Édition internationale

PROPAGANDE - Révolution culturelle et symboles

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 décembre 2014

 Par Lydie Helmy

Lorsque les guides dans les temples ou les musées évoquent la Révolution culturelle, je suis toujours perplexe ou dubitative ? Tout le monde sait que cette révolution a été un important bouleversement social et économique, mais comment un tel engouement a-t-il pu se produire dans un pays si grand ? Quelles techniques de communication ont bien pu être utilisées à l'époque ? Après quelques recherches, je découvre que parmi d'autres objets, de nombreuses affiches de propagande ont été imprimées et que des symboles y figuraient de manière récurrente. Ces références faciles à identifier permettaient de créer une idéologie collective autour des idées nouvelles à véhiculer.

En quelques lignes, c'est quoi la Révolution culturelle (1966-1976) ?

Tout a commencé en 1965 par un article paru dans Wenhuibao, un journal de Shanghai, sur la pièce de théâtre La destitution de Hai Rui, publiée en 1961 et écrite par Wu Han, vice-maire de Pékin. Le journaliste dénonce une critique sous-jacente de Mao Zedong, alors Secrétaire général du Parti Communiste Chinois et Président de la Commission Militaire Centrale. Cet article marque le début d'une série d'attaques envers d'autres intellectuels chinois, comme Wu Han.

Dès 1966, le gouvernement décide d'"extirper énergiquement la pensée, la culture, les mœurs et coutumes anciennes de toutes les classes exploiteuses" afin d'"implanter l'idéologie prolétarienne". En clair, l'objectif principal de cette révolution est d'éradiquer les valeurs traditionnelles de la société de l'époque afin de créer un nouveau système socialiste. Un autre objectif non négligeable est celui de réhabiliter Mao dans les sphères du pouvoir, après l'échec du Grand Bond en avant.

Des coalitions de lycéens, d'étudiants et d'ouvriers forment alors rapidement les troupes des Gardes rouges afin de mettre en œuvre la Révolution par la force et la contrainte : de nombreux temples sont détruits, les intellectuels sont humiliés et envoyés à la campagne pour effectuer du travail manuel. Les personnes soupçonnées de ne pas soutenir la Révolution sont exécutées en public.

Parallèlement, Mao lance une propagande soutenue pour justifier la nécessité de ce grand renversement social, et aussi pour mettre en place le culte de sa personne. Pour ce second objectif, l'idée à répandre parmi les masses est celle de la grande bonté et la bienveillance sans limite du Grand Timonier. Certains symboles ont davantage marqués les esprits, d'autres sont passés inaperçus.

Gardes brandissant le Petit Livre Rouge (crédit Musée de la Propagande)

Le Petit Livre Rouge, "Bible" de la Révolution

Le livre a été édité par le gouvernement chinois en 1964 et concentre des extraits de citations et d'écrits de Mao. Pendant la Révolution culturelle, il est obligatoire de l'étudier à l'école et au travail. Dans les années soixante, on le distingue sur un très grand nombre d'affiches de propagande, où il est brandi presque systématiquement par des jeunes enthousiastes et déterminés.

Le soleil rouge, symbole de puissance divine

Sur les affiches, le visage doux de Mao est souvent représenté dans un soleil aux rayons rouges ou dégradés de jaune et orange. En haut de l'affiche, place du soleil, et le plus fréquemment en haut d'une montagne, Mao domine les masses populaires. Avec le symbole des rayons solaires, Mao s'inspire des œuvres chrétiennes représentant le Créateur et les saints, entourés de rayons ou en dégageant, le tout symbolisant un pouvoir surnaturel.

La mangue, symbole éphémère

La mangue a figuré une année dans le répertoire des symboles de propagande, mais son entrée est le "fruit" d'un concours de circonstances étonnantes !

Vénération d'un plateau de mangues (crédit Reiner Wolfsberger)

En août 1968, le Ministère des affaires étrangères du Pakistan fait livrer à Mao une caisse de mangues. Ce cadeau arrive à une période où les Gardes rouges se livrent à des luttes intestines et sanglantes pour conquérir le pouvoir. Malgré une certaine accalmie, les tensions reprennent violemment à l'université de Qinghua à Pékin. Le Grand Timonier envoie alors plusieurs milliers d'ouvriers révolutionnaires non-armés apaiser les esprits des jeunes Gardes et ordonne la distribution de mangues, alors complètement inconnues, pour ces ouvriers. Le message véhiculé par le fruit est compris par les étudiants agités. Ces derniers vont cesser leurs luttes et céder la place aux ouvriers qui sont désormais en charge de la Révolution.

La mangue démontre aussi la bonté de Mao, et devient un symbole supplémentaire de propagande. On retrouve alors des corbeilles de mangue sur les affiches. Lors des parades pour la Fête nationale, des chars exhibent des gigantesques mangues en papier mâché dans tout le pays. Le fruit apparait aussi sur des badges et des tissus…

Ces symboles appartiennent à une époque révolue. De manière plus anecdotique, je découvre que l'on représente aujourd'hui Mao sous les traits d'un chat, puisque chat en chinois se prononce māo 猫… Le plus drôle est qu'en ce moment, sur la toile, un groupe de pop chinois fait fureur avec le titre : "Xi dada aime Peng mama". Xi est bien le Président Xi Jinping et Peng Liyuan son épouse ! Une chose est sûre, la propagande sait s'adapter à l'ère du temps !

Lydie Helmy lepetitjournal.com/shanghai Mardi 16 décembre 2014

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 15 décembre 2014, mis à jour le 14 décembre 2014
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