Dans le paysage ultra-concurrentiel des applications de vidéos courtes, deux noms dominent : TikTok, le géant mondial aux milliards d’utilisateurs, et Douyin (抖音), son équivalent chinois. Bien que tous deux issus de ByteDance, ces plateformes ont évolué en des entités radicalement différentes. Explications.


Une origine commune, des contenus différents
TikTok, lancé en 2017 pour conquérir le marché international sous le slogan « Make Your Day » compte plus de 1,5 milliard d’utilisateurs actifs en Amérique du Nord, Europe, Asie du Sud-Est et l’Amérique latine. Plateforme des challenges viraux, des danses et de l’humour décomplexé, TikTok est devenu le terrain de jeu de la génération Z. En France, par exemple, 72 % de ses utilisateurs ont moins de 24 ans, ce qui en fait un phénomène culturel incontournable pour les jeunes.
Douyin, son aîné chinois (lancé en 2016), porte le slogan « 记录美好生活 » (« Enregistre une belle vie »). Avec plus de 600 millions d’utilisateurs actifs, il est bien plus qu’une simple application : Shopping en direct, réservation de services, recherche d’emploi, éducation… Douyin est un écosystème à part entière, où 65 % des utilisateurs ont moins de 35 ans.
Bien que technologiquement jumeaux, TikTok et Douyin sont séparés dès leur conception avec des serveurs et contenus sont strictement cloisonnés, l’un pour la Chine, l’autre pour le reste du monde.
Deux expériences utilisateurs
L’expérience utilisateur sur TikTok est épurée et immersive, conçue pour maximiser l’engagement. L’interface, centrée sur un feed vidéo infini, permet une navigation fluide et intuitive, idéale pour une consommation rapide et addictive de contenu. Le ton y est souvent spontané, voire provocateur, reflétant une liberté d’expression marquée.
De son côté, Douyin offre une interface plus dense et polyvalente, intégrant directement des portails vers le e-commerce, les services locaux et les diffusions en direct. Cette complexité reflète son rôle de plateforme de consommation avec un volet social pour tous les âges.
Le contenu sur TikTok est marqué par les influenceurs occidentaux, mêlant créativité et humour parfois noir. Douyin, quant à lui, diffuse un contenu hyper-local et très spontané, avec de nombreuses vidéos d’internautes qui filment leur quotidien au travail ou en train de faire leurs courses. La plateforme met en avant le live shopping, les tutoriels pratiques, et la culture Guófēng (国风), un mélange de tradition et de modernité typiquement chinois.
Deux modèles économiques distincts
TikTok fonctionne comme une plateforme publicitaire classique, similaire à Meta. Ses revenus proviennent principalement de la publicité et de programmes comme le TikTok Creator Fund, qui rémunère les créateurs de contenu. Cependant, TikTok tente de diversifier ses sources de revenus en s’inspirant de Douyin, notamment avec le développement de TikTok Shop, une fonctionnalité de e-commerce intégrée.
Douyin, quant à lui, ne se contente pas de générer des revenus via la publicité, mais s’appuie sur un modèle bien plus large : e-commerce en direct à grande échelle, commissions sur les ventes, services de paiement, et abonnements. Bien au-delà d’une simple application de divertissement, Douyin est le point d’entrée numéro un en Chine pour le live shopping, où des influenceurs et KOL (Key Opinion Leaders) vendent des milliards de yuans de produits en direct, ainsi que pour les services locaux, comme la réservation de restaurants ou la billetterie. Aujourd'hui, Douyin en arrive à rivaliser avec Baidu en tant que moteur de recherche visuel.
Régulation vis à vis des jeunes utilisateurs
Les deux plateformes partagent un défi commun : l’addiction et l’impact sur la santé mentale des jeunes, amplifié par des algorithmes conçus pour capter l’attention.
Ainsi, Douyin a mis en place des mesures strictes, comme la limitation du temps d’écran à 40 minutes pour les moins de 14 ans, ainsi que l’obligation pour certains créateurs de détenir des diplômes pour aborder des sujets comme la santé, la finance ou les sciences.
TikTok, comme Instagram et X-Twitter, est sous le feu des critiques en Europe pour l’explosion du temps d’écran des mineurs et la prolifération des fausses informations non régulées, notamment avec l’arrivée massive de vidéos générées par IA. En France, le président Emmanuel Macron a récemment réitéré sa proposition d’interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans.
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