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Brésil: une nouvelle victoire judiciaire pour Lula

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L'ancien président Lula et son juge, Sergio Moro
Écrit par Guillaume Thieriot
Publié le 24 mars 2021

Lors des élections présidentielles de 2018, il était inéligible et en détention à la police fédérale de Curitiba, après avoir été condamné dans une première affaire de corruption passive. Mais l'enquête le visant, menée par le juge Sergio Moro, vient de s’effondrer comme un château de cartes : le tribunal suprême l’a jugée "partiale".

Sergio Moro n’en finit pas de voir sa gloire passée fondre comme la cire sur les ailes d’Icare. Le juge fédéral de Curitiba, dans l’État du Paraná, a longtemps été le héros de la lutte anti-corruption, grâce à l’opération lava-jato (karcher) qui a permis de mettre à jour de très nombreuses affaires de corruption, et fait espérer au Brésil la fin de l’impunité des politiques.

Les plus spectaculaires de ses enquêtes ont bien sûr été celles visant Lula, avec une première affaire concernant un triplex face à la mer à Guarujá (station balnéaire des paulistas). L’ancien président aurait reçu ce bien immobilier d’une entreprise de BTP, en échange de son intercession auprès du géant pétrolier brésilien Petrobras.

Condamné en première puis en deuxième instance, Lula a été déclaré inéligible et a assisté depuis sa cellule, au 4ème étage de la police fédérale de Curitiba, à l’élection de Jair Bolsonaro à la présidence de la République en 2018.

Cependant, sa défense a toujours clamé, non seulement son innocence, mais aussi la partialité du juge Sergio Moro, qui selon elle entache toute cette procédure et les suivantes d’irrégularité.

Le juge ministre... de Bolsonaro

Ce mardi 23 mars, par 3 voix contre 2, le Tribunal Suprême Fédéral (le STF, plus haute juridiction du pays) lui a finalement donné raison, après 2 ans d'une drôle de série juridico-politique. Confirmées, donc, l'enquête à charge, les irrégularités de procédure, et la trop grande proximité entre le juge et le ministère public - proximité révélée en 2019 par le site The Intercept Brasil qui a publié les messages échangés entre procureurs et magistrats instructeurs.

Autre fait qui en a troublé plus d'un : l'entrée de Sergio Moro au gouvernement en tant que ministre de la justice, au début du mandat de Jair Bolsonaro, par ailleurs féroce adversaire politique de Lula. S'il avait voulu attirer les soupçons de partialité, il n'aurait pas pu mieux faire.

Aujourd'hui, avec cette décision, Lula est conforté dans son discours où il se pose en victime d'une fraude juridique. Il est aussi un peu plus réhabilité politiquement mais pas encore tout à fait innocenté.

Brèche ouverte dans toutes les affaires de corruption ?

D’abord, il faut attendre de voir la suite qui va être donnée à la décision du juge Fachin, du STF.  Le 8 mars dernier, celui-ci avait en effet déclaré incompétente la justice fédérale de Curitiba dans toutes les affaires concernant l'ancien président. Cette décision avait cassé toutes les procédures le visant, sans pour autant l'innocenter sur le fond. Désormais, cet acte d’un seul juge doit être confirmé par la plénière du STF.

Si celle-ci confirme la décision du juge Fachin, toutes les procédures visant Lula repartent à zéro au niveau de la justice fédérale de Brasilia. L'ancien président redevient bien éligible et potentiel candidat en 2022. Dans le cas contraire, si la plénière du STF casse la décision du juge Fachin, les procédures de la justice fédérale de Curitiba retrouvent force et vigueur ; Lula serait dans ce cas à nouveau inéligible, même si la première enquête le visant vient d'être jugée partiale. Attention, c'est ici qu'il faut bien suivre...

A lire aussi : L'ancien président Lula à nouveau éligible

Car si l'enquête sur le "triplex de Guarujá" est effacée, ce n'est pas (encore) le cas des autres procédures qui lui ont valu une deuxième condamnation en 2019 pour pots de vin, et 2 autres poursuites dans des affaires concernant cette fois sa fondation. Par conséquent, si le STF annulait la décision du juge Fachin et décidait finalement que la justice fédérale de Curitiba était compétente, les enquêtes pourraient reprendre et Lula redeviendrait aussitôt inéligible.

Mais il y a désormais l'option que le STF ne déclare à terme également partiales toutes les enquêtes visant Lula. Dans ce cas, toutes tomberaient et devraient reprendre à zéro sous la conduite de la justice fédérale de Brasilia. La discussion juridique à venir est tout sauf évidente car le juge Moro n’est certes pas celui qui a rendu l’autre jugement de condamnation, cependant il a bien été à l’origine de la procédure et a inculpé l’ex-Président.

Enfin, d’aucuns s’inquiètent du fait que cette décision n'ouvre une brèche géante qui jetterait à la mer toutes les procédures de toutes les enquêtes menées dans l’opération Lava Jato. Cela ferait du monde à libérer et à indemniser. Un cauchemar politico-juridique. Mais selon les juges qui ont voté contre Sergio Moro, cette hypothèse n’est pas fondée. Ils ont jugé une affaire et son contexte particulier : pas l’ensemble de l’opération. A suivre.

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