

Après vous avoir présenté le portrait de plusieurs Français de Shanghai, nous vous proposons aujourd'hui l'interview de Javier Gimeno, Espagnol francophone de longue date, qui est reconnu au sein de la communauté française des affaires. À la tête du groupe Saint-Gobain en Chine et sur la zone Asie-Pacifique, et fraîchement réélu président de la CCIFC (Chambre de Commerce et d'Industrie France Chine, qui fête cette année ses 25 ans), Javier Gimeno nous a reçus dans ses bureaux de Shanghai et nous a donné sa vision de la Chine et de la présence française dans l'Empire du Milieu. Un point de vue à la fois optimiste et ambitieux, à la mesure du personnage !
Lepetitjournal.com : le groupe Saint-Gobain a fêté ses 350 ans en 2015 (relire notre brève). Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs ce qu'il représente aujourd'hui dans le monde et quelle est sa stratégie globale ?

Le nouveau logo du groupe Saint-Gobain
En Chine justement, comment se positionne Saint-Gobain ?

Sur ce marché, Saint-Gobain a un positionnement privilégié de qualité et d'innovation. Et le temps joue en notre faveur car ces deux critères sont de plus en plus importants pour les consommateurs chinois. En effet, le développement de la classe moyenne en Chine s'accompagne d'un réel changement des mentalités avec une véritable conscience environnementale et une recherche de bien-être. Notre portefeuille de produits répond très bien à ces besoins et la croissance du groupe en Chine en témoigne avec +8% en 2016. Mais l'économie en Chine évolue toujours à un rythme "spasmodique", il faut savoir résister à ces turbulences et poursuivre sa route.
Javier Gimeno et des membres de ses équipes lors du Gala du Nouvel An Chinois 2017 (23/01/2017)
Que pensez-vous de la situation économique de la Chine aujourd'hui ? Ses points forts et ses faiblesses ?
La Chine est en train d'opérer une transformation fondamentale de son modèle économique, et comme souvent, elle agit de façon efficace et très rapide. On va passer du volume à la qualité et l'innovation. Et le processus est bel et bien en marche, preuve en est la croissance importante du secteur tertiaire depuis quelques années. L'économie va devenir plus saine et équilibrée.
| "En Chine, j'ai appris à conduire une voiture à toute vitesse, en gardant toute ma sérénité !" |
Cependant, ce pays présente quelques faiblesses, et non des moindres. Tout d'abord, un problème de surcapacité, essentiellement dans le domaine industriel (acier, vitrages?). Ce problème est apparu entre autres en raison des capitaux qui furent longtemps faciles à taux zéro. Il va falloir du temps pour "digérer" ce surplus. Le second souci est l'endettement. Pas celui des ménages, mais celui des entreprises d'État et de l'administration, des provinces. Malgré une forte volonté de faire baisser cette dette, celle-ci continue à augmenter. Mais je reste très confiant, car les besoins sont fondamentaux sont réels et les moyens présents. À titre d'exemple, le taux de motorisation en Chine est de 100 voitures pour 1.000 habitants (il est de 600 en France). L'urbanisation va aussi encore progresser : 50% de la population vit aujourd'hui en zone rurale. À terme, ce sera 70% qui sera en zone urbaine.
Côté points forts, les autorités vont continuer à chercher à attirer les investisseurs étrangers. Même si les contrôles se font plus stricts ces derniers temps pour le respect des réglementations. Les comportements sont en train d'évoluer. À moyen et long terme, on peut être optimiste et le groupe Saint-Gobain a la volonté d'accélérer son développement dans la région : l'objectif est de doubler le chiffre d'affaires en Asie du Sud-Est en 5 ans, et de l'augmenter de 50% en Chine d'ici 3 à 5 ans !
En tant que président de la CCIFC, que pensez-vous de la présence économique de la France en Chine ?

Javier Gimeno, lors des élections de la CCIFC à Shanghai, entouré des membres élus, ainsi que d'Axel Cruau, consul général de France à Shanghai et de Thierry Mariani, député des Français de l'Etranger (08/03/2017)
La CCIFC aujourd'hui c'est plus de 1.600 adhérents. Lors de mon premier mandat, j'ai pu réaliser les objectifs suivants : mettre en ordre l'équilibre financier de l'institution et modifier l'organisation au niveau national pour plus de transversalité et d'unité d'action. Pour ce prochain mandat 2017-2019, il nous faut maintenant rebondir et adopter une réelle stratégie de croissance. L'objectif numéro 1 est de devenir la Chambre la plus importante au monde (elle est aujourd'hui en 3ème position) !
Que vous aura appris cette expérience en Chine sur un plan professionnel ?

Inauguration de la 4ème usine Weber de Saint-Gobain à Wuhan (07/04/2016)
Et sur un plan plus personnel/culturel ?
J'adore la Chine ! J'ai des amis chinois, des gens qui comptent. Et il y a cette énorme diversité du pays, j'en suis toujours étonné. J'essaie aussi de mieux connaître l'histoire chinoise, mais les bonnes traductions ne sont pas faciles à trouver. Je recommande d'ailleurs un ouvrage formidable qui vient de paraître, écrit par Sylvie Bermann (qui fut ambassadrice de France en Chine), "La Chine en eaux profondes" (éditions Stock). Et l'image que je garderai en mémoire le jour où je quitterai ce pays sera le sourire des Chinois ! Cette jeunesse d'esprit, cette confiance immuable dans l'avenir, cette conviction que demain sera meilleur qu'aujourd'hui, nous avons perdu cela en Europe?
Le mot de la fin ?
J'aime beaucoup la France, mes enfants y sont nés, j'ai appris le français avec Saint-Gobain et j'ai toujours vécu dans la communauté d'affaires française. Je suis très honoré d'être président de la CCIFC et à la tête de Saint-Gobain en Chine et Asie-Pacifique, ce sont deux missions exaltantes, qui me permettent de rendre à la France un peu de ce qu'elle me donne !
Pour en savoir plus sur Saint-Gobain en Chine, consulter le site http://www.saint-gobain.com.cn/en/about_china
Crédits photo : Saint-Gobain Chine
Propos recueillis par Delphine Gourgues lepetitjournal.com/shanghai Lundi 17 avril 2017








