Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

SHANGHAI SUZHOU CREEK - Un pont entre nostalgie et modernisme

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 16 janvier 2017, mis à jour le 16 janvier 2017

Par Marie-Eve Richet

Il y a la vitrine de Shanghai : ses gratte-ciel audacieux, son Bund majestueux, ses concessions pleines de charme? Et puis il y a le Shanghai village au sein d'une mégalopole, le Shanghai des petites maisons entre les tours, Shanghai la trimeuse versus Shanghai la frimeuse?C'est ce Shanghai là que nous avons parcouru avec l'équipe de Flâneuses rondement menée par les deux Françoise de Shanghai Accueil, récemment escortée par Caroline tout en remontant la Suzhou Creek, comme en remontant vers le passé industriel de la ville?

Du village de pêcheurs au premier port du monde

On démarre la promenade au niveau de Qipu Lu, tout proche de la Chambre de commerce anglo-saxonne établie là depuis 1915, c?ur de la communauté d'affaires de la communauté américaine installée au nord de la Suzhou Creek, la rivière départageant l'ancienne Concession américaine de sa consoeur britannique au sud. Fanette nous rappelle ainsi que « la Suzhou Creek a toujours été ce point de partage géographique, mais aussi un axe économique pour Shanghai ». Dès 1843, le village de pêcheurs s'est développé autour du Huangpu et de la rivière alors appelée Wusong. Les maisonnettes de briques se nichaient en bordure de rivière, certains paysans apportant leurs marchandises de la campagne sur les barges en bois. Quand les premiers étrangers sont arrivés et ont investi la ville, les anglo-saxons découvrant que la rivière venait de la célèbre ville d'eau de la province du Jiangsu l'ont rebaptisée Suzhou Creek. Ils y ont construit des entrepôts où l'on stockait (ou fabriquait) certains produits venant de l'amont de la rivière, par exemple beaucoup de coton, avant de les expédier par le Huangpu qui allait ainsi faire de Shanghai le premier port du monde?

Entre héritage historique et rénovation maitrisée

Puis en récupérant la rivière à partir de la Shanxi Lu, on rejoint une promenade "plantée", agréablement aménagée lors de l'Exposition universelle de 2010. Depuis peu, entrepôts, et docks font l'objet de la convoitise de nombreux promoteurs immobiliers qui font appel à des cabinets d'architectes réputés, souvent internationaux pour une rénovation respectueuse du style traditionnel. Dans cet esprit, on retiendra surtout le bâtiment Su He (9 Qufu lu), contraction de Suzhou He (la rivière en chinois), exemple particulièrement réussi de réhabilitation d'une fabrique d'emballages par un designer italien, dont la façade de brique rouge est rehaussée de ferronnerie. À noter, l'intérieur est élégamment rythmé par des piliers au chapiteau évasé, que l'on identifiera bientôt comme les marques du quartier.

Puis nous nous écartons de nouveau de la Suzhou Creek au niveau de la Jinuyan lu pour rejoindre un lieu emblématique de Shanghai, injustement méconnu? Une façade immense trouée d'obus et criblée de balles nous attend, mur au pied duquel quelques Shanghaiens visiblement émus de voir des étrangers se recueillent. Sihang, cet entrepôt qui servait de réserves monétaires a été en effet témoin de la résistance farouche de 423 soldats chinois face à l'invasion japonaise en 1937. Certes, ils ont été vaincus mais se sont battus pendant 6 jours et n'ont perdu que 6 hommes. Le musée, ouvert fin 2015, est savamment mis en scène avec de nombreuses reproductions grandeur nature même si on est vite découragés par toutes les explications en chinois. On retiendra de cette visite le drapeau que Taiwan a hérité de cette alliance inattendue à l'époque entre le Guomindang et le Parti Communiste, pour lutter contre l'envahisseur.

Shanghai nostalgique mais irrémédiablement moderne

On rejoint de nouveau le cours d'eau, oscillant entre la silhouette futuriste de Pudong et un espace urbain encore à taille humaine, évoquant les origines de Shanghai. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si The Young Companion, une société d'édition datant de 1926, ayant connu son apogée dans les années 30 sous le Shanghai Haipai, imprime toujours le journal éponyme dans ces locaux. À l'intérieur règne une ambiance délicieusement surannée : l'endroit encore meublé d'époque est en effet devenu un lieu de formation aux traditions millénaires chinoises (tir à l'arc, calligraphie, art du thé?) pour les Chinois désireux d'entretenir leur patrimoine culturel.

On terminera cette flânerie, dans un Shanghai en pleine reconquête de ses origines, par un lieu qui symbolise bien cette mutation : la galerie Art Cn, très bel espace installé dans une ancienne minoterie. En face, un mini "Soho", avec ses plates-bandes piétonnières, son auberge de jeunesse et son resto de cuisine occidentale, est un parfait exemple de la gentrification du quartier. Mais il y a encore à peine un an, les alentours de la galerie ressemblaient encore à un petit village au pied des tours, nous rappelle Fanette « avec ses poules et ses papis qui piaillent ». Et Anne-Cécile Noïque, propriétaire de la superbe galerie Art Cn, de conclure : « je ne peux pas m'empêcher d'être nostalgique du Shanghai d'avant? ». Et si ce quartier symbolisait à lui seul la réconciliation entre le passé et le futur de Shanghai ?

Merci à Françoise Maugein (Fanette), Françoise Jacquin et Caroline Laurence Laurence de l'équipe des Flâneries de Shanghai Accueil pour l'excellente préparation de cette balade.

Marie-Eve Richet lepetitjournal.com/shanghai Mardi 17 janvier 2017

Le Petit Journal Shanghai
Publié le 16 janvier 2017, mis à jour le 16 janvier 2017

Flash infos