Depuis le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris, la Chine se montre particulièrement active sur le front climatique, espérant conserver l’initiative.
Invité à un échange virtuel le 16 avril avec le Président français et la Chancelière allemande, le Président Xi Jinping a confirmé sa participation à ce que la Chine a présenté comme un « mini-sommet sur le climat ». Le rendez-vous, prévu depuis plusieurs semaines, n’avait pas encore été officiellement annoncé avant que Pékin ne prenne les devants. En rendant cette réunion publique, la Chine a voulu souligner l’importance de sa relation avec l’Union Européenne en matière climatique, en un pied de nez aux États-Unis qui organisaient un sommet d’envergure sur le même sujet une semaine plus tard. Cela n’a pas empêché Xi Jinping de dénoncer vigoureusement la future taxe carbone de l’Union Européenne qui frapperait les exportations chinoises, en y opposant les vertus du « libre-échange ».
Ce faisant, ce rendez-vous sino-européen à haut niveau a éclipsé la rencontre qui a eu lieu le même jour à Shanghai entre l’émissaire américain pour le climat, John Kerry, et son homologue Xie Zhenhua, sorti de sa retraite en février. Sur le bout des lèvres, les deux premières puissances mondiales se sont engagées à « coopérer » d’ici la COP26, prévue à Glasgow en novembre prochain. Pourtant, Pékin refuse de dissocier le sujet climatique des nombreux autres dossiers qui fâchent, espérant peut-être obtenir ainsi des concessions de la part de Washington.
Quatre jours plus tard, le 20 avril, le forum de Boao, « Davos chinois », a pris des allures de « contre-sommet » climatique. Dans son discours, le Président Xi s’est à nouveau présenté comme le porte-parole des « pays en voie de développement » et a souligné « la nécessité de respecter le principe des responsabilités communes, mais différenciées » – une manière de renvoyer la balle dans le camp des pays « développés » qui lui réclament plus d’efforts. « Une demande peu réaliste », commentait Le Yucheng, vice-ministre des Affaires étrangères. « La Chine est encore à l’école primaire alors que les États-Unis et l’Europe sont déjà au lycée. Il n’est pas juste de nous demander d’obtenir le baccalauréat en même temps », jugeait celui qui est pressenti pour remplacer l’actuel ministre Wang Yi qui va sur ses 68 ans.
Décidément friand des effets d’annonces, Xi Jinping a confirmé publiquement sa participation au sommet sur le climat organisé le 22 avril par l’administration de Joe Biden, la veille de l’évènement.
Alors que de nombreux observateurs nourrissaient l’espoir que la Chine dévoile à l’occasion des objectifs climatiques plus ambitieux ou renonce à financer des projets de centrales à charbon à l’étranger (comme l’a fait la Corée du Sud), Xi Jinping s’est contenté d’annoncer que son pays atteindrait le pic de sa consommation de charbon en 2025, avant qu’elle ne commence à décroître sous le 15ème plan quinquennal (2026-2030). Le même jour, l’administration nationale de l’énergie (NEA) a révélé l’objectif de réduire la part du charbon dans le mix énergétique chinois de 56,8% à 56% cette année, reflétant l’approche prudente privilégiée par Pékin, en proie à des luttes internes au sujet de l’avenir de la filière houillère dans le pays.
Diplomatiquement, Pékin ne voulait surtout pas donner l’impression de céder face aux pressions américaines. Si la Chine a de nouvelles annonces à faire, elle le fera plutôt à l’occasion d’un sommet international, comme celui de l’ONU en septembre dernier durant lequel Xi Jinping avait surpris le monde entier en s’engageant à faire baisser les émissions chinoises de CO2 « avant » 2030 et à atteindre la neutralité carbone « d’ici » 2060.
Malgré le manque de nouvelles ambitions, c’est la première fois que Pékin divulgue un calendrier plus précis depuis la promesse de Xi Jinping. « Ces objectifs sont déjà particulièrement lourds », se sont justifiés certains hauts cadres. De fait, la Chine devra investir 15 000 milliards de $ durant les trois prochaines décennies et fermer près de 600 centrales à charbon (364 GW) dans les dix prochaines années pour espérer atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. C’est donc une véritable révolution économique qui attend le pays. Mais en tant que leader dans les énergies renouvelables, la Chine est bien placée pour relever le défi.