Il y a à São Paulo d’authentiques adresses “paulistanas”, cachées derrière les incontournables comme la Paulista ou le MASP. Tel ce bouquiniste du centre-ville: une perle pour qui aime les livres.
Un sebo est un endroit où on vend des livres d’occasion. Étymologiquement, le mot voulait dire un livre qui est gras (sebo) du fait de son usage. La Mecque de ce type de bouquinistes à São Paulo se trouve dans le centre-ville. Plus précisément dans les rues proches de la Faculté de Droit du Largo do São Francisco, jusqu’à la cathédrale de la Sé.
Parmi eux, le plus connu demeure à côté de l'église de São Gonçalo. Il appartient à M. Messias et il porte le nom de son propriétaire : “Sebo do Messias”. Cela fait 50 ans que ce sebo est ouvert. Son public est vaste comme son catalogue : il a servi à des générations d’étudiants de droit qui venaient se procurer les codes civils usés, trop chers dans les librairies, à des retraités qui veulent lire les bouquins d’autrefois, ou à des “rats de bibliothèque”, ces habitués qui se faufilent entre les livres et les rayons.
Une jungle en papier jaunissant
Depuis l’entrée on l’aperçoit : une jungle en papier jaunissant. De haut en bas, des cadres tapissent le mur, on voit aussi des collections de mini voitures, des jouets anciens, des instruments de musique entreposés pêle-mêle dans les vitrines. La plupart n’est pas à vendre, car tout fait partie de la collection privée de M Messias.
Au rez-de-chaussée, cela va de l'ésotérisme à l’administratif, en passant par l’histoire des religions, l’art et l’histoire, etc. Tout au fond, ce sont les livres pour les enfants. Pour les accros de la musique d’antan, prenez la première à droite et vous serez au paradis : des vinyles, des cassettes et des cd. Au premier étage, des romans, des magazines, des livres de tourisme, entre autres. La mezzanine, prise en sandwich entre les deux étages, contient une section exclusive de mangas.
Un ordre poétique
Quand on y est, tout nos sens sont en éveil : cela sent le papier jauni, le vieux bois, on touche la graisse des livres, on entend de vieilles chansons, on cause littérature. On est frappé par l’arrangement des choses. Un ordre dans le chaos. Car, certes, les livres sont disposés par sections - et l’équipe travaille avec acharnement à préserver cette organisation - mais la tâche est tellement herculéenne que, la plupart du temps, les livres sont mélangés. Il sont plus au moins classés par auteur, mais il nous arrive de voir un Rousseau chez les V comme Voltaire. Un Hugo qui côtoie Assis. Une Anne Frank en vis-à-vis avec Mère Teresa de Calcutta. Comme s’il existait un esprit moqueur, qui les place selon son humeur, selon des principes au-delà de l’ordre alphabétique, une sorte d’ordre poétique, sinon loufoque.
Le bonheur de chercher
Les sujets sont vastes comme le choix des langues : portugais pour la majorité des ouvrages, mais il y en a aussi en français, en allemand, en néerlandais, en japonais, en chinois, en russe. Des premières éditions, des livres signés par l’auteur, des livres plus que centenaires… on y retrouve de tout (il y a par exemple, à saisir, une version des Mémoires de Guerre du Général de Gaulle de 1959 en français pour à peine 30 R$).
Les prix varient selon plusieurs critères : popularité, édition, état, rareté… Néanmoins, ils ne sont pas abusifs et on peut toujours trouver son bonheur. En réalité, on peut dire qu’au Sebo do Messias, le produit principal n’est pas seulement les livres en tant que tels, mais le bonheur qu’ils nous procurent à les rechercher. On y vient pour un titre, on part avec une petite pile. Et ce bonheur, en plus du voyage dans le temps, il ne demande que l'effort de franchir le seuil, au 140, Praça Dr. João Mendes. Nous pourrions bien nous y croiser.