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CORONAVIRUS - La médecine traditionnelle en renfort

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Écrit par Le Vent de la Chine
Publié le 17 mars 2020, mis à jour le 17 mars 2020

Voilà qui s’appelle faire contre mauvaise fortune, bon cœur. L’épidémie de coronavirus s’est transformée en occasion pour la Chine de prouver les mérites de sa médecine traditionnelle (TCM).

Dès les années 50, Mao y voyait une alternative à la médecine classique, moins coûteuse et accessible à tous. 70 ans plus tard, la TCM bénéficie toujours d’un soutien au plus haut niveau, le Président Xi Jinping l’ayant qualifiée de « trésor de la civilisation chinoise ». De fait, la TCM n’a jamais manqué une épidémie. En 1988, les autorités shanghaiennes conseillaient le Banlangen, habituellement utilisé en cas de rhume, pour lutter contre une épidémie d’hépatite A (attribuée à la consommation de palourdes crues). Des mots d’un médecin de l’époque, « prescrire du Banlangen visait surtout à rassurer la population ». Ce remède faisait son grand retour durant le SRAS en 2003. Dix ans plus tard, lors de l’épidémie de grippe aviaire, c’était le Shuanghuanglian, sirop contre la toux et la fièvre qui avait les faveurs des consommateurs. Ainsi, dès les premiers jours de l’épidémie de Covid-19, le leader chinois appelait à combiner la médecine traditionnelle chinoise avec les traitements occidentaux.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Plus de 4 900 praticiens TCM furent envoyés dans le Hubei. Selon Xu Nanping, vice-ministre des Sciences et Technologies, 85% des patients en Chine ont bénéficié de ce traitement combiné. Et les médecins mirent les bouchées doubles : dans le Shanxi, une décoction fut mise au point en huit jours seulement, au lieu de plusieurs mois en temps normal. Dans la province, 98,5% des patients ont reçu ce remède, et 91,5% d’entre eux ont présenté des signes encourageants.

Surfant sur un sentiment de fierté nationale, la presse officielle regorge de statistiques témoignant de l’efficacité de la TCM pour soulager les symptômes des malades. Certains médecins affichent leur scepticisme : « pourquoi donner à autant de patients des remèdes de médecine traditionnelle ? Du coup, on ne peut observer clairement ni les effets de la médecine classique, ni de la TCM seule. La science est la base de la médecine, et la science doit être vérifiable, peu importe le type de traitement prescrit – c’est irresponsable de donner certains remèdes aux patients avant de s’être assuré de leur efficacité et de leur sûreté ». En effet, aucune étude clinique sérieuse sur les effets de la TCM sur le Covid-19 n’a été publiée à ce jour. Si l’artémisine a été reconnue internationalement comme efficace contre le paludisme, de nombreux ingrédients issus de la pharmacopée traditionnelle chinoise doivent encore faire leurs preuves en laboratoire. Pourtant, un article publié au Chinese Journal of Integrative Medicine recommandait la racine d’Astragale (黄芪, huángqí) et de réglisse (甘草, gāncǎo), le rhizome de Sermontain (白术, báizhú), le chèvrefeuille (金银花, jīnyínhuā) et le forsythia (连翘, liánqiáo), à titre préventif contre le Covid-19. L’agence Xinhua relatait également les bienfaits de la décoction Qingfei Paidu sur les poumons. Début janvier, un commentaire similaire sur le sirop Shuanghuanglian provoquait une rupture de stock dans les pharmacies, et ce malgré un démenti sur son efficacité publié dès le lendemain par le Quotidien du Peuple… 

Or, la promotion de cette médecine antique est moins un enjeu national, où elle est déjà très populaire, qu’international, allant de pair avec la montée en puissance chinoise sur la scène mondiale. Petite victoire début mars, l’OMS enlevait les « remèdes traditionnels à base de plantes » de sa liste des traitements potentiellement dangereux ou inefficaces. L’organisation onusienne, faisant preuve d’une sinophilie certaine ces dernières semaines, affirmait que quelques traitements TCM pourraient aider à traiter certains symptômes légers du Covid-19. Déjà en 2018, fruit des efforts de sa précédente directrice, la Hongkongaise Margaret Chan, l’OMS ajoutait la médecine traditionnelle chinoise à sa classification internationale (CIM). Une décision qui faisait bondir certains experts étrangers, pointant le manque de preuves scientifiques. D’autres s’inquiètent que la TCM puisse remplacer des médicaments à l’efficacité prouvée, présentant ainsi un réel danger. Chaque année, la FDA chinoise reçoit plus de 230 000 plaintes liées aux effets secondaires de la TCM. Cette dernière est également très controversée pour son usage de corne de rhinocéros, de bile d’ours ou d’os de tigre, pour ne citer que ceux-là. Et malgré la récente interdiction du commerce et de la consommation d’animaux sauvages décrétée par le gouvernement chinois, leur usage continuera à être toléré « à des fins médicales ». Pour autant, l’OMS défend sa stratégie d’intégration de la TCM pour promouvoir un accès universel aux soins. Cela tombe bien, c’est aussi l’objectif de la Chine, notamment à travers son initiative Belt & Road (BRI) ! On le voit bien, jamais le débat autour de la médecine traditionnelle chinoise n’aura été aussi politisé.

 

Le Vent de la Chine
Publié le 17 mars 2020, mis à jour le 17 mars 2020

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