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Paul Pairet, chef 3 étoiles : « Shanghai m'a permis de réaliser mon rêve »

Légende de la scène gastronomique avec son restaurant 3 étoiles Michelin de Shanghai Ultraviolet et récemment transformé en star du petit écran par sa participation au jury de Top Chef, le Chef Paul Pairet s’est confié à notre micro, abordant son parcours et son actualité

paul pairetpaul pairet
Courtesy of Paul Pairet @Scott Wright
Écrit par Didier Pujol
Publié le 20 juin 2024, mis à jour le 12 juillet 2024

Ultraviolet est le projet de ma vie

Avec Mr and Mrs Bund depuis 2009 et Ultraviolet en 2012, récompensé par 3 étoiles, vous êtes une légende de la gastronomie française à Shanghai avec 5 établissements. Qu’est-ce qui vous fait courir et comment vous définissez-vous ?

Avec Ultraviolet, j’ai fait le projet de ma vie. C’est un outil formidable au travers duquel j’exprime tout ce que je souhaitais créer en matière de cuisine. J’espère que ce restaurant va encore plaire de nombreuses années car à ce stade, je n’ai pas d’autres ambitions d’étoiles. J’ai en effet le sentiment d’avoir amené ce projet à son maximum en termes de reconnaissance. Ce qui m’intéresse aujourd’hui’, ce sont finalement plus mes autres projets, ce que je qualifierais de nourriture ordinaire avec des moyens extraordinaires. Je suis motivé par le fait d’attacher plus d’attention que de coutume à des plats qui pourraient paraître banaux au premier abord. C’est le cas de Nonos et Comestibles ou de Polux qui mobilise une soixantaine de personnes, sur 7 jours soit le double de moyens que d’habitude pour un café.

os a moelle ultraviollet
L'os à moelle façon Ultraviolet @Scott Wright

Je quitte Shanghai en automne pour enregistrer Top Chef

Entre la France et Shanghai, comment vous organisez-vous ?

Par rapport à d’autres chefs, j’ai tendance à contrôler beaucoup de choses et je limite d’autant mon développement, même si avec 5 restaurants, je ne m’occupe pas de la production quotidienne. Nous avons mis en place des process précis qu’il convient de vérifier de temps en temps avec suffisamment de personnel formé pour que je n’ai pas besoin d’être présent tous les soirs, y compris pour Ultra Violet. A Ultraviolet, la poésie est présente mais dans un cadre très rigoureux. Je m’occupe surtout de la composition, à savoir les nouveautés. Pour les autres établissements, les plats sont plus connus et c’est sur la réalisation et le service l’on met des efforts. Grâce à une mécanique bien rôdée, je peux désormais me permettre d’aller en France pour les enregistrements de Top Chef en automne. Les tournages durent 2 mois et demi et j’en profite pour m’occuper de Nonos à ce moment-là. J’ai d’ailleurs pris l’habitude d’aller plus souvent en France durant la pandémie et cela fonctionne bien au final.

paul pairet top chef
Paul Pairet lors de la saison 2020 de Top Chef

J’ai été comme happé par Shanghai

Parlez nous des raisons qui vous ont fait vous installer à Shanghai ?

Je n’avais pas spécialement prévu de venir à Shanghai. C’est un concours de circonstances qui m’a amené et me tient encore ici pour l’essentiel de mes activités. Je n’ai honnêtement pas vu le temps passer tant j’ai été comme happé par cette ville extraordinaire et surtout passionné par la réalisation de mon rêve de cuisinier avec Ultraviolet. C’est la possibilité de faire ce projet qui m’a amené ici, alors que je quittais Istambul. J’ai un moment travaillé avec Jean-Louis Costes pour chercher un lieu qui aurait peu devenir Ultra Violet qui a failli ouvrir à Paris en 2002 en lieu et place du Cristal Room dans la Villa de Baccarat place des Etats Unis. Le projet ne s’est pas fait et je suis finalement parti à Shanghai, où j’ai trouvé des connections nécessaires pour ce qui était considéré comme une cuisine moderne à l’époque. J’ai eu la chance de disposer de moyens conséquents et donc d’une grande liberté de création, grâce à mon ancien patron Philippe Caretti, vice-président de Shangri-la avec le restaurant « Jade on 36 » sur Pudong pendant 3 ans. Une partie de mes équipes et de mes clients actuels m’a suivi depuis cette époque. Après j’ai « traversé la rivière » comme on dit ici et saisi une opportunité avec les Frères Pourcel pour la reprise de Mr and Mrs Bund et monter Ultraviolet.

Mister and Mrs Bund terasse
La terrasse de Mr and Mrs Bund @ABS

En se libérant de la carte, on peut agir sur l’atmosphère

Le restaurant Ultraviolet est unique en son genre, avec une expérience sensorielle totale, comment est venue l’idée de ce projet et comment la faites-vous évoluer aujourd’hui ?

L’idée de base est venue il y a pas mal de temps à partir d’une expérience en Australie en 1993. Je cherchais alors à m’exprimer au maximum en livrant le produit à son sommet, sans avoir comme contrainte le choix du client ou de l’équipe. Même si le client est roi, la logique de la cuisine, c’est celle que pratiquait ma mère, à savoir faire le plat qui correspond au meilleur produit du moment et de servir à l’heure convenue quand le plat est prêt. Cette maîtrise de l’offre n’est pas une nouveauté et d’ailleurs de plus en plus de restaurants prennent cette option. Les menus dégustation par exemple vont dans ce sens car une carte trop complexe n’exprime pas toujours la sensibilité d’un chef. Ce que nous avons amené en plus, c’est le fait d’imposer l’offre et le temps, à la manière d’une invitation chez des amis. Le résultat est que l’on se libère de la contrainte de la carte et on peut agir sur la partie plus intangible de l’atmosphère. C’est l’idée d’Ultraviolet qui combine les plats avec les odeurs, le visuel et le son pour créer des émotions particulières autour de la nourriture. Au départ, mon projet était artisanal mais avec Ultraviolet en 2012, nous avons amené le concept à un niveau professionnel élevé qui est stabilisé depuis. Nous sommes finalement l’aboutissement du concept de la table d’hôte mais porté à un niveau de raffinement inégalé jusqu’alors.

Polux
Polux @Scott Wright

Rester curieux et ouvert, sans a-priori 

Entre les racines françaises et vos attaches chinoises, quelle est l'influence sur votre cuisine ?

Il y a évidemment une influence de l’endroit où l’on travaille. Mon premier contact avec la Chine remonte à mon premier voyage à Hong Kong en 1991, quand je découvre combien la cuisine chinoise est différente de ce que l’on nous servait en France à ce moment. Cette cuisine comme celles d’autres régions du monde sont des formidables stimulant pour la curiosité. Ceci dit j’essaye de m’extraire des influences pour créer avant tout ce que j’imagine. La plupart du temps, on échoue mais c’est de là que viennent les découvertes.

Que conseilleriez-vous aux jeunes qui voudraient suivre vos traces ?

Il faut avant tout aimer manger, même si c’est important de passer en cuisine. Si on a la chance de commencer à cuisiner un peu tard, avec du recul sur ce que l’on aime, il sera plus aisé d’exprimer quelque chose. Il s’agit selon moi de rester ouvert, sans a-priori, regarder ce qui se passe dans le monde et l’ensemble de l’offre de restauration, y compris dans la restauration rapide, car il y a des choses intéressantes partout. Maintenant la cuisine reste un artisanat, donc il est plus facile d’apprendre les bases que de chercher à tout inventer. Dans Top Chef, par exemple, les candidats qui réussissent font preuve de belles valeurs de courage, de volonté, d’abnégation et de passion et c’est passionnant de voir certains avoir un déclic et de se trouver des ressources insoupçonnées pour aller plus loin dans ce milieu. Dans la vraie vie, c’est pareil, même si cela met parfois un peu plus de temps.

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