« Jair Bolsonaro, la voix d’un autre Brésil », des mots qui pourraient résumer le brillant documentaire qui sera diffusé dimanche 2 octobre à 20h55 sur France 5. Inédit, le film, réalisé par Ingrid Piponiot, Laetitia Rossi et produit par Babel Doc, présente le portrait d’un homme au pouvoir, à l’aube des élections présidentielles brésiliennes.
Dimanche 2 octobre 2022, 150 millions de Brésiliens voteront au premier tour des élections présidentielles de leur pays. Puis, ils y retourneront le 30 octobre pour le second tour. Douze candidats officiels figurent parmi le choix obligatoire des citoyens, mais « deux hommes, deux Brésil » se font véritablement face : le Président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro et Luis Inacio Lula da Silva, dit Lula, ancien président de gauche. Pour comprendre le contexte et les enjeux des élections, les réalisatrices Ingrid Piponiot et Laetitia Rossi présentent, sur France 5, un documentaire inédit et produit par Babel doc : « Jair Bolsonaro, un autre Brésil ». Nous avons visionné le film et rencontré les auteures.
Au Brésil, le parcours d’un homme que « personne n’attendait » un jour au pouvoir
S’entourant de proches « dans l’ombre » de Jair Bolsonaro, - comme Waldir Ferraz, ami et conseiller ou Flavio Bolsonaro, son fils aîné – et s’appuyant d’archives - comme une photo du petit Jair dans les années 60 avec son papa « arracheur de dents » -, les réalisatrices dépeignent le portrait d’un homme aux origines modestes et marqué à jamais par les inégalités de son pays. Petit à petit, d’abord dans la région de Sao Paulo, puis dans l’armée à Rio de Janeiro à partir de 1972, Jair Bolsonaro forge “son caractère, ses valeurs et son anticommunisme vicéral ». À la fin des années 80, il se découvre une vocation politique et met tout en œuvre pour devenir quelqu’un dont on se souvient.
Son style : la provocation. Ana Clara Costa, journaliste politique, Thais Oyama, auteure, et Bruno Meyerfeld, correspondant pour Le monde, racontent un homme politique sans limite, qui utilise pleinement « la politique par l’outrance, par la vulgarité et le scandale. », images d’interventions média ou de meetings à l’appui. Et cela fonctionne. Jair Bolsonaro est désormais quelqu’un. Les réseaux sociaux sont ses meilleurs outils. Pour sa campagne en 2018, il ne choisit d’agir et d’exister que sur ceux-ci car « les médias sont corrompus et de mauvaise foi. » Une stratégie qui paye partout dans le pays. Aujourd’hui, sur 210 millions de Brésiliens, 150 millions consomment les réseaux sociaux et, parmi eux, 50 millions suivent quotidiennement Jair Bolsonaro. Mais ce n’est pas tout. Avec des discours « simples et directs », l’homme se présente naturellement comme « le sauveur du peuple ». Le 1er janvier 2019, il prend la tête du Brésil, avec 55% des suffrages. Quatre ans plus tard, le pays souffre et se divise.
L’élection brésilienne a lieu dans un contexte économique et social dramatique
Quand la pandémie frappe le pays, Bolsonaro est au pouvoir depuis un an : « il va choisir de ne rien faire et nier la crise sanitaire ». Selon une enquête d’une commission sénatoriale, 300.000 morts du Covid-19 auraient pu être évités. C’est à cette période que le tournage du film commence. Les images, dans un cimetière puis un hôpital avec le témoignage de Rebecca Carbinatto, médecin en soins intensifs, sont bouleversantes et marquent profondément l’équipe. La crise sanitaire sans précédent s’abat sur le pays, les sans-abris se multiplient. « La faim fait son grand retour. (…) Aujourd’hui, un brésilien sur trois est en instabilité alimentaire ». L’économie se fragilise, mais pas que. L’environnement se prend des gifles, et, en première ligne, l’Amazonie. Sur la scène internationale, le sort de la forêt amazonienne ne passe pas. Mais le Président balaye les critiques, à l’image d’un échange à Davos avec Al Gore, retranscrit dans le documentaire.
Le Bolsonarisme fait mal. Le gouvernement conservateur et extrémiste a de plus en plus de mal à passer. Beaucoup de Brésiliens se détournent du Président : « A l’image du pays, le peuple se divise, les milieux populaires sont dans le doute » comme le montrent les réalisatrices, qui sont allées à la rencontre de familles modestes à Rio de Janeiro. Plus l’élection présidentielle approche, plus le pays semble en ébullition. Pendant la campagne, devant la caméra de Vincent Rimbaux, et de milliers de partisans, Bolsonaro crie fièrement : « J’ai trois alternatives : la prison, la mort ou la victoire. J’en profite pour dire à tous ces bâtards que je n’irai jamais en prison ! ».
La réalisation du documentaire a bouleversé Ingrid Piponiot et Laetitia Rossi
« Déroutant” , le mot qui revient le plus lorsque l’on demande aux réalisatrices du documentaire de se confier sur la conception de ce documentaire inédit. « Nous travaillons sur ce projet depuis un an. Mais nos premières images ont été celles de la pandémie, et c’est ce qui a été le plus dur à couvrir. Les pleurs des Brésiliens face à leurs morts enterrés à la chaîne, nous ont traumatisés » confient les deux jeunes femmes. « Je me souviens aussi de cette femme hospitalisée du Covid-19. Dans un endroit si froid et triste, elle a pu avoir cette bulle d’humanité de la part du corps médical. Cela m’a tellement émue. Nous avons appris qu’elle était décédée quelques semaines plus tard. » raconte Laetitia.
Mais la pandémie n’est pas le seul moment que les auteures gardent en mémoire. L’approche des proches du Président Bolsonaro et les échanges les ont déstabilisées : « Flavio, le fils aîné du Président, est une personnalité déroutante. Ne serait-ce que la ressemblance physique avec son père ! Et puis, c’est le bon carioca, l’homme accessible. Donc si même nous, qui avons une certaine grille d’analyse, le trouvons sympathique, imaginez le citoyen lambda qui va lui pardonner ses propos extrêmes et violents parce qu’il a l’air sympa et droit...C’est un atout politique que la famille Bolsonaro utilise bien sûr » explique Ingrid. « J’ajoute que Waldir Ferraz, le conseiller de l’ombre de Bolsonaro est aussi déroutant. Il a ce côté simple, accueillant, désinvolte, le vieux tonton sympa ! Et, tout d’un coup, choc de réalité, il a des propos extrêmes et violents ! Et nous, nous devons garder ce masque de neutralité, jouer les personnes sans avis pour que les portes ne se ferment pas et que nous puissions continuer à transmettre cette réalité. » ajoute Laetitia.
A partir de dimanche, Ingrid Piponiot et Laetitia Rossi couvrent les élections présidentielles en tant que correspondantes sur place. « Les troupes sont chauffées à bloc. Sur Whatsapp, je lis des conversations hallucinantes, certains sont prêts à prendre les rues, armés. On ne sait pas ce qu’il peut se passer, vraiment. On donne Lula gagnant mais Bolsonaro a autour de 30% de soutien, dont 20% qui sont archis convaincus. » confie Ingrid. Les semaines à venir vont sans aucun doute « mettre à l’épreuve ce qui est encore la plus grande démocratie d’Amérique Latine », conclut gravement le documentaire, à ne pas manquer dimanche à 20h55 sur France 5.
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— France5servicepresse (@servicePresseF5) September 13, 2022
?? Alors que l’élection brésilienne se tiendra le dimanche 2 octobre, @france5 propose le jour même à 21.00 un documentaire inédit :
?« JAIR BOLSONARO UN AUTRE BRÉSIL » de Ingrid Piponiot et Laëtitia Rossi@babel_doc @Francetele pic.twitter.com/MEJOEfSgQd
Le mardi 4 octobre, un autre documentaire réalisé par Laetitia Rossi et Ingrid Piponiot (et produit par Babel Doc), sera diffusé sur Arte. Le film de 52 minutes revient cette fois sur le décryptage sous haute tension du duel Bolsonaro-Lula. La rédaction lepetitjournal.com l’a visionné et le recommande vivement.