Création d’un Service National des Migrations ou encore obligation d’obtenir un visa avant d’entrer au Chili. Voici quelques-uns des changements de la nouvelle Loi Migration et Étrangers. Pour certains, elle permettra de "mettre de l’ordre", pour d’autres, elle crée un climat hostile envers les migrants.
Après 8 années de discussion au Congrès, la nouvelle Loi Migration et Étrangers a été promulguée par le président Sebastián Piñera, dimanche dernier. L’ancienne Loi des Étrangers datait de 1975 et "ne répondait plus aux défis migratoires auxquels le pays est confronté aujourd’hui", avait déclaré Sebastián Piñera au moment de la promulgation de la loi. Les mesures établies dans le nouveau texte visent à "mettre de l’ordre dans la maison à travers une politique migratoire sûre et ordonnée, qui puisse combattre la migration illégale", avait ajouté le président.
L’obligation de posséder un visa avant d’entrer dans le pays
Parmi les principales nouveautés, il sera désormais demandé aux personnes qui souhaitent entrer au Chili, de clarifier les raisons pour lesquelles elles veulent s’installer dans le pays. Ainsi, avant même d’entrer sur le territoire, elles devront faire une demande de visa auprès du consulat chilien de leur pays d’origine. L’article 70 de la loi énumère les différents type de visa qu’il sera possible de solliciter (visa pour rechercher des opportunités de travail, visa pour les travailleurs saisonnier, visa de résidence définitive...) Le gouvernement souhaite ainsi mieux contrôler les motifs d’entrée sur le territoire. "Nous ne voulons pas que le narcotrafic, le crime organisé, la contrebande ou encore le trafic de personnes, entrent dans notre pays", a ainsi expliqué Sebastián Piñera. L’actuel chef du Département des Étrangers et Migration, Alvaro Bellolio a spécifié, lors d’un entretien avec le média Cooperativa, que cette mesure "permettra un traitement plus rapide des demandes et aidera à l’intégration ainsi qu'à la cohésion entre les Chiliens et les étrangers."
Dans un éditorial publié dans le journal El Mostrador, Marcela Tapia et Marjorie Dinamarca, toutes deux spécialistes des questions migratoires, pointent du doigt "un procédé qui n’a aucun sens. La loi a défini un cadre afin de régulariser la situation des migrants arrivés au Chili avant le 18 mars 2020, détaillent-elles. Mais pour ceux qui sont arrivés après cette date, ils seront obligés de retourner dans leur pays d’origine pour faire leur demande de visa auprès du consulat chilien. » Le 18 mars 2020 coïncide avec la fermeture des frontières chiliennes et le début de la crise économique provoquée par la pandémie. "Cela va obliger des centaines de migrants à retourner dans leurs pays, alors même que ces personnes ont investi toutes leurs économies dans un long et dangereux voyage pour entrer au Chili", complètent les deux femmes.
Le Service National des Migrations remplace le Département des Étrangers et Migration
L’actuelle institution qui gère les demandes de visas va disparaître avec la nouvelle Loi Migration et Étrangers. Elle sera remplacée par le Service National des Migrations, sous l’égide du ministère de l’Intérieur. Ce nouveau département aura principalement les mêmes fonctions que le précédent organisme. Il géra et suivra les demandes de visas. L’analyse des demandes sera centralisée mais l’attention au public, l’orientation, ainsi que les échanges avec les municipalités et les gouvernements régionaux seront décentralisés. Des directions régionales seront créées à cet effet.
Facilitation des expulsions administratives
La nouvelle loi stipule également que les expulsions administratives seront simplifiées. Désormais, pour procéder à l’expulsion d’une personne, "il ne sera plus nécessaire d’avoir dénoncé pénalement son entrée illégale sur le territoire". Marcela Tapia et Marjorie Dinamarca s’inquiètent sur ce point : "Il s’agit d’une grave violation des droits des personnes migrantes. Car elles n’auront pas la possibilité d’exposer leur situation, et encore moins la possibilité d’accéder à un conseiller ou à un avocat [...] Cet article ignore la loi sur la procédure pour les réfugiés au Chili, ainsi que les conventions internationales à propos des droits humains que le Chili a ratifié."
Les murs et les barrières ne stoppent pas l’immigration. - Marcela Tapia et Marjorie Dinamarca
Marcela Tapia et Marjorie Dinamarca dénoncent une loi contre-productive qui généra davantage d’irrégularités. "Le gouvernement ne prendra pas en charge des milliers de personnes en situation illégale qui vivent aujourd’hui au Chili. Elles n’auront pas non plus la possibilité d’accéder à un permis de résidence." Les deux femmes ajoutent que : "Il a été prouvé scientifiquement que les lois restrictives, les barrières et les murs ne stoppent pas les flux migratoires. Cela a amplement été démontré avec le cas des États-Unis."
Selon le Département des Étrangers et Migration, il y aurait 1,4 millions de migrants au Chili, ce qui représente 7 % de la population totale. La promulgation de la nouvelle loi intervient quelques semaines après les événements des mois de février et mars derniers. À Colchane, petite localité située au nord du Chili, à la frontière avec la Bolivie, des centaines de migrants – principalement Vénézuéliens – sont entrés clandestinement sur le territoire andin.