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La viande au Brésil : trop belle pour être vraie ?

Brésil viande churrascoBrésil viande churrasco
Picanhas prêtes à servir dans une churrascaria - José Claudio Guima (Pixabay)
Écrit par Felipe Toniato
Publié le 29 mars 2021, mis à jour le 30 mars 2021

Au Brésil, on aime la viande. À tel point qu’on n’hésite pas à utiliser toutes sortes de produits chimiques pour accélérer la production et embellir l’assiette. Un consommateur avisé en vaut deux.

C’est un fait : la viande fait partie de la culture culinaire brésilienne. Il est difficile de trouver un plat qui n’ait pas de protéine animale dans sa composition. De surcroît, cette protéine peut être consommée jusqu'à 3 fois par jour dans les foyers plus aisés. Totalisant 3% des exportations brésiliennes, 6% du PIB national et 30% du volume de l'agrobusiness (source: Embrapa), l'élevage d'animaux cherche à se développer davantage en concluant des accords bilatéraux, à l’instar de celui entre l’UE et le Mercosur.

Néanmoins, on est loin du meilleur des mondes possible quand il s’agit d'élevage intensif. Si le consommateur amateur de viandes est gâté par les différentes et généreuses coupes de viande: fraldinha, maminha, sans oublier la fameuse picanha, servies à volonté dans les churrascarias, côté producteur les choses ne sont pas aussi appétissantes que la juteuse brochette. Déforestation pour ouvrir de nouveaux pâturages, surexploitation des ressources naturelles et des bêtes, usage d’hormones et manipulation d’ADN, techniques douteuses d’abattage et de conservation, l’envers du menu fait tout de suite moins saliver.

Un reportage publié par nos confrères du média en ligne Bocado et Outras palavras détaille les techniques qui permettent d’avoir une grande quantité de viande et comment celles-ci sont préparées pour être belles au regard, tendres sous la dent, et standardisées au niveau du goût.

Animaux boostés

Tout d’abord, il s’agit de prendre du poids et vite : avec les patch d’hormones, étiquetés dans l’oreille de l’animal, on peut avoir un gain journalier de 10% à 15%, allant jusqu’à 18% à l’approche de l’abattage. Le benzoate d’oestradiol, la progestérone, le propionate de testostérone, l’œstrogène et la progestérone sont les composants de la plupart des médicaments administrés. Question: ces hormones sont-elles toujours présentes dans la viande au moment de la consommation ?

Selon un vétérinaire que nous avons interrogé, bon connaisseur du sujet, mais qui a préféré rester anonyme, la réponse est positive. “Mais, précise-t-il, ces hormones perdent peu à peu de leur efficacité et au cours des 30 derniers jours, pour combler la nécessité, un bêta-agoniste est utilisé”. Les bêta-agonistes plus communs sont le clenbutérol et le zilpaterol, connu pour sa marque commerciale Zilmax. Même si la vente et l’utilisation d’hormones au Brésil est illégale depuis 1986, ce n’est que de pure forme, car elles sont librement accessibles. Une hormone comme le VI-GAIN nord-américain est vendue impunément sur des sites de commerce en ligne nationaux.

En revanche, il n’existe pas de législation qui empêche l’utilisation du zilpaterol. Ce produit est miraculeux : pour 8 kg de nourriture ingérés, 11 kg de viande sont produites. Par comparaison, sans cette hormone, le ratio est de l’ordre de 8 kg ingéré pour 1 kg produit. Par ailleurs, le temps d’engraissement est aussi impacté: avec l’élevage traditionnel, il faut compter 30 à 34 mois avant l’abattage ; les animaux boostés, eux, sont prêts entre 18 et 20 mois.

Produits non réglementés ni contrôlés

Mais si les hormones font de l’animal une masse de viande, celle-ci reste trop dure, au regard des attentes du consommateur. Il y a 3 façons d’obtenir plus de tendreté : la mécanique (une machine dotée de grosses aiguilles vient frotter les fibres musculaires) ; l’électrique (qui consiste à faire passer un courant dans le corps tout de suite après l’abattage pour rompre les fibres musculaires ; et la “marinade chimique”, où l’on injecte des produits dans les muscles.

En plus d’attendrir la viande, les produits chimiques ajoutent du poids et du volume de façon artificielle. L’augmentation peut même aller jusqu’à 30%. Ainsi, un steak qui à l'origine fait 400g, peut sortir de la marinade chimique avec 650g - pure escroquerie en somme. Les solutions chimiques sont souvent composées d’eau avec du sel ou du potassium, des diphosphates, des triphosphates et des acides lactiques acétiques ou citriques. L’injection de ces produits et les quantités utilisées ne sont ni réglementées, ni contrôlées au Brésil.

Saveurs artificielles

Arrive enfin le moment de mettre la belle picanha sur un étal. Il se peut cependant qu'après ce long parcours sportif dopé, elle ne soit pas au top de sa forme. Il  existe alors 2 derniers recours pour lui donner un coup de jeune : le spray de monoxyde de carbone, afin de rehausser le rouge-viande; et les sirops pour donner du goût. Le premier, profitant d’une réaction des myoglobines au gaz, donne une couleur rouge vive indélébile; le second agit pendant la marinade chimique et peut donner n’importe quel goût à votre viande : maminha, fraldinha, picanha aux saveurs artificielles en somme.

Ces procédures sont largement implantées dans le modèle d’agrobusiness brésilien, et le consommateur avisé doit donc être attentif s’il ne veut pas consommer n’importe quelle viande, produite de surcroît n’importe comment. Il faut donc être toujours être vigilants quand il s’agit de notre santé et, bien évidemment, de notre plaisir à table. Heureusement, il n’est pas difficile de se fournir auprès de petits producteurs locaux, qui produisent de la viande selon un modèle plus qualitatif. Un consommateur avisé en vaut deux.

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