Si vous n’avez jamais entendu parler de Li Song, c’est que vous venez d’arriver à Shanghai, ou en Chine. Si bien, que des échos à son propos résonnent jusqu’en France désormais. Scrollez vos Moments Wechat et vous verrez les affiches de son spectacle, discutez-en autour de vous et on ne vous en dira que du bien.
Caché derrière ses lunettes rondes, ce chinois passionné par la France, présente ses Chroniques d’un débridé depuis quelques mois. Fort de son succès, il remplit des salles combles et se dit satisfait de « s ‘améliorer au fur et à mesures de ses représentations ». « J’ai appris à connaître mon public », avance-t-il, tout en précisant qu’il ne s’agit pas d’un one-man-show mais plutôt d’un monologue humoristique.
Durant plus d’une heure, Li Song nous offre sa vision de la France ; il lui « rend hommage » en quelque sorte pour remercier ce pays qui a su l’accueillir et tant lui apporter. « Je me sentais redevable envers ce pays, j’avais besoin d’en parler et de le partager ». Pari réussi pour cet homme qui connaît la culture française mieux que quiconque, se définissant comme « plus français qu’un français ». Ses parallèles avec les cultures chinoises et françaises sont hilarantes et touchantes à la fois durant cette heure où il nous raconte son parcours en France et les origines de cet amour pour sa culture.
« J’ai pour ambition d’inciter la curiosité auprès de ceux qui viennent me voir, les intéresser sur les faits les plus banals de leur propre culture ». Souvent même, après ces spectacles, nombreux sont ceux qui viennent lui dire qu’ils ne s’étaient jamais vraiment aperçus de certains aspects de cette culture qui les berce depuis toujours. « J’en ressens une véritable satisfaction, j’aime cet échange avec le public » confie t-il.
Pour comprendre cet amour de la France, il faut connaître ce personnage haut en couleur. Dans sa galerie du district de Xuhui, entouré de photographies, Li Song m’invite à boire un thé et me (ra)conter cette genèse. Confortablement installé sur nos chaises, il m’évoque des heures durant cette aventure qui a changé sa vie.
« A 17 ans, dans ce bar de Qingdao, nous chantions du Balavoine, du Gainsbourg »
Tout commence entre 2000 et 2002, dans la ville de Qingdao ; étudiant à l’Université océanique de Chine, Li Song s’intéresse déjà au français. « Il y avait un français qui donnait des cours dans cette fac, ce qui était rare à l’époque », explique-t-il. Mais, ses véritables cours de français, il les a pris dans un bar de la ville où se retrouvaient les rares français expatriés, et rapidement le lieu devint sa deuxième maison. « C’est ici, dans cette bulle française, qu’avec des trentenaires de tous horizons, j’appréhendais pour la première fois ma rencontre avec la culture française. Nous chantions Balavoine, Gainsbourg, ou encore les démons de minuit, ces mecs-là m’ont tous beaucoup appris. »
Âgé de seulement 17 ans, le jeune Li Song se retrouve avec des personnes du double de son âge, voire plus, et se donne une première image de la France. « L’avantage de ces rencontres a été de découvrir des gens qui se retrouvaient dans un même lieu, et oubliaient l’espace d’un instant qu’ils venaient d’un milieu différent. » Et, justement, la France est riche de cette diversité.
Il était temps pour lui de partir s’immerger, comme accédant à un nouveau palier de son éducation française. Il étudia à Brest durant un an où il découvrit une autre culture, plus jeune cette fois-ci, bercée par Manau ou Mickey 3D… loin de Balavoine ; transposé dans une autre époque, à quelques mois d’intervalles de Qingdao. « Même si je parlais déjà bien le français, ces gens-là m’ont appris des trucs de jeunes comme le verlan par exemple ». Et, ça, Li Song l’a compris, la meilleure école c’est celle de la vie. Alors plutôt que d’aller en cours, il entreprit de voyager en stop aux quatre coins de l’Hexagone, hébergé par des contacts qu’il a réussi à se faire depuis Qingdao. Une première rencontre avec la France, et les français. Une « expérience incroyable » dira-t-il.
« Le bonheur est omniprésent en France »
De retour en Chine, il trouva le moyen de retourner étudier en France, à Paris cette fois, pour quatre années. Passé par l’INALCO en 2004, puis à Nanterre l’année d’après pour étudier le cinéma. « A cette époque j’étais hébergé par un couple à Vigneux sur Seine (Essonne) qui m’offrait un toit en échange de cours à leur fille. Avec eux, j’ai découvert une nouvelle facette de la culture française ». Immergé dans une famille, il suit alors une nouvelle formation. Il y découvre cet art de vivre qui nous est propre. Des engueulades du couple, en passant par cette vision qui lui est inconnu de l’éducation d’un enfant, mais aussi par les repas dominicaux ; c’est à ce moment-là qu’il comprit la définition de la France. « Il y a un mot que j’ai appris à comprendre en France, et qui est singulier à ce pays, c’est le mot "profiter ", le bonheur est omniprésent en France. Quand j’ai compris cela, ça a changé ma vie. Ce pays a rendu ma vie plus palpitante » raconte-t-il, les yeux pétillants, perdus dans ses souvenirs.
Riche de ses expériences, ce n’est plus "une certaine idée" qu’il se fait de la France, mais un véritable savoir. « J’ai fréquenté tous les milieux, donc j’ai pu effleurer tous les problèmes de cette société ».
Une société versatile et plurielle
Quand il rentre à Shanghai, il pense à Paris, et vice versa. « Quand je suis dans un pays ou l’autre, j’aime m’amuser à mettre le doigt sur les distinctions entre Chine et France, par exemple, en France les codes ne sont pas spontanés pour prendre un rendez-vous avec un ami il faut lui signifier des jours en avance pour un simple verre, alors qu’en Chine dans la journée c’est réglé. » La France, pour lui, est contradictoire : il y a une forte notion de profiter de l’instant, qui rompt avec ce manque de spontanéité. Après tout, c’est peut-être ça la France, une société versatile et plurielle.
Mais la Chine et la France ont beaucoup en commun, « notamment, Français comme Chinois aiment manger et sont très expressifs » dit-il en riant.
Désormais Li Song est heureux de se définir comme quelqu’un de pluridisciplinaire. Marchand d’art, guide, accompagnateur... c’est sa maîtrise de la langue qui lui a permis d’avoir toutes ces casquettes. « Le fait de parler français et de connaître si bien la culture française, de Romain Gary, en passant par Balavoine, ça réconforte les personnes avec qui j’ai des échanges et ça me permet de gagner leur confiance », et c’est ainsi qu’il a réussi à se faire un nom.
A la question concernant sa profession, il rit et se définit comme un electron libre. Avec l’âge il se sent de plus en plus proche de cette valeur de la France qu’est la liberté. « Je m’identifie comme un Français de l’esprit. Mon spectacle est mon témoignage, il marque un tournant dans ma vie ».
Guillaume Asmanoff
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