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Bras de fer « électrique » entre Pékin et Bruxelles

Une nouvelle fois, le ministre du Commerce, Wang Wentao, s’est rendu à Bruxelles la semaine passée pour discuter avec son homologue européen, le commissaire chargé du Commerce, Valdis Dombrovskis, des tarifs douaniers imposés par l’UE sur les véhicules électriques produits en Chine. Avant la rencontre, une compte WeChat affilié à la CCTV promettait que la Chine « ne céderait pas d’un pouce ». Et de fait, cette réunion n’a permis aucune avancée concrète, si ce n’est que les deux parties se sont dites déterminées à « intensifier les efforts pour trouver une solution mutuellement acceptable ».

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@vdlc
Écrit par Le Vent de la Chine
Publié le 23 septembre 2024, mis à jour le 23 septembre 2024

Europe-Chine, des négociations difficiles

Si la Commission a formellement rejeté les engagements de prix soumis par les fabricants chinois de véhicules électriques pour combler l’écart qui les sépare de leurs concurrents européens, la négociation devrait se poursuivre en ce sens.

En effet, certains à Bruxelles n’ont pas oublié les accords de prix conclus avec les producteurs chinois de panneaux solaires il y a plus de 10 ans, rendus caducs lorsque la France et l’Allemagne ont conclu leurs propres accords avec la Chine, après que Pékin ait décidé de s’en prendre aux vins français et aux automobiles allemandes. Pas question donc pour Bruxelles de refaire la même erreur.

Pour rappel, la Commission a décidé en juin dernier d’imposer jusqu’en novembre des droits compensateurs sur les importations de véhicules électriques depuis la Chine, en plus des 10% de taxes appliquées jusqu’à présent. Ces droits oscillent entre 17,4 % pour le leader mondial BYD et 38,1 % pour le groupe public SAIC et sa marque MG. Pour les autres, un droit moyen de 21 % devrait s’appliquer. Des tarifs plutôt bas comparés aux 40% imposés par la Turquie et aux 100% décrétés par les Etats-Unis et le Canada.

La cohésion européenne en question

Mais aujourd’hui, c’est de l’imposition de droits « définitifs » (cinq ans en réalité) dont il est question. Pour être adoptée, une majorité d’au moins 15 États membres représentant 65 % de la population de l’UE devait se prononcer « pour » lors d’un vote initialement prévu le 25 septembre, puis finalement reporté en octobre.

Il faut dire que l’issue du vote se montre de plus en plus incertaine : au fur et à mesure que l’activisme chinois s’intensifie, les États font volte-face ou font part de leurs réserves. C’était déjà le cas de Berlin, qui craint que ses constructeurs automobiles, très dépendants du marché chinois, fassent l’objet de représailles de la part de Pékin. Mais la surprise est venue de Madrid qui a fait marche arrière la semaine passée, redoutant une nouvelle guerre commerciale avec la Chine. Les deux capitales rejoignent ainsi Stockholm et Budapest, également opposées à ces tarifs.

Le coup de grâce pourrait venir de Rome, qui s’est, à l’origine, déclaré favorable à de nouveaux tarifs, mais plaide désormais pour une solution négociée depuis la visite du ministre Wang qui n’a pas caché que l’ouverture d’une usine Dongfeng dans la péninsule dépendait de la position du gouvernement italien. Nouvelle preuve, s’il en fallait, que la stratégie de la carotte et du bâton, employée par la Chine, obtient des résultats dans des moments critiques.

Les mesures de rétorsion chinoises

En effet, Pékin a d’abord fait planer des tarifs douaniers sur le cognac (français), puis s’en est pris au porc (espagnol, danois, hollandais et français) et aux produits laitiers (italien, danois, hollandais et français) – deux secteurs actuellement en surproduction en Chine. En parallèle, les pays européens qui se sont – du moins initialement – prononcés en faveur des tarifs sur les véhicules électriques chinois, rivalisent entre eux pour attirer les investissements chinois dans cette même filière.

Le message de Pékin est clair : seuls les Etats qui voteront contre les tarifs seront dignes de recevoir des investissements chinois. Et pas à n’importe quelle condition. Lors d’une réunion en juillet dernier, le ministère du Commerce aurait fortement conseillé aux constructeurs chinois de s’assurer que leurs technologies les plus avancées restent en Chine et de n’exporter que des pièces détachées qui peuvent être assemblées et montées à l’étranger.

Le ministère leur aurait également déconseillé de choisir l’Inde, la Turquie et la Russie pour y installer leurs usines, soulignant que ce sont souvent les pays qui envisagent d’ériger des barrières tarifaires contre leurs véhicules qui les invitent aussi à investir chez eux. Ces consignes vont néanmoins à l’encontre des efforts d’internationalisation de ces groupes, qui doivent faire face au ralentissement de leurs ventes sur le marché chinois et espèrent donc trouver des débouchés plus rémunérateurs à l’étranger.

La situation est quelque peu ironique lorsqu’on sait que la Chine a elle-même contraint, jusqu’en 2020, les constructeurs automobiles étrangers à former des coentreprises avec des acteurs locaux pour favoriser les transferts de technologie et l’émergence de constructeurs nationaux. Une politique, maintes fois dénoncée par l’Union Européenne, mais que la Chine a appliqué sans ciller pendant plus de 25 ans et qui s’est avérée payante. Ainsi, en brandissant aujourd’hui la menace des tarifs, Bruxelles s’inspire de cette stratégie chinoise et espère arriver au même résultat.

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