Dans le quartier défavorisé de Penha, à Rio de Janeiro, la Brésilienne évangélique Giociani Lucio agite un fanion à l'effigie de deux candidats bolsonaristes à la députation, aux côtés du célèbre pasteur qui les soutient.
Aucun doute pour elle: "seul Jésus peut sauver le Brésil de la corruption et de Lula".
Les liens entre le président brésilien Jair Bolsonaro et les églises évangéliques, confession de sa fervente épouse Michelle, n'ont fait que se resserrer sous son mandat.
Avec le mot d'ordre "Le Brésil au-dessus de tout et Dieu au-dessus de tous", le chef d'Etat d'extrême droite a défendu des valeurs ultra-conservatrices: opposition à l'avortement et au mariage gay notamment. Il a même nommé à la Cour suprême son premier juge évangélique.
A la Chambre des députés, les évangéliques sont devenus un groupe puissant, avec 112 députés sur 513. Ils représentent désormais 30% de la population brésilienne et font partie en majorité des classes les moins favorisées.
Dans l'Etat laïque qu'est le Brésil, ce courant du protestantisme, généralement néo-pentecôtiste, est influent jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir.
Quant à la base, elle s'active dans les rues du Brésil actuellement, pour promouvoir la candidature à la réélection de Bolsonaro, à moins de quatre semaines du premier tour de la présidentielle qui va l'opposer au favori des sondages, l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.
"La religion doit se mêler de politique. C'est un pan de la société dont nous faisons partie et nous avons besoin de politiques évangéliques", assure Rafael Moreira Macedo, militant conservateur.
Il fait campagne pour Claudio Castro, candidat allié de Bolsonaro au poste de gouverneur de l'Etat de Rio, face à l'église de l'Assemblée de Dieu Victoire dans le Christ (ADEVC) à Penha.
"Certains pensent que les évangéliques ne peuvent pas se mêler de politique. Mais pourquoi pas? Nous sommes aussi des citoyens du monde", abonde Solange Ferreira, une enseignante sexagénaire, avant de rentrer assister au culte.
- Vérités et mensonges -
La majorité des évangéliques déclare ouvertement soutenir Bolsonaro, faisant écho à son discours, notamment ses critiques de la gauche pour son implication dans des scandales de corruption.
L'ex-président Lula "défend les dictatures. Les évangéliques croient plus dans la liberté, tandis qu'eux (la gauche, ndlr) s'identifient au socialisme et au communisme", lance Moreira Macedo, 37 ans.
"Je ne connais personne qui vote pour Lula", dit Alessandra Abreu, une étudiante de 22 ans, évangélique depuis qu'elle a commencé à accompagner sa belle-mère à l'église il y a trois ans.
"Bolsonaro est opposé à tout ce qui est pernicieux pour les adolescents et les adultes", explique-t-elle.
Pendant le culte, elle écoute avec attention les prêches du pasteur Silas Malafaia, ami et proche conseiller de Jair Bolsonaro. "Je sais que lui ne ment pas", ajoute la jeune femme qui indique n'avoir aucune confiance dans la presse ni les réseaux sociaux.
- "Voter pour le 22" -
Selon l'institut Datafolha, Bolsonaro obtient 48% des intentions de vote de l'électorat évangélique, et Lula 32%.
C'est l'inverse de la population générale, qui choisirait à 32% le président mais lui préfèrerait Lula à 45% au premier tour du 2 octobre.
"Bien sûr que je vais voter Bolsonaro", affirme Giociani Lucio, 33 ans, mariée et mère d'une petite fille. "Parce que la famille composée d'un homme et d'une femme est supérieure à tout".
"Si tous les évangéliques sont ouverts d'esprit comme moi, ils voteront pour le 22", lance-t-elle, en référence au numéro que l'électeur doit choisir devant l'urne électronique s'il vote pour Jair Bolsonaro.
Pour 56% des électeurs brésiliens, la politique et la religion marchent main dans la main, toujours selon Datafolha.
Et 60% pensent même qu'il est plus important qu'un candidat à la présidence défende les valeurs de la famille plutôt qu'un bon programme économique.
Ainsi les valeurs conservatrices sont-elles partagées bien au-delà des temples.
Rafael Moreira Macedo explique que les évangéliques font beaucoup de prosélytisme.
"Nous sommes en contact avec beaucoup de gens", explique-t-il. "Nous contaminons les autres, mais de manière positive".
"Je ne les ai jamais comptés, mais j'ai convaincu beaucoup de gens tout au long de ma vie", dit-il.