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Axel Lahaye, guide touristique, a choisi de vivre dans une favela

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Axel Lahaye
Écrit par Perrine Bernard
Publié le 22 mai 2019

Axel est arrivé à Rio de Janeiro il y a dix ans. Il a eu un coup de foudre pour la ville, la vie locale et les locaux. Il décide de s’y installer, mais pas n’importe où ! Il achète une maison dans la favela du Pereirão à Santa Teresa et la rénove pour en faire une maison d’hôtes. Ensuite, il se forme pour devenir guide touristique et vivre de sa passion : Rio de Janeiro. Découvrez cet hors du commun.


Le petitjournal.com/Sao Paulo: Pourquoi le Brésil ?

Axel Lahaye: En 2008, ma petite-amie Amandine et moi-même avons fait un voyage. Durant notre parcours, nous sommes passés par Rio de Janeiro et nous sommes tombés sous le charme de la ville. Nous avons donc planifié de nous y installer. En 2009, je venais de terminer mes études en école de commerce. Quant à elle, elle était étudiante en architecture et par le biais de son école, elle a réussi à faire un échange universitaire d’un an. Je n’avais pas de visa pour résider au Brésil, c’était l’aventure…Et puis, un coup du destin s’est présenté ! J’ai bénéficié de l’amnistie de 2009, c’est-à-dire la régularisation massive qui a eu lieu sous le gouvernement de Lula pour les immigrés en situation irrégulière, c’est alors que j’ai envisagé sérieusement de rester et de monter un projet au Brésil.


Comment l’idée de votre projet professionnel est-elle venue ?

Je vivais au jour le jour, j’ai donné des cours de français et puis j’ai travaillé à la mission économique du consulat de Rio de Janeiro pendant huit mois, mais le costard-cravate tous les jours, j’ai compris que ce n’était pas pour moi. Un jour,  j’ai trouvé cette maison à Santa Teresa qui est dans la favela du pereirão et j’ai eu envie de l’acheter pour en faire quelque chose. On savait que le tourisme à Rio allait exploser, on venait d’apprendre que la ville allait accueillir les jeux olympiques et la coupe du monde, donc il fallait miser sur le tourisme. J’ai acheté cette maison avec mes potes qui sont devenus mes associés. Amandine n’a pas suivi le projet de la maison et elle est repartie. On a rénové cette maison pendant deux ans et ouvert les portes de la « CASA 48 » en 2011.

Le fait que ce projet soit dans une favela, cela faisait partie du plan ?

Et pourquoi pas une favela? J’ai toujours été ouvert d’esprit et curieux, je n’ai jamais eu de plan, j’ai découvert cette maison, les choses se sont présentées de cette façon, la favela n’est pas ce que l’on imagine ou ce que les médias vous vendent. Pour moi, il n’y a aucun problème, aujourd’hui, c’est même un différentiel pour vendre de l’hébergement touristique !

Ensuite je me suis formé en tant que guide touristique, ce sont deux projets distincts. Je propose des visites de la ville mais je vais au-delà de la carte postale. J’essaye de montrer aux touristes l’énergie, l’âme de Rio et son quotidien. Parfois, je demande aux visiteurs : vous voulez connaître la favela ? Ils me répondent : non pas spécialement. Mais quand je sens que c’est possible, mine de rien, en se baladant entre les ruelles de la ville, je les emmène dans mon quartier et lorsque nous arrivons devant la maison, ils sont souvent enchantés. Ils réalisent que la favela n’a rien à voir avec l’image qu’ils ont de ces communautés ! Je veux expliquer qu’il existe deux Rio, la carte postale et la communauté, l’un ne va pas sans l’autre.


C’est quoi la favela ?

C’est un style de vie ! La favela c’est une communauté de personnes proches les unes des autres. Connaître tous ses voisins, s’entraider, échanger... C’est l’idée du partage, et surtout c’est la liberté. Je rappelle que c’est une zone quasiment de non-droit, il n’y a pas d’impôts, pas de restrictions, on vit en communauté !  

Existe-t-il des inconvénients à vivre dans la favela?

Je vis dans la communauté du Pereirão au-dessus du lycée français, sincèrement c’est une petite communauté familiale, à proximité de tout, aujourd’hui je ne peux pas dire que l’on a des inconvénients. Le seul problème, c’est  la mauvaise image et les idées reçues, le stéréotype de la favela.


Quels sont les avantages ?

Sans aucune hésitation, la vue ! Nous avons les plus belles vues sur la baie de Rio ! Mais encore, l’ambiance. Les touristes que je reçois à la casa 48 témoignent que lorsqu’ils séjournent dans les hôtels à Copa Cabana bien souvent ils reçoivent un accueil qui laisse à désirer. Au contraire, dans la communauté, tout le monde parle avec eux, ils ont un réel échange avec les locaux.

Avez-vous adopté à 100 % ce style de vie ?

Je vis à la Carioca, ça veut dire jouir des plaisirs simples de la vie, être heureux avec un lever ou un coucher de soleil, contempler la nature chaque jour, vivre dans la décontraction. Profiter de l’espace public avec liberté. Par exemple, un groupe de samba peut envahir la rue simplement parce qu’il a envie de jouer ! Et cela se transforme en une belle fête. J’ai découvert un plaisir, un style de vie que je n’avais pas à Paris.

Vous avez la conviction d’être plus heureux dans une favela de Rio que dans un T3 à Versailles?

Tout à fait, je me destinais à être un cadre supérieur dans une entreprise à Paris, vivre dans une banlieue sympa et subir le « métro-boulot-dodo » avec quelques petits week-end de vacance en Europe. Mais j’ai décidé de vivre autre chose, vivre un rêve, être en contact avec les gens et la nature et je suis très heureux de mes choix.

Quels ont été vos coups durs durant ces dix dernières années ?

Je suis conscient que je vis un rêve, un idéal, c’est un mode de vie choisi et je m’en sors bien : je voyage, je me rends chaque année en France, j’ai réussi à faire mon bout de chemin. Mais pour plusieurs de mes connaissances, ce n’est pas simple, je suis conscient que beaucoup sont dans la galère. La précarité est bien présente. Mais il faut regarder ce que l’on plante et ce que l’on récolte, cela fait dix ans que je suis à Rio et que je mène mon projet. Dernièrement, j’ai appris que j’allais être mentionné dans le guide du routard, c’est une belle reconnaissance de mon travail et j'en suis très content. En revanche, ce que je vis mal, c’est la tournure politique et économique du pays. Quand je suis arrivé en 2009, j’avais l’impression d’être au coeur de la planète, tout le monde regardait le Brésil et Rio en particulier. Il y avait une énergie, un dynamisme débordant. Et puis j’ai découvert un autre visage du Brésil, je me sens un peu trahi. Entre 2009 et 2019 mon impression n’est pas la même. Aujourd’hui, le Brésil est entre les mains d’une équipe gouvernementale qui façonne un Brésil que je ne reconnais pas et qui n’est pas le vrai Brésil !

Quelles sont vos perspectives pour l’avenir ?

Je suis à l’apogée de mon projet, je me suis toujours battu pour casser les clichés, je vis dans une favela cela peut paraître fou, mais c’est chez moi et je suis fier de ma communauté. Aujourd’hui, ce mode de vie fait partie de moi, c’est mon quotidien, et je souhaite participer à ma façon pour changer l’image de Rio.

Qu’est-ce que pensent vos proches de ce choix de vie ?

On me dit souvent : Axel arrête ton délire ! Mais je n’y arrive pas.

Quelles sont les expériences inoubliables que vous avez vécues dans cette aventure?

Il y en a tellement que c’est difficile à dire, j’ai vécu les coulisses des jeux Olympiques de très près puisque j’étais le fixeur de BFM TV... Il y a eu des moments de joie inoubliables par exemple le jour où j’ai reçu mes costumes pour participer au défilé de la Vila Izabel (une école de samba de Rio) c’était comme si je recevais un cadeau du père Noël avec les mêmes yeux d’enfants !

Axel Lahaye est guide touristique sur Rio de Janeiro, il vient de rejoindre la rédaction du lepetitjournal.com édition Rio de Janeiro, pour partager avec nous tous ses bons plans et connaissances sur la ville de Rio. Vous pourrez lire sa chronique hebdomadaire chaque jeudi.

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