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LES DROITS DES FEMMES EN CHINE - Quelle réalité ?

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 7 mars 2016, mis à jour le 7 mars 2016

 

Le 8 mars, ce n'est pas communément la Journée de la Femme, mais plus précisément celle des Droits des Femmes, la nuance est importante... Aussi, nous nous sommes demandés au petitjournal.com quelles étaient les particularités des droits des femmes en Chine. Education, travail, mariage, divorce, mais aussi accès à la propriété, nous avons interrogé quelques experts dans ces domaines, afin de savoir ce qu'il en est vraiment de la position de la femme chinoise dans cette société traditionnellement patriarcale, où les femmes ne représentent que 48,8 % de la population totale. La femme serait-elle l'avenir de l'homme en Chine aussi ?...

 

Education : égalité des droits, mais inégalités dans les faits?

 

Tongji University, Shanghai

Les droits à l'éducation sont aujourd'hui les mêmes pour les filles que pour les garçons en Chine. La Chine communiste a beaucoup ?uvré dans ce sens. La durée de scolarisation obligatoire est, depuis 1986, de 9 années pour tout enfant à partir de l'âge de 6 ou 7 ans. Mais les traditions ont la vie dure et la société patriarcale est encore influente dans de nombreuses régions du pays. Les familles favorisent donc encore souvent l'éducation des garçons sur celle des filles, notamment à partir d'un certain âge. L'objectif affirmé du gouvernement est donc de réduire au maximum l'écart du niveau d'éducation entre garçons et filles.

En 2004, le taux de scolarité des filles était de 98,93 %, et celui des garçons de 98,97 %. Ces dernières années, des efforts financiers des autorités ont tout particulièrement soutenu l'éducation obligatoire des filles dans les milieux ruraux, au sein des ethnies minoritaires, et aussi envers les enfants de migrants, notamment les filles. Le gouvernement met aussi l'accent sur l'alphabétisation des femmes jeunes et adultes, et veut augmenter le nombre d'années moyen de leur scolarité, essayant de combler un écart qui reste important, notamment dans les milieux ruraux. Les chiffres sont parlants : "globalement, l'alphabétisation féminine progresse : en vingt ans, leur durée moyenne d'éducation a presque doublé passant de 4,7 en 1990 à 8,8 ans en 2010, comblant ainsi progressivement le retard avec les hommes (6,6 et 9,1 ans respectivement ces deux années)".(1)  Mais, même si l'illettrisme toucherait aujourd'hui moins de 5 % de la population, ce sont les femmes qui sont concernées en grande majorité (70 % des analphabètes seraient des femmes (9)).

De même, la volonté affichée est que les filles aient la même chance dans l'enseignement secondaire et supérieur que les garçons. Près de 94 % des écoliers poursuivent ensuite leur cursus en universités. Et les statistiques semblent évoluer de façon favorable pour la gente féminine : en 2004, les femmes représentaient 43,8 % des étudiants de premier cycle, passant à 49,6 % en 2012, selon les chiffres du ministère de l'Education. Dans les programmes de maîtrise, les femmes représentaient 44,1 % des étudiants en 2004, passant à 50,3 % en 2010. Parmi les candidats au doctorat, un peu plus de 35,4 % étaient des femmes en 2010, contre 31,3 % en 2004. Cependant, des protestations de plus en plus nombreuses s'élèvent contre des pratiques illégales mais avérées, de discriminations aux résultats. En effet, dans certaines universités et dans certaines disciplines, certains barèmes seraient plus exigeants pour les filles que pour les garçons. (8) Par ailleurs, le choix des filières selon le genre est à l'image de la tendance mondiale : "les filières scientifiques et techniques à l'université restent actuellement masculines à plus de 70 % alors que la proportion de filles (45,7 %) et de garçons (54,3 %) à l'université tend à se rejoindre. L'augmentation des filles à l'université (en dix ans + 11,25 points) concerne surtout les domaines des lettres, des langues, des sciences humaines, des sciences sociales et du vivant" (chiffres 2004) (2). Même si cet écart tend à se réduire, comme le montre cet exemple d'une école spécialisée dans la recherche aéronautique à l'Institut de Technologie de Pékin, où les femmes représentaient 13,8 % des étudiants en 2008, passant à 16,4 % en 2011. (8)

La femme et l'emploi : travailleuse mais peu valorisée

Vendeuses devant leur magasin, Yunnan

De façon logique, on retrouve ces inégalités sur le marché de l'emploi. Si la Chine est un des pays au monde où les femmes travaillent en plus grand nombre (deux femmes sur trois travaillent, et près d'un actif sur deux est une femme), la tendance est pourtant à la baisse depuis les années 1990, surtout dans les villes. Elles ont plus de mal à retrouver un emploi après un licenciement, et leur travail est souvent pénible physiquement, mal payé et exigeant une faible qualification : il suffit d'observer ce qu'il se passe dans les rues pour le constater? Et une fois encore, l'écart entre milieu rural et milieu urbain dans ce domaine est important. En haut de l'échelle, on observe que la large majorité des employés de bureau sont des hommes, ainsi que près de 80 % des cadres dirigeants. (1)

De plus, la réussite sociale des femmes se heurte aux mêmes écueils que dans de nombreux pays : les entreprises préfèrent embaucher des hommes, ou des femmes ayant déjà un enfant, afin de ne pas être confrontées aux "problèmes" liés au mariage ou à la maternité. Là encore, les préjugés sociaux sont un réel obstacle pour les femmes.

Mariage : un cadre juridique favorable, une réalité encore très traditionnelle

L'histoire n'a pas toujours été tendre avec les femmes dans ce domaine. En effet, selon la tradition confucéenne, la femme chinoise changeait littéralement de famille à son mariage, pour intégrer celle de son mari (souvent polygame), à qui elle devait obéissance. Mais cette institution a été réformée à l'arrivée des communistes au pouvoir : monogamie, égalité entre hommes et femmes, notamment concernant le statut familial (c'est la fin du modèle patriarcal), et divorce par consentement mutuel sont alors instaurés. La loi sur le mariage du 30 août 1950 reconnaît officiellement aux femmes les mêmes droits que les hommes. Les femmes se sont véritablement émancipées depuis la fin du XXème siècle, mais surtout dans les villes. Les traditions restent aujourd'hui encore très fortes dans les campagnes ou villes de moindre importance?

De nos jours, le consentement des parents n'est plus obligatoire, seul celui des futurs époux importe. De plus, les formalités ont été énormément simplifiées au point de pouvoir en faire un simple enregistrement administratif : la grande fête familiale et l'offre de biens ne sont officiellement plus de mise, même si cela reste une pratique encore fortement ancrée dans de nombreuses régions... Par ailleurs, l'âge minimum légal pour se marier est de 20 ans pour la femme (22 pour l'homme). Rappelons que la majorité civile est de 18 ans en Chine. Et il est fréquent que certaines régions élèvent ce seuil de majorité matrimoniale de trois ans, afin de limiter le développement démographique. Notons enfin que le mariage reste le socle de la famille, et que la maternité est toujours systématiquement associée à celui-ci. (3) (4)

Divorce et garde des enfants : une loi plutôt égalitaire avec quelques vides juridiques

Si dans le passé, le divorce était synonyme de répudiation de la femme par son mari, il est aujourd'hui facile de divorcer en Chine pour les femmes. En effet, la loi autorise le divorce, par consentement mutuel ou sur demande unilatérale de l'un des conjoints. C'est même une simple déclaration administrative, sans intervention du juge, sauf en cas de recours d'un des conjoints ou en cas d'absence d'accord à l'amiable. Certaines restrictions protègent même les femmes un peu plus : un homme ne peut demander le divorce si sa femme est enceinte, ni pendant l'année qui suit l'accouchement.

Concernant la garde des enfants, la loi chinoise tend à être favorable au bien-être de l'enfant dans les cas de divorce des parents. Les décisions prises par les juges dépendent souvent de l'âge des enfants. En effet, avant deux ans, la mère peut en avoir la garde exclusive. Jusqu'aux dix ans de l'enfant, la garde alternée est la plus courante, et ensuite, la parole est donnée à l'intéressé pour faire un choix. Mais les sujets de pension alimentaire et autres indemnités ne sont pas clairement envisagés par la loi.  Tout est étudié au cas par cas donc. (4)(5)

Violences conjugales : une évolution de la loi toute récente

Ce sujet tabou touche malheureusement la Chine comme les pays du monde entier. Mais l'Empire du Milieu tarde à légiférer en la matière, même si des gros progrès ont vus le jour ces dernières années. Ce n'est qu'en 2001 que la violence physique a été interdite et qu'elle a enfin pu être un motif de divorce, si les preuves sont apportées et reconnues par le tribunal bien sûr? Le souci principal est de faire considérer ces violences, par la population et par les autorités, comme un crime, et non comme une affaire "privée et familiale". Or selon la Fédération des Femmes chinoises (émanation du Parti Communiste), entre 25 et 40 % des femmes mariées (ou en couple)  seraient ou auraient été victimes de violence conjugale. Les plaintes déposées sont cependant rarissimes, moins de 50.000 par an.

Lueur d'espoir, les choses évoluent, car le 27 décembre 2015, le parlement a adopté un texte "interdisant toute forme de violence domestique, physique autant que psychique, et cela dans toutes les familles, les couples mariés ou les concubins". Cette loi, annoncée et attendue depuis plusieurs années, a vu le jour suite à cette affaire d'avril 2015, concernant une femme ayant tué son mari, après qu'il lui ait infligé des sévices extrêmement violents dès le lendemain de leur mariage. Condamnée à mort, elle a vu sa peine suspendue, suite à une campagne de soutien d'ampleur internationale de plusieurs années. Un grand pas en avant donc, en espérant que les mentalités évoluent rapidement (6) (7). Cette loi contre la violence domestique est officiellement entrée en vigueur le 1er mars 2016. Par ailleurs, un amendement, approuvé en août 2015, contribue à renforcer la protection des jeunes filles de moins de 14 ans, et spécifie des peines plus sévères pour les crimes de viol sur celles-ci.

Accès à la propriété : le fossé entre ville et campagne

Ce sujet révèle des différences très prononcées entre les villes et les campagnes, comme nous l'explique Marylise Hébrard, du Centre sino-français de Formation et d'Echanges notariaux et juridiques à Shanghai .

Dans les grandes villes, se faire offrir un appartement fut longtemps un des objectifs majeurs pour celles que l'on appelle les "ernai" (maîtresses). Par ailleurs, apporter dans la corbeille de marié un appartement, est ensuite devenu l'un des critères essentiel pour gagner les faveurs, cette fois non pas d'une jeune maîtresse, mais d'une épouse. Pour les familles modestes, les économies commencent dès la naissance. Cela est alors devenu un droit de fait dans les systèmes d'attribution de logement : lorsque l'on obtenait le droit de se marier, on obtenait le droit au logement.

De nos jours, les femmes ont réussi à attacher leurs noms aux titres de propriété. Cependant, en cas de vente d'un bien immobilier, il n'y a pas de vérification du statut marital, un époux ruiné peut donc vendre l'appartement du couple sans en informer sa femme ! La femme l'attaque alors en justice le plus souvent? De façon générale, en ville, pas de discrimination homme/femme, les droits de protection des femmes et enfants sont appliqués, au même titre que ceux des hommes, en cas de vente, succession ou divorce. A la campagne, c'est une autre histoire? Les ruraux ont des droits attachés à leur village d'origine (terre cultivable et terrain à construire). Comme une fille est sensée partir dans la famille de son mari, elle n'a aucun droit de propriété dans son village natal. Imaginez le drame en cas de veuvage ou de divorce ! Et en général, une femme ne retourne pas vivre dans son village d'origine, signe de honte. Tout ceci n'est pas légal bien entendu, mais les traditions ont la vie dure, et la situation n'évolue guère en faveur des femmes en campagne?

En conclusion?

Si l'on peut affirmer que le régime communiste a considérablement fait évoluer les droits des femmes, dans le sens de l'égalité avec les hommes, force est de constater que, dans de nombreux domaines, les faits ne sont pas en cohérence avec les règlements et que les traditions ont encore un poids non négligeable sur la société. De plus, l'écart des comportements entre les grandes villes et les campagnes est encore très prononcé. Mais restons optimistes, la future évolution du modèle économique chinois devrait permettre aux femmes d'affirmer leurs positions et de faire prendre conscience du caractère indispensable de leur rôle. On dit qu'en Chine, tout va plus vite qu'ailleurs, tous les espoirs sont donc permis pour les droits des femmes aussi !

* Nous remercions tout particulièrement Marylise Hébrard (Directrice du Centre sino-français de Formation et d'Echanges notariaux et juridiques à Shanghai) et  Séverine Pin (Directrice chez Fourth Valley Concierge Consulting (Shanghai) Co., Ltd) pour leur contribution à cet article.

Sources : (1)L'Histoire, (2)Les sciences de l'éducation, (3)ambafrance-cn.org, (4)La Chine pour les Nuls, (5)lepetitjournal.com/shanghai, (6)madame.lefigaro.fr, (7)TV5monde, (8)The NYTimes, (9)Humanium

La rédaction lepetitjournal.com/shanghai Mardi 8 mars 2016

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 7 mars 2016, mis à jour le 7 mars 2016

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