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Black Friday : quand la frénésie d'achats se transforme en désastre écologique

Ce vendredi 28 novembre 2025, des millions de personnes vont se ruer dans les magasins et sur les sites e-commerce pour profiter des promotions du Black Friday ou du Cyber Monday. Mais derrière les réductions alléchantes se cache une réalité bien moins reluisante : celle d'un impact environnemental catastrophique. Alors que les chiffres de ventes battent tous les records, la planète, elle, paie le prix fort. Heureusement, des alternatives émergent pour résister à cette folie consumériste, dont une méthode simple et efficace : la méthode BISOU.

Un journée de Black Friday avec l'impact au niveau CO2 et une sac devant une décheterieUn journée de Black Friday avec l'impact au niveau CO2 et une sac devant une décheterie
Écrit par Anne-Lorraine Bahi
Publié le 27 novembre 2025, mis à jour le 28 novembre 2025

Des chiffres qui donnent le vertige

L'an dernier, l'édition du Black Friday a pulvérisé tous les records. Rien qu'aux États-Unis, les ventes en ligne ont atteint 10,8 milliards de dollars, soit une augmentation de 10,2% par rapport à 2023. À l'échelle mondiale, ce sont 74,4 milliards de dollars qui ont été dépensés en une seule journée. Entre le jeudi de Thanksgiving et le Cyber Monday, 197 millions d'Américains ont fait des achats, représentant près de 60% de la population totale du pays.

Ces chiffres impressionnants témoignent d'un phénomène devenu incontournable dans la culture américaine. Né dans les années 1960 pour marquer le début des achats de Noël après Thanksgiving, le Black Friday s'est transformé en véritable marathon commercial qui s'étend désormais sur plusieurs jours, voire une semaine entière avec le "Black Friday Week" et le "Cyber Monday".

 

L'envers du décor : un bilan carbone alarmant

Mais que se cache-t-il derrière cette frénésie d'achats ? Un désastre écologique d'une ampleur considérable. L'impact carbone du Black Friday s'explique par la multiplication des livraisons, la production massive de biens et les déchets d'emballages.

L'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) estime que les emballages issus du e-commerce constituent près d'un tiers des déchets solides produits par les ménages américains chaque année. Des cartons trop grands, du plastique à bulles, des rubans adhésifs... autant de matériaux qui finissent à la poubelle après quelques secondes d'utilisation.

Et ce n'est pas tout : avec l'augmentation des commandes viennent les retours massifs. Les colis doivent alors être acheminés une seconde fois, doublant l'impact carbone du transport. Un cercle vicieux qui alimente considérablement l'empreinte environnementale du Black Friday.

 

L'industrie de la mode : le pire élève

Une benne remplie de vieux vêtements

 

L'industrie textile, l'un des secteurs les plus actifs pendant le Black Friday, illustre parfaitement ces dérives. Aux États-Unis, le constat est alarmant : selon les dernières données disponibles de l'EPA (2018), 17 millions de tonnes de déchets textiles ont été générés aux États-Unis, soit une augmentation de plus de 50% entre 2000 et 2018. Un rapport récent estime que ce chiffre continue d'augmenter, avec environ 15,4 millions de tonnes jetées annuellement. Sur ce total, 11,3 millions de tonnes finissent dans les décharges chaque année, tandis que seulement 14,7% sont recyclés.

Chaque Américain jette en moyenne 37 kilogrammes de textiles par an. En France, la situation n'est guère meilleure : plus de 3,5 milliards de pièces neuves (textiles et chaussures) ont été mises sur le marché en 2024, soit 10 millions de pièces chaque jour, représentant plus de 50 articles neufs par personne et par an.

Au niveau mondial, l'industrie de la mode émet chaque année 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, représentant environ 8% des émissions mondiales – plus que les vols internationaux et le transport maritime combinés.

Une étude révélatrice montre qu'aujourd'hui, les vêtements ne sont portés que 7 à 10 fois avant d'être jetés – une baisse de plus de 35% en seulement 15 ans. Nous achetons 60% de vêtements de plus qu'il y a 15 ans, mais nous ne portons pas la majeure partie de notre garde-robe. En moyenne, chaque foyer accumule l'équivalent de 2,5 tonnes d'objets – le poids d'un hippopotame.

 

La méthode BISOU : un antidote à la surconsommation

 

Face à ce constat accablant, des solutions émergent pour aider les consommateurs à résister aux tentations du Black Friday. Parmi elles, la méthode BISOU, créée par Marie Duboin Lefèvre et Herveline Verbeken dans leur livre "J'arrête de surconsommer, 21 jours pour sauver la planète et mon compte en banque", rencontre un succès grandissant. Cette méthode a notamment été promue par des influenceurs comme Julian Bugier sur les réseaux sociaux, contribuant à sa popularisation.

BISOU est un moyen mnémotechnique simple qui invite à se poser cinq questions essentielles avant chaque achat :

B comme Besoin

À quel besoin cet achat répond-il vraiment ? Il ne s'agit pas simplement de se demander si l'on a besoin de l'objet, mais plutôt de comprendre pourquoi on ressent ce besoin. Est-ce pour se conformer à une norme sociale ? Pour combler un vide émotionnel ? Pour répondre à une stratégie marketing bien huilée ? Cette première question aide à identifier les achats motivés par des besoins psychologiques plutôt que pratiques.

I comme Immédiat

En ai-je besoin immédiatement ? Cette question est particulièrement pertinente pendant le Black Friday, où le sentiment d'urgence créé par les promotions "limitées" nous pousse à agir impulsivement. Attendre quelques jours permet souvent de réaliser que l'envie n'était qu'éphémère. Si le besoin est toujours là une semaine plus tard, il sera sans doute plus légitime.

S comme Similaire

Ai-je déjà quelque chose de similaire chez moi ? Combien de fois avons-nous acheté un vêtement ou un objet qui ressemble étrangement à quelque chose que nous possédons déjà ? Faire l'inventaire de ce que l'on a avant d'acheter permet d'éviter les doublons et de redécouvrir des objets oubliés au fond d'un placard.

O comme Origine

D'où vient ce produit ? Dans quelles conditions a-t-il été fabriqué ? Cette question nous invite à réfléchir à l'impact social et environnemental de nos achats. Un produit fabriqué dans de mauvaises conditions de travail, à partir de matières polluantes, ou qui a parcouru des milliers de kilomètres aura un coût écologique et humain bien supérieur à son prix affiché.

U comme Utile

Cet objet me sera-t-il vraiment utile à long terme ? Ou va-t-il finir par prendre la poussière dans un coin ? Cette dernière question nous aide à distinguer les achats réellement nécessaires des acquisitions qui ne feront qu'encombrer notre espace de vie et notre esprit.

 

Des alternatives concrètes au Black Friday

 

Aux États-Unis comme en France, de nombreuses initiatives voient le jour pour contrer les dérives du Black Friday. Le mouvement "Make Friday Green Again", lancé en 2019 par la marque Faguo, rassemble aujourd'hui plus de mille marques qui refusent de participer au "vendredi noir" et encouragent des bases de consommation plus saines.

Le "Green Friday", initié en 2017 par le réseau Envie, invite à repenser nos habitudes de consommation vers des choix plus conscients et durables. Des événements "anti Black Friday" sont organisés, proposant des ateliers de réparation, des ventes de seconde main, et des sensibilisations à la consommation responsable.

Patagonia, marque américaine emblématique, a quant à elle adopté une approche radicale en reversant la totalité de ses bénéfices du Black Friday à des associations environnementales. Depuis 2002, l'entreprise a lancé le mouvement "1% pour la planète", consistant à reverser 1% de son chiffre d'affaires à des organismes environnementaux.

 

Le pouvoir du consommateur conscient

Chaque achat est un vote. En choisissant de ne pas participer à la frénésie du Black Friday, ou en appliquant des méthodes comme BISOU avant d'acheter, les consommateurs peuvent véritablement faire la différence. La réutilisation de 100 vêtements pourrait éviter la production de 60 à 85 nouveaux vêtements, réduisant l'impact climatique des t-shirts en coton de 14% et celui des pantalons en polyester et coton de 23%.

Le marché de la seconde main, en pleine croissance, pourrait représenter 40% du secteur de la mode dans les années à venir. Privilégier la qualité à la quantité, réparer plutôt que jeter, acheter d'occasion plutôt que neuf : autant de gestes simples qui, multipliés par des millions de consommateurs, peuvent transformer radicalement notre impact sur la planète.

 

Un transformation profonde nécessaire

L'an dernier, le Black Friday a une fois de plus démontré l'ampleur du défi qui nous attend. Avec des ventes record et un impact environnemental toujours plus lourd, il est urgent de repenser notre rapport à la consommation. 

Il ne s'agit pas de renoncer à tout plaisir ou de culpabiliser chaque achat, mais plutôt de consommer de manière plus consciente et intentionnelle. L’objectif n'est pas de ne rien acheter, mais d'acheter mieux – en accord avec nos véritables besoins et nos valeurs.

Face à l'urgence climatique, chaque geste compte. Alors que les enseignes nous bombardent de publicités et de promotions "irrésistibles", prendre le temps de se poser cinq questions simples avant d'ouvrir son portefeuille peut sembler dérisoire. Pourtant, c'est exactement ce genre de petits changements, adoptés massivement, qui peuvent déclencher une véritable révolution de la consommation.

Le prochain Black Friday approche déjà. Et si cette année, plutôt que de céder à la frénésie consumériste, nous choisissions de faire un BISOU à la planète ?

 

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