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FRANÇAIS DE SHANGHAI - Marie Duval, la passion de l’exploration !

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 20 février 2017, mis à jour le 2 avril 2017

Par Delphine Gourgues

Le 15 février dernier, dans le cadre d'une soirée conférence de l'association La Ruche, nous avons écouté Marie DUVAL, une femme passionnée à l'énergie très communicative ! Dans une ambiance très détendue mais attentive, Marie a raconté son parcours. Cette fervente membre et animatrice de La Ruche aime profondément les gens, cherche à comprendre ce qui les anime, et voue un culte tout particulier à ces amitiés de femmes qu'elle a pu tisser tout au long de sa vie. De toutes ces rencontres et ces partages, elle en a tiré quelques conseils-clés, ou leçons de vie, qui sont pour elle une véritable source d'énergie. Car si elle est une professionnelle spécialisée en marques grande consommation, elle est aussi, et ceci depuis son enfance, experte en expatriations et réinventions de tranches de vie. Portrait d'une femme qui aime à provoquer le destin !

Une enfance déjà hors frontières

Née à Nouméa, de père militaire, Marie a déménagé tous les deux ans. Sa famille bretonne (elle a trois frères et s?urs) a successivement posé ses valises à Nouméa, Quimper, Nouméa de nouveau, au Tchad? En Afrique, elle a connu l'exotisme du lycée local ("avec ma s?ur, nous étions les seules blanches au milieu de 600 filles !"), des voisins prestigieux membres du gouvernement, mais aussi un coup d'état, la maison attaquée à la mitraillette et l'exfiltration (avec pour seul bagage une brosse à dents !), atterrissant à Paris en tongs en plein mois de janvier? Le passage à  Quimper fut aussi une expérience d'expatriation d'un autre genre pour la petite fille débarquée d'Afrique et plutôt déconnectée de la vie "civilisée"? Puis à l'entrée au lycée, ses parents repartant pour Djibouti cette fois, Marie déclare qu'elle sature et veut rester en France. Direction la pension, à la Légion d'Honneur, on ne fait pas les choses à moitié avec son père ! Elle s'y fera de vraies bonnes amies et en gardera d'excellents souvenirs. Elle vivra aussi une expérience inédite en terminale avec une année passée en pleine vallée californienne ("Pas à San Francisco, ni Los Angeles, mais au milieu des champs de coton !"), dans le cadre d'un échange interculturel via l'AFS (American Field Service). Elle y tissera des liens très forts et toujours actifs avec cette famille d'accueil, "ma famille américaine". Suivent ensuite des études en école de commerce (EDHEC) et une spécialisation dans les produits de grande consommation, sa passion. Car quand on aime les gens, on aime comprendre leur vie quotidienne et donc leurs produits de tous les jours. "Une marque, c'est vivant ! Plancher sur un produit alimentaire, c?est entrer dans l'intimité de millions de consommateurs !", s'enflamme-t-elle.

Le consommateur chinois selon Marie

"C'est encore un enfant, qui veut tout tester. Un peu comme un môme lâché dans un magasin de bonbons ! Il peut se passionner très vite pour un produit, mais est aussi très versatile et zappe d'une marque à l'autre, sans aucun tabou. C'est très dur pour les marques?mais formidable pour les sociétés d'études ! Et il y a tant à faire ! Dans les cosmétiques par exemple, les jeunes femmes découvrent le maquillage, leurs mères n'y ont pas eu droit, elles ont tout à apprendre."


Soyez empathique et envoyez-vous des fleurs !

Marie a déjà vécu un parcours d'une extrême variété et grande richesse (et ça n'est pas fini !). Elle en a retenu quelques enseignements qu'elle partage volontiers. Tout d'abord, la première leçon qu'elle aime à appliquer est celle de l'empathie. "Je me souviendrai toujours de cette professeure d'anglais, Mme Lecerf, du lycée de Brizeux, à Quimper qui, à mon retour du Tchad en 6ème, a su déceler que mes difficultés étaient dues à un déphasage total et non à des lacunes scolaires. Moi je savais très bien raconter en anglais que Coco allait à l'école en pirogue, expliquer l'importance des crues du Nil pour l'agriculture, mais pas du tout parler de l'oncle qui cherchait sa pipe dans la maison, comme on apprend dans les manuels en France? Grâce à Mme Lecerf, je n'ai pas redoublé et je me suis intégrée plus vite !". Une belle illustration des bénéfices de l'empathie !

Et comme on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même, il ne faut pas oublier de se valoriser et de s'envoyer des fleurs ! Marie ne va pas tarder à l'expérimenter? Après un bon parcours marketing chez Procter & Gamble (sur les couches Pampers), puis chez Lesieur (c'est elle qui a inventé MayoKid, mélange de mayonnaise et ketchup pour les enfants, inspirée par les rayures de son dentifrice !), son mari lui annonce qu'il a l'opportunité de partir travailler au Vietnam. Nous sommes au milieu des années 90. La famille part donc avec un bébé de 18 mois, s'agrandit avec une autre naissance, ce qui n'est pas de toujours facile dans ce pays à cette époque? Comme toutes les femmes d'expat', Marie fait des tonnes de choses passionnantes, s'investit dans l'humanitaire, perfectionne son revers au tennis, profite de toutes ses nouvelles copines et réalise des interviews pour un journal local, sous un ton plutôt insolent en les signant "La papaye masquée" ! A son retour en France, recherchant un emploi, elle se voit bien obligée de gonfler un peu son CV sur ces années dorées? Puis un jour, lors d'un entretien chez Bristol Myers Squibb, elle finit par lâcher la vérité, assumant tout, et révèle tout l'enrichissement humain et personnel qu'elle a acquis pendant cette expérience unique. Banco, la franchise a payé, elle est embauchée pour travailler sur les laits infantiles ! Comme quoi, il ne faut pas sous-estimer son job de femme d'expat' !

Demandez de l'aide !

Un autre conseil que Marie aime à donner est aussi issu de son expérience de retour d'expatriation. Rentrée à Paris après le Vietnam, Marie s'est vue confrontée, comme tant d'autres femmes, à la course après le temps, entre les horaires de maternelle de l'aînée, le second à aller chercher à la crèche, la maison à tenir sans aide et la recherche d'un travail? Allez donc expliquer à un recruteur que vous n'êtes disponible qu'entre 9h45 et 11h15 pour cause de marmots à faire déjeuner, car ils n'ont pas le droit à la cantine quand la maman ne travaille pas ! Un jour qu'elle arrive, une fois de plus, en retard à l'école, essuyant les reproches de la directrice, Marie fond en larmes et raconte ses soucis d'organisation. "Mais Madame, pourquoi ne me l'avez-vous pas dit avant ?", lui répond la directrice, "Je vous prends votre fille à la cantine 2 ou 3 jours par semaine le temps de votre recherche, pas de problème !". Il suffisait d'oser demander?

Une autre fois, à Pékin, lorsque le couple décide à la fin des années 90 de tenter l'aventure chinoise, Marie recherche de nouveau un travail, un an après la naissance de son troisième enfant. Elle entre chez Cadbury Greater China en tant qu'adjointe de Fiona, la directrice marketing. Le patron explique à Marie qu'en réalité, il compte sur elle pour faire le travail de directrice marketing "en sous-marin", aux côtés de Fiona qui n'a pas son expérience ni ses compétences, mais qui est chinoise? Pas évident comme position. Au bout de quelques temps, après avoir ingurgité des tonnes de dossiers, sans pouvoir participer à aucune réunion, enfermée dans un bureau-placard, Marie n'en peut plus et annonce à Fiona qu'elle claque la porte. A moins que celle-ci accepte de travailler en vrai binôme avec Marie, sans crainte de se faire piquer son poste. Devant cette franchise, Fiona accepte et elles formeront toutes deux une excellente équipe très complémentaire, qui lancera avec succès plusieurs produits sur le marché chinois, pourtant à l'époque peu attiré par le chocolat ! De telle sorte que lorsque Fiona tombe enceinte, Marie assure son remplacement sans problème. Une belle illustration de la richesse du dialogue des cultures ! Les deux femmes sont depuis liées par une solide amitié.

Croire en sa chance et provoquer le destin !

Quelques années plus tard, Marie et sa famille mettent le cap sur Shanghai. Hasard des rencontres, Marie fait la connaissance d'un cadre qui avait  travaillé chez Mars pour contrer le succès de Choc Shot, un produit Cadbury, lancé en Chine par?Marie ! Clin d'?il du destin, coup de chance ? Bluffé à l'époque par le succès de cette innovation, il embauche Marie chez Unilever sur la marque Lipton, pour travailler sur Linéa, un thé amincissant, dont le lancement en Chine était bloqué depuis des mois par un récent scandale et des règlementations pointilleuses. Marie se plonge alors dans l'univers de la perception de la beauté du corps par la femme asiatique, très éloignée de celle de la femme occidentale. Sa force de persuasion permet de convaincre le management, qu'avant de lancer le produit, il faut impérativement prendre en compte les  différences culturelles. Impossible de tenir le même discours en Europe et en Chine. "On doit d'abord comprendre de façon très intime comment fonctionne le consommateur en marketing", explique Marie.

Les Enfants de Madaifu

Marie et la Chine, c'est aussi l'association Les Enfants de Madaifu, connue le plus souvent pour ses ventes annuelles de pommes. Cette association, créée en 1999 par le Docteur Marcel Roux (ancien directeur de Médecins Sans Frontières en Chine), a pour vocation d'aider des enfants orphelins, principalement des régions les plus pauvres du pays. Marie a contribué au développement de l'association entre 2000 et 2005, à Pékin et à Shanghai aussi, où elle a ouvert l'antenne locale. Les livraisons de pommes, l'organisation de conférences de célèbres journalistes?, un bel investissement pour une association généreuse et à taille humaine : "We love, we give !". Pour en savoir plus, relire notre article sur la sortie du livre Kang par Gilles Sabrié, le livre photos de l'association Les Enfants de Madaifu.

 

 

En 2009, après dix ans de Chine, Marie et son époux réalisent que leurs enfants, parfaitement intégrés, se sentent plus chinois que français. "Ils soutenaient les athlètes chinois lors des J.O. de Pékin !". Il était temps de rentrer au bercail, de renouer avec leurs racines? Puis, après quelques années en France toujours chez Unilever, Marie fait un bilan de compétences. Cela lui confirme que sa passion, c'est vraiment le marketing exploratoire. Aller au fond des choses, mener des études qualitatives ethnologiques et exploratoires, comprendre ce qui anime les consommateurs, leurs envies profondes. Et puis il y a le désir de retrouver une certaine liberté, de quitter les grands groupes? Marie se jette à l'eau, de nouveau ! Elle décide donc  de revenir en Chine, ce marché qu'elle connaît si bien et aux possibilités si grandes, et d'ouvrir sa société d'études qualitatives à Shanghai.  "Plusieurs de mes clients de France étaient intéressés, c'était le bon timing. La famille était partante, il fallait donc provoquer la chance et aller là où le vent vous porte !". Marie dirige donc depuis 2013 June Marketing Asia*, filiale d'un groupe fondé par deux s?urs en France (encore une histoire de femmes !), qui approche le consommateur sous un angle très qualitatif, en explorant notamment les univers de l'anthropologie, de la sémiologie etc. Elle travaille sur des marques grande consommation bien sûr, mais aussi B2B (Business to Business), des marques internationales mais aussi 100% chinoises. "Ça n'est pas évident car les différences culturelles sont énormes, les Chinois nous prennent parfois pour des extra-terrestres dans notre façon de travailler ! Mais c'est cela qui en fait tout l'intérêt". Quand elle dresse le bilan, Marie reconnaît que l'esprit d'équipe et le partage permanent des idées dans les grandes entreprises lui manquent. "Mais la plus belle partie de ce job c'est l'exploration et la variété des produits sur lesquels je travaille !".

*June Marketing est un groupe de conseils en développement de marques, via les études de marchés qualitatives, quantitatives et prospectives. Pour en savoir plus : http://www.junemarketingasia.com/

Le coup de c?ur shanghaien de Marie

Tours Shanghai La Juive : une visite originale qui sort des sentiers battus.  Du Peace Hotel, au ghetto, en passant par la synagogue Ohel Moishe, le quartier juif de Shanghai est un lieu fascinant, à l'histoire riche (des années 1850 à 1950) mais peu connue, et qui donne un autre éclairage sur la ville et sur la Chine. Détails : www.shanghai-jews.comshanghaijews@hotmail.com, tél : 130.0214.6702

 

Un Panthéon de femmes !

Pour conclure, Marie nous révèle aussi que parmi ses sources d'inspiration, il y a les femmes, cette formidable moitié de la nature humaine ! "J'ai mon Panthéon de femmes, à commencer par ma fabuleuse tante Hélène, mais aussi, à Shanghai, Anne Evenou, Sylvie Levey, Anne Langourieux, Marguerite Deperrois, Marie-Claire Bizot,  Geneviève Flaven et tant d'autres !  L'association de bretons Ker Shanghai, La Ruche, le projet 99women? toutes ces rencontres de femmes formidables et si diverses accompagnent ma vie !".

 

La Ruche

À NOTER : Le 8 mars, Soirée Ted Talk  à l'occasion de la Journée de la Femme, soirée spéciale ouverte aux hommes ! Pour en savoir plus sur l'association : www.larucheshanghai.com

Et pour relire nos derniers portraits de Français de Shanghai, voir notre rubrique Communauté/Portraits.

Delphine Gourgues lepetitjournal.com/shanghai  Mardi 21 février 2017


Le Petit Journal Shanghai
Publié le 20 février 2017, mis à jour le 2 avril 2017

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