Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Vanessa Dusaintpère: "Faire sa part pour éteindre l'incendie"

Vanessa Desaintpère, fondatrice d'Oficina Beija FlorVanessa Desaintpère, fondatrice d'Oficina Beija Flor
Vanessa Desaintpère, fondatrice d'Oficina Beija Flor / Vincent Bosson
Écrit par Vincent Bosson
Publié le 19 avril 2022, mis à jour le 20 avril 2022

Vanessa Dusaintpère, inventive et entrepreneuse, a créé Oficina Beija Flor à São Paulo, des ateliers pour enfants et pour adultes, destinés aux particuliers, écoles, associations et entreprises, dont l’objectif est de donner des outils pour mieux comprendre les enjeux environnementaux actuels et de susciter l’envie de faire sa part.

 

Vanessa Dusaintpère, Oficina Beija Flor est une jeune entreprise que vous avez récemment créée à São Paulo, pouvez-vous nous parler de votre parcours en France et au Brésil ?

Oui bien sûr ! En France, j’ai exercé dans le domaine juridique, avec un parcours déjà teinté d’environnement, puisqu’à l’époque, j’étais avocate spécialisée en droit public mais aussi en droit de l’environnement. J’ai d’abord travaillé pour un cabinet anglo-saxon, où je n’avais pas, selon moi, assez de dossiers en droit environnemental.

J’ai donc poursuivi ma carrière dans un cabinet dit de « niche », qui traitait davantage de sujets environnementaux. La clientèle du cabinet m’a permis de travailler sur des opérations de renouvellement urbain, de transport, ainsi qu’avec des industriels, notamment dans le domaine des déchets. Le boulot ne manquait pas, j’étais un peu « femme orchestre » et après avoir eu mon fils aîné, j’ai eu envie de calmer le rythme...Alors lorsque mon client principal, la SNCF, m’a proposé un poste à la direction juridique, j’ai saisi l’occasion !

Là, j’ai beaucoup travaillé avec des ingénieurs, des urbanistes, des paysagistes sur des projets de rénovation et de modernisation d’infrastructures ferroviaires et de gares, abordant tous les sujets environnementaux qui concernent ce secteur, étant donné son impact sur la biodiversité des régions traversées et sur la vie des riverains. C’étaient des sujets passionnants !

Mais après avoir eu mon second fils, j’ai eu à nouveau envie de me challenger, et suis passée du côté d’un constructeur international de trains et tramways, Bombardier Transport, pour travailler sur des problématiques plus économiques et contractuelles qu’environnementales. C’était alors beaucoup, beaucoup de travail et de déplacements, avec un troisième garçon en bas âge (eh oui, 3 garçons !), et pas mal d’interrogations sur la suite de ma carrière…

C’est à ce moment-là, alors que je pensais à me reconvertir professionnellement, que mon mari a eu l’opportunité d’une expatriation au Brésil.

 

Nous sommes arrivés à São Paulo en 2017 et, pour moi qui avais une vie professionnelle et personnelle de plus en plus usante, changer de rythme m’a fait… un choc !

Mais j’ai bien aimé ralentir, profiter davantage de mes enfants, découvrir le pays et la culture brésilienne, et puis réfléchir à ma reconversion professionnelle. J’ai fait un coaching pour pouvoir mettre à plat ce qui m’intéressait, ce qui m’intéressait moins (je conseille d’ailleurs vivement cette étape qui m’a beaucoup aidée !).  Le domaine de la « sustentabilidade » est rapidement ressorti dans mes réflexions. Je me suis formée à la FGV (Fondation Getulio Vargas) pour savoir comment ce sujet était abordé ici, au Brésil, et j’ai pu « mettre le pied à l’étrier » en travaillant sur des projets anti-gaspillage chez Carrefour, comme par exemple le programme national de donations développé dans tout le Brésil, en partenariat avec les SESC Mesa Brasil et les banques alimentaires.

 

Au terme de ce contrat temporaire, j’ai commencé à structurer mon projet Oficina Beija Flor. C’est arrivé assez naturellement en fait : je crois que ce projet était en moi depuis longtemps mais que je n’étais jusque-là pas parvenue à le formaliser. Il fallait juste qu’il mûrisse ! Et le fait de comprendre un peu mieux chaque jour la richesse – mais aussi les paradoxes ! - du Brésil dans le domaine environnemental, mais aussi de prendre conscience pendant la pandémie de ce qui est finalement essentiel dans la vie m’ont aidée !

C’est en fait d’une envie de partage et de transmission des sujets environnementaux qui me tiennent à cœur qu’est né Oficina Beija flor.

 

 

Pouvez-vous nous expliquer la manière dont fonctionne Oficina Beija flor ?

Oficina Beija Flor est en fait une sorte de « laboratoire » où, par des ateliers, des workshops, des visites basés sur l’expérimentation, le jeu, l’échange, la découverte, on appréhende  le plus concrètement possible les enjeux environnementaux actuels et on mesure les actions qu’on peut mettre en œuvre à notre niveau.

J’ai réfléchi au public avec lequel je souhaitais travailler, et je n’ai souhaité écarter personne.

 

Les enfants, les adolescents ou les jeunes adultes sont beaucoup plus sensibles qu’on le croit à la protection de leur environnement !

Plusieurs témoignages m’ont montré qu’aujourd’hui, cela fait partie de leurs valeurs et qu’ils n’envisagent pas leur vie professionnelle et personnelle sans cette dimension. Quant aux adultes, ce sont eux qui sont actuellement « aux commandes » : il est donc urgent – même si cela relève parfois du challenge ! – de leur donner l’envie de faire leur part.  Les ateliers d’Oficina Beija Flor s’adressent donc à tous les âges !

Le monde de l’entreprise aussi doit évoluer en ce sens : aujourd’hui, les boîtes ne peuvent plus seulement se concentrer sur leur seule responsabilité économique, elles doivent aussi assumer leur responsabilité sociale et environnementale. Oficina Beija flor propose donc des team building et des formations « mão na massa », aux entreprises et à leurs employés, qui sont aussi au quotidien des parents, des familles.

 

Quand j’ai pensé aux thématiques qu’Oficina Beija flor pourrait aborder, je me suis référée aux Objectifs de Développement Durable des Nations Unies (ODD). J’en ai choisi 4 parmi les 17 :

  • La production et la consommation responsable, sachant que j’axe davantage mon travail sur les consommateurs que nous sommes tous quand on mange ou quand on s’habille par exemple.
  • Le changement climatique ; ce sujet permet d’aborder tous les dérèglements liés aux activités humaines comme l’agriculture, l’industrie, le transport, le numérique, etc.
  • La biodiversité terrestre et la biodiversité marine, parce qu’elles permettent d’aborder la protection des forêts, des rivières, des océans, des écosystèmes etc.

Je me suis dit que ces 4 objectifs parleraient à tous.

Au final, l’objectif d’Oficina Beija Flor est d’inciter chacun à prendre conscience des enjeux environnementaux qui nous entourent et de donner envie de faire sa part avec des éco-gestes du quotidien, en tant qu’individu et citoyen, dans sa façon d’être, de faire, de consommer.

 

Pouvez-vous nous présenter la fresque du climat, un des outils pédagogiques que vous utilisez ?

Oui, la Fresque du Climat est un outil pédagogique créé en France par Cédric Ringenbach, qui a monté une association en 2018 avec pour vocation de sensibiliser le plus de monde au changement climatique.

 

Il s’agit en fait d’un jeu de cartes, avec différentes phases de jeu, qui permet à un groupe d’utiliser son intelligence collective pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants du changement climatique.

Ce jeu existe pour les enfants comme pour les adultes, tout le monde peut jouer et apprendre, quel que soit son niveau de connaissance sur le sujet.

Le créateur du jeu l’a voulu viral, mais un bon virus ! L’idée est de former les gens, de donner envie à ces personnes de former à leur tour, dans l’objectif de donner accès à ces connaissances, fondées sur le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) des Nations Unies, qui constitue l’état de la science dans le domaine.

Les éléments présentés sont objectifs, il n’y a pas de parti pris, et avec ce « team building » ludique et collaboratif, on aborde non seulement le changement climatique, mais aussi les émotions que ce sujet procure et la recherche de solutions aux niveaux individuel et collectif.

Ce jeu est traduit en 35 langues (dont le portugais bien sûr !). Plus de 350.000 personnes l’ont déjà expérimenté et nous sommes, avec plusieurs dizaines, en train de le développer ici, au Brésil !

 

 

Et la sobriété heureuse, qu’en pensez-vous ?

Je pense que lorsqu’on vit avec plus de sobriété, on vit plus heureux. Il me semble inutile et néfaste de comparer systématiquement ce que l’autre possède, ce qu’on pourrait avoir de plus, d’en vouloir toujours plus, etc… Et le boom des réseaux sociaux en tous genres ne nous y aide vraiment pas !

Je crois aussi pense qu’il faut décélérer, revenir à l’essentiel. Attention, je ne parle pas là de décroissance, mais d’une autre forme de croissance, d’un nouveau modèle, d’un nouveau mode de vie plus responsable, tourné vers une économie plus circulaire par exemple, selon la règle des 5R : « refuser, réduire, réutiliser, recycler, rendre à la terre », l’idée étant de consommer différemment.

 

Je ne dis pas là non plus qu’il faut abandonner tout progrès, bien au contraire ! La recherche, l’innovation et la créativité sont essentiels pour inventer notre futur.

C’est une transition globale, économique, écologique et sociale qu’il nous faut aujourd’hui si nous voulons un monde vivable pour nos enfants.

 

En quelques mots, pouvez-vous nous raconter la légende amérindienne du Beija Flor qui vous a inspirée ?

Le « beija flor », colibri en français, est un oiseau que j’ai découvert en arrivant au Brésil et qui me fascine. Pourquoi ? Parce que malgré sa toute petite taille, il est particulièrement costaud ! C’est un grand pollinisateur qui participe à la préservation de la biodiversité, comme les abeilles par exemple. Il symbolise aussi la joie et l’adaptabilité.

Et puis il est « l’acteur principal » de cette légende amérindienne qui raconte l’histoire d’animaux se trouvant dans une forêt qui prend feu. Tous assistent atterrés, impuissants au désastre. Tous, sauf le colibri qui s’active et va chercher de l’eau avec son bec pour tenter d’éteindre l’incendie, goutte par goutte. Le tatou, agacé par ce manège, dit alors au colibri : « mais tu es fou ! À quoi cela sert-il ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ». Le colibri lui répond : « Je le sais, mais je fais ma part ».

Et je crois que si chacun de nous faisait sa part, on aurait plus de chances d’éteindre l’incendie !

 

Coordonnées Oficina Beija Flor:

+ 55 (11) 97573-7511

oficinabeijaflor.brasil@gmail.com

Oficina_beija_flor

@oficinabeijaflor

Flash infos