, à chacun de se faire sa propre idée de ce que j'ai été, de ce que j'ai vécu ou écrit. En tout cas, je suis ravi de rencontrer les jeunes d'aujourd'hui  et de pouvoir leur parler directement. C'est chaque fois pareil, au début ils me regardent presque narquois, un tantinet condescendants. J'ai l'impression de faire partie des meubles et qu'ils me prennent pour Racine. S'ils savaient comme j'apprécie par dessus tout l'impertinence !  Pendant le spectacle, je les vois se détendre et rire. Cela me réconforte de constater que l'on se comprend encore si bien, alors que tant de générations nous séparent.

A quoi l'attribuez-vous ?
Je le dis à Jean-Vincent dans la pièce « je me suis battu toute ma vie pour que l'acteur soit en harmonie avec la nature. Pour que les personnages soient vrais, il faut s'appuyer sur soi-même. Il faut parler comme tu parles dans la vie et surtout bien se poser et gesticuler le moins possible ». Sans doute aussi le ridicule, la cupidité ou la vanité sont-elles de toutes les époques. Il suffit d'un peu d'imagination pour se représenter les vices d'hier dans le contexte d'aujourd'hui.

Comment se passent les scènes que vous jouez avec Jean-Vincent Brisa ?
 Il m'épuise ! Il est là sur un tabouret m'écoutant sagement. Et puis l'instant d'après il a pris mon fauteuil. Il court encore d'un personnage à l'autre tantôt Diaphoirus, tantôt Trissotin, tantôt Sganarelle ou Arnolphe? Il me prend ma perruque, il en fait je ne sais quoi, il me la rend? Non franchement, c'est du grand théâtre, comme je l'adore. Vif et plein de gaité. J'ai l'impression d'être toujours jeune en le voyant.

Depuis combien de temps le connaissez-vous ?
 Nous nous connaissons bien. Cela fait déjà 10 ans que nous avons commencé cet échange sur scène, mais nous étions en contact depuis plus lontemps encore. Il m'a dit qu'il avait joué mes pièces dès le moment de sa formation au conservatoire d'Art dramatique de Strasbourg. La liste de mes pièces dans lesquelles il a joué ou qu'il a montées est impressionnante : les Fourberies de Scapin, Dom Juan, le Bourgeois Gentilhomme, le Malade imaginaire, le Misanthrope, l'Etourdi, l'Avare?

Vous semblez être en tournée permanente.
C'est la vie de comédien. Toujours sur les routes. Après les succès du spectacle à Paris, nous avons beaucoup tourné en France et même à l'étranger, notamment dans des environnements scolaires. Nous étions au Sénégal en Janvier, nous voilà cette fois à Singapour. J'ai toujours voyagé, mais je n'aurais jamais rêvé visiter un jour autant de pays dans de telles conditions. Je suis très reconnaissant à Jean-Vincent d'avoir su me convaincre de sortir de ma bibliothèque ou du confort de la Comédie Française.

Comment s'est présentée l'opportunité de vous produire à Singapour ?
C'est Jean-Vincent Brisa qui, à l'issue d'une représentation de notre solo au festival Off d'Avignon, l'été dernier, a été approché par la directrice de la compagnie Sing'theatre. C'est l'enthousiasme de cette dernière et l'envie qu'elle avait de nous mettre en contact avec la jeunesse de Singapour qui nous a convaincu.

Quelles sont vos premières impressions de Singapour ?
C'est Versailles ! J'étais à l'esplanade hier soir au moment des illuminations et j'ai cru qu'il s'agissait des grandes eaux. Il m'a même semblé, à l'intérieur de Marina Bay Sands, apercevoir les gondoles du Grand Canal.

 

Propos librement recueillis par Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) vendredi 4 avril 2014

Molière et moi, du 10 au 12 avril. Voir le détail dans l'agenda

logofbsingapour
Publié le 3 avril 2014, mis à jour le 4 avril 2014

Sujets du moment

Flash infos