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CULTURE - L’Italie, le pays aux mille langues

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 18 juillet 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

L'Italie a une particularité : ses nombreux dialectes. Chaque région possède une multitude de variations de son dialecte, parfois même plusieurs pour une même ville. Si en France les dialectes ont disparu, en Italie, pourtant unifiée depuis 150 ans, ces langues locales résistent. Professeur de dialectologie à La Sapienza (Rome), Ugo Vignuzzi a accepté de nous expliquer l'histoire des dialectes italiens

La forte influence des invasions et la création d'identités locales

Comme l'explique Ugo Vignuzzi, l'Italie et ses dialectes ont été fortement influencés par la position de carrefour européen de la botte. La forte identité locale des Italiens est accentuée par le fait que jusqu'à la fin du 19ème siècle, les habitants ne sortaient pas (ou très peu) de leur ville natale, et n'éprouvaient pas le besoin de parler une langue compréhensible par tous. "L'Italie est une terre de communautés locales (environ 8100 communes) dont 40% existent depuis plus de 2000 ans. C'est  un lieu de passage, un pont entre Est et Ouest. Une partie du pays appartenait à l'espace byzantin et l'autre aux royaumes d'Espagne, de France, puis sont intervenus les Allemands?. jusqu'à l'unification résultant de l'action du royaume de Piémont Sardaigne. Ce pays est composé d'une population très hétérogène. Les identités locales très fortes commencent avec les communes, puis s'étendent autour de zones de référence (chefs-lieux, centres économiques?)".

(source: www.musicroom.it)

L'Italie est un pays qui à lui seul comptabilise plusieurs milliers de langues locales. Selon le professeur Vignuzzi, "il y a environ 10.000 dialectes locaux, et à peu près 400 dialectes importants ou de références (correspondant aux diocèses médiévaux). Il faut savoir que les divisions régionales ne correspondent que rarement à la répartition dialectale car les régions n'existent que depuis 1948 alors que l'existence des dialectes est bien plus ancienne. C'est pour cela par exemple que certains dialectes de la Sicile du nord se retrouvent en Calabre du sud et que celui du nord de la Sardaigne ressemble au Corse".

Avec la création de l'Italie et les déplacements de population les dialectes ont muté et n'ont rien en commun avec les dialectes d'origine. Plusieurs langues étrangères ont influencé l'évolution dialectale comme le français. Par exemple, le Supplì (boulette de riz à la viande et au fromage) vient du mot français "surprise", car quand on l'ouvre on trouve la viande.

L'italien, le fruit d'un mélange dialectal

A la différence de la France, la langue italienne a été totalement créée. Les dialectes ne dérivent pas de l'Italien, mais au contraire l'Italien est une modification du dialecte florentin. "L'Italien est composé à  90% du florentin de Dante, Pétrarque et Boccace. D'abord il a été décidé qu'il fallait parler la langue écrite par Pétrarque puis est venu le tricolore, puis l'Etat (tout le contraire de la France). Manzoni par exemple a mis 24 ans pour écrire une langue qui pouvait être parlée et lue par tous et ce parce qu'il ne parlait pas italien. Il parlait milanais et français et il ne pouvait pas écrire un roman national dans sa propre langue".

La grande différence qui existe entre un dialecte et un autre a parfois posé quelques problèmes comme en 1866 quand une section de l'armée italienne a attaqué une autre section de la même armée pensant avoir en face des Autrichiens. Il était donc évident qu'il fallait que les Italiens puissent communiquer entre eux et se comprendre. La diffusion de l'Italien s'est faite à travers l'instruction, et le taux d'alphabétisation (en italien) est ainsi passé de 15% environ en 1860 à 50% en 1911.

Le Romanesco, un cas particulier

Le Romanesco est un des dialectes de Rome mais pas le seul. La région Lazio compte environs 18 dialectes principaux qui se recoupent encore par villes et communes. Il s'agit d'un dialecte particulier qui a muté bien avant les autres en raison de la présence du pape qui ne parlait la plupart du temps que florentin. "Très souvent le Pape n'était pas romain, et quand il l'était, son entourage était toscan ou de l'Italie septentrionale. Ainsi, l'élite de Rome ne parlait pas le dialecte romain. Il y a eu toute une série de Papes toscans  et leur présence a modifié le Romanesco qui tend à perdre les éléments dialectaux pour accepter des éléments toscans, c'est aussi pour cela qu'il est plus similaire à l'Italien". Les dialectes tendent à ressembler  toujours plus à l'Italien aussi à cause de la présence de la radio et de la télévision qui fait que les jeunes générations modifient légèrement leur langage dialectal.

Quelques phrases en dialecte

Après ces quelques éléments explicatifs, voici un petit cas pratique. Il existe trop de dialectes différents pour donner un exemple de chacun mais voici quelques phrases pour vous donner une idée de la différence existant entre ces dialectes et l'italien que vous avez appris à l'école.

Lazio : Romanesco : "Mejo povero onorato che ricco sputtanato" (en Italien :Meglio povero ma onesto che ricco e disonesto), ce qui veut dire en français : mieux vaut être pauvre et honnête que riche et malhonnête.

Puglia : Barese : "C'na ma sci, sciamaninn; c'nana ma sci na g'n'scim scenn " (se ce ne dobbiamo andare andiamocene, se non ce ne dobbiamo andare non andiamocene) : si nous devons partir partons, si nous ne devons pas partir ne partons pas.

Sicilia : "Servu d`autru si fa cu dici i sigretu ca sapi" (Chi racconta i propri segreti si fa servo degli altri) : qui raconte ses secrets devient l'esclave des autres.

Lombardia : Milanese : "Quaant se gh'a fam, la puleenta la paar salama" (Quando si ha fame la polenta sembra salame) : quand on a faim, la polenta devient saucisson.

Calabria : " na puma o jiornu caccia u mericu di tornu" (una mela al giorno è salutare) : une pomme par jour c'est bon pour la santé.

Campagnia : Napoletano : " A quattro cose non credere maje: cielo chiaro ?e vierno, nuvolo d'està, lacreme ?e femmene e carità ?e muonece" (A quattro cose non credere mai: cielo chiaro d'inverno, nuvoloso d'estate, lacrime delle femmine e carità dei monaci) : ne jamais croire à ces quatre choses : le ciel bleu en hivers, les nuages en été, les larmes d'une femme et la charité des moines.

Pour lire plus de phrases et proverbes en dialecte : www.dettiedialetti.it/cosa-puoi-trovare.do

Elise BONNARDEL (www.lepetitjournal.com/rome) Jeudi 30 juin 2011

lepetitjournal.com rome
Publié le 18 juillet 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

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