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La vraie vie de Cow-boy australien : Fin du récit!

Sam 2 Sam 2
Écrit par Samuel David
Publié le 30 septembre 2020, mis à jour le 30 septembre 2020

Quatrième et dernier récit de Sam au pays des cow-boys australiens. On espère que ce récit vous aura donné des envies d'évasion! 

Daylight, le convoi se met en route. Ces images resteront gravées dans mon esprit à tout jamais. Notre lente caravane - un peu à l’image du Paris-Dakar - s’élance sur la plaine.

Je suis au volant d’un énorme camion, peut-être un 15 tonnes, je ne saurai pas te dire.

Les chevaux, le chopper et les bulls catchers partent de leur côté. Nous, les poids lourds partons du nôtre. L’ objectif, acheminer le matériel et mettre en place le premier camp. Et oui, surprise, nous mettrons 2 jours avant d’arriver à notre campement final.

Alors nous installons un premier campement de fortune en plein milieu d’un lac asséché. Puis, nous rejoignons l’équipe qui, elle, a commencé à rassembler les premières têtes de bétail. Je ne vais pas te décrire notre journée, toujours à peu prés sur le même tempo, rassembler et acheminer les bêtes vers notre premier stop.

Il fait chaud. 35°, pas d’air et de la poussière. La fatigue arrive vite. Après plusieurs pauses ravitaillement pour les hommes et les bêtes, la journée touche à sa fin.

Un autre balai commence, chacun récupère son swag ou sa tente et s’installe. Il y a le feu bien sûr au centre du campement, ce point de rassemblement où l’on passe le plus clair de notre temps, à discuter des opérations à venir, à boire une bière ou encore à manger et, disséminer dans un rayon de plusieurs centaines de mètres des tentes. Chacun trouve son espace.

C’est à ce moment précis que je prends conscience de l’immensité dans laquelle nous nous trouvons. Le chant des dingos au loin, l’appréhension de voir surgir un serpent ou encore un crocodile... seul au milieu de la nature avec pour simple protection une moustiquaire.

Lorsque je disais que je ne camperai jamais plus pareil, oui à ce moment j’en ai pris conscience. Toute tes peurs s’échappent en un instant, en tout cas pour moi. Ce moment où tu te glisses dans ton swag, la nuit noire autour de toi, le léger souffle du vent dans les branches, à contempler ce ciel étoilé sans aucune perturbation lumineuse ou visuelle.

Je suis comme un gamin, tu m’entends, comme un gamin émerveillé de voir aussi distinctement la voie lactée, de voir des étoiles filantes, d’apercevoir un feu de Bush au loin donnant cette couleur orangée si particulière à l’horizon.

Jamais plus je ne mettrai un top sur ma tente, jamais. Ce spectacle est envoutant, mais toi qui connait l’Australie, tu as déjà certainement vécu pareille expérience. Je ne sais pas si tu peux vivre cette aventure ailleurs, probablement si... pourtant dans l’outback, l’aventure c’est l’aventure. Tu prends conscience de ce que tu n’es rien dans cette immensité ! C’est beau, c’est reposant, voila, je touche du doigt le pourquoi ces gens, mes compagnons de cordée ne veulent pas partir d’ici, pourquoi ils n’aspirent à rien d’autre que çà. Cette quiétude, cette paix, c’est précisément cela que le visiteur vient chercher ici !

5 jours, mes meilleures nuits depuis si longtemps. Pas de réseau, pas d’internet, pas de radio, coupé de tout.

Je ne vais être original, alors je re-utilise pour la niéme fois le même mot, indescriptible, inimaginable. Les nuits bercées par le pas des chevaux autour des tentes, par le beuglement du troupeau si bruyant à quelques centaines de mètres. Cette atmosphère est surréaliste. Les veillées autour du feu, les couchés de soleil dans cet immensité.

Au milieu du yard, chaque soir lorsque le soleil commence à décliner, toujours le même spectacle, la poussière virevoltante, l’orange, le rouge... toujours le même, non, c’est

encore différent ici, car au fond tu sais qu’après cela tu iras te coucher fourbu, évitant la douche tant tu rêves de calme. En revanche, oui, tous les soirs la même réflexion, la même étincelle dans le regard de tous les membres de l’équipe, assis sur les barrières de l’enclos à contempler l’horizon, « le plus beau bureau du monde ! ».

Et pendant ces 5 jours, le travail de processing, le même que nous avons réalisé précédemment, mais encore plus intense, car oui, au milieu de nulle part, la vie est beaucoup plus rude. La fatigue augmente chaque jour, les yeux se cernent, les gestes deviennent moins précis, les esprits s’échauffent parfois, mais rassure toi, la quiétude et le respect de l’autre reprennent très vite le dessus.

On l’a fait, on a réussi le job, il est temps de rentrer au bercail et reprendre forme humaine comme ils aiment le dire. La poussière sur le visage, les marques du bandanas, du chapeau ou de la casquette encore inscrites sur nos visages, les mains noires sont autant de traces de notre bonheur, autant de stigmates qui font que cette fois-ci encore plus qu’avant que nous sommes une équipe, une vraie, soudée.

Je réalise enfin la chance incroyable de vivre ce moment, avec ces personnes là, ces êtres qui sont entrés dans mon coeur, comme je suis entrés dans le leurs.

Jamais 2 sans 3 ! Après cette seconde expérience en apesanteur avec la team, mon aventure dans le Kimberley me dirige vers mon 3eme mustering.

Cette fois-ci, la tâche est un peu différente, après avoir « managé » environ 2 000 têtes « familières » précédemment, nous nous attaquons à du bétail sauvage, pour la plupart des échappés des paddocks de travail ou des évadés des années précédentes.

La tension est palpable, même si le travail est difficile, nous rions tous ensemble, car comme je te le disais nous avons passé les préliminaires, nous nous connaissons et savons que nous pouvons compter l’un pour l’autre.

Tout çà est nouveau pour moi, après avoir managé mon équipe pendant 15 années, j’ai choisi de travailler seul depuis 5 ans, ne voulant plus subir l’inertie et les traitrises de l’autre. C’est oublié aujourd’hui, je prends bonheur à être une part de cette équipe. Rien n’est au hasard, les personnalités sont rudes, sauvages mais foutrement justes et droites.

Mon image de « play boy » s’est effacée pour embrasser celle d’un vrai cow-boy. Si mon objectif dérangeait les premiers jours, dorénavant je suis heureux qu’ils me demandent de les photographier et heureux que nous regardions ensemble ces images, rigolant à plein gosier !

Nous n’aurons jamais autant utilisé de mètres de fil de fer à consolider le cattleyards, encore et encore, ne laissant rien à l’à peu prés. C’est le signe que le bétail sera beaucoup plus rude et sauvage qu’à l’accoutumée. La moindre erreur de préparation et ce sera la catastrophe, nous perdrons des têtes et au pire l’un d’entre nous sera blessé.

Cet après-midi là, après de longues heures de labeur, nous sommes « off » sur le campement. La pression retombe en attendant le lendemain. L’équipe, les Hommes - et les femmes - ne se séparent plus, nous passons notre temps libre ensemble, pour certains comme moi, silencieux à observer les gestes, pour d’autres à discuter, à interroger, à demander.

Tels des animaux de la même meute, je passe le temps avec Byron et Brian, assis au bord de la rivière, écoutant le silence, se ressourçant. J’ai la prétention de croire que nous sommes devenus des « amis », notre silence n’est pas pesant, il est choisi, partagé. On se sourit, et on rit... aussi !

Les autres pêchent ou jouent à faire des ricochets. Bref, on passe le temps ensemble.

Daylight. C’est le signal, tu connais çà maintenant ! On ne rigole plus, la journée commence à 4:00am, il faut finir de vérifier le yard, la pression monte encore d’un cran.

Combien de têtes ? Personne ne sait. Je suis avec Roderick, encore une fois, je sens la tension dans son regard, dans ses gestes. Il espère beaucoup, c’est son gagne-pain ! Je comprends ses silences, drôle, il a le même âge que mon père et probablement le même caractère, il compte ses mots, mais il est juste. Les encouragements sont rares, mais le regard ne trompe pas.

Le chopper s’active, le bétail arrive enfin. Les bull-catchers se mettent en route, nous serons les premiers à pousser le bétail, premiers arrivés aux gates. Pierre et moi sautons de la voiture « Quick » - c’est le mot d’ordre pour boucler et sécuriser les portes avant que le bétail dans un effet de masse ne fasse demi-tour et défonce tout sur son passage !

La moisson est faible cette fois-ci, peu de bêtes. Le chopper a fait de son mieux, la topographie est difficile, beaucoup d’arbres, de recoin, le bétail se cache et se joue de lui !

La déception se lit sur le visage de Roderick et sur celui de chacun des membres de l’équipe. Alors, on ne traîne pas, on processe, on charge le bétail non sans quelques sueurs froides. Le troupeau est comme nous l’avions imaginé, rude, vif et pas forcement friendly.

Puis, le sourire revient sur les visages, la déception ne sert à rien, la vie est ainsi faite, passons à l’après... « we never know » !

Tout commence par une fin, hélas ou heureusement, parfois je ne sais plus.
Il est temps pour moi de tirer ma révérence, avec tristesse, et je dois bien te l’avouer avec encore plus de douleur cette fois-ci. Et pourtant, c’est la vie que j’ai choisi, aller à la rencontre de personnes extraordinaires, partager leurs quotidiens, sceller des liens indéfectibles, et puis partir, gardant au plus profond de mon coeur ces images, leurs sourires, leurs gentillesses, et parfois l’amour partagé !

C’est le coeur serré que j’ai annoncé à Alida mon départ, après 1 mois de travail intense au sein d’une équipe soudée. Je ne vais pas me paraphraser une fois de plus. Tu commences à me connaître, alors tu me comprendras, car toi, tu le sais, je ne peux capturer des portraits que si j’aime les gens, sincèrement. Ne te méprends pas, ici je ne parle pas d’amour ou de coucheries, je te parle de cet amour inconditionnel, celui qui t’éclabousse, ce coup de foudre d’amitié... celui-la même qui fait que dorénavant, ici en Australie, je compte bien plus d’amis sincères et véritables que dans mon propre pays.

Les Cow-boy australiens

Alors oui, je vais partir, et ce samedi n’est pas un jour comme les autres. D’une part parce que je ne savais pas que ce 4éme mustering était au programme et d’autre part parce que je ressens une pression plus intense au sein de l’équipe.

Cette fois-ci on ne « s’attaque » pas à des bêtes dociles, mais bel et bien à du bétail sauvage, hors des enclos et des terres de propriétaires. Ces bêtes sont des évadées, ou encore des reproductions à l’etat sauvage et pour certains des fuyards, survivant d’un accident de la route. Il y a quelques années, un road-train convoyant plus de 70 Bulls a répandu son chargement ici. Tu comprendras aisément que la tâche à venir est délicate, périlleuse voire dangereuse.

C’est au bord de l’highway que nous construisons de toute pièce le cattleyard. Brian, le régional de l’étape est à la tête des opérations. L’équipe connait maintenant son travail sur le bout des doigts, installation des panneaux, des Wings, sécurisation au maximum - et bien plus qu’à l’ accoutumée - de l’enclos, prêt à subir l’assaut des bêtes sauvages.

La fin de journée approche, Roderick, Dylan et Andrew font un dernier point. L’enjeu est important. Je ne peux pas t’expliquer ce qui m’a traversé l’ esprit, mais voila que je leur lance ces mots, « Si vous avez besoin d’un coup de mains, je peux rester 2 jours de plus. No rush ». Enfin si je peux t’expliquer, enfin je crois, juste mon coeur et mes tripes qui ont parlé, crié ce qu’ils ressentaient au plus profond.

Tu ne peux pas laisser ton équipe sans avoir fini le travail, tu ne peux pas laisser tes amis dans la panade.

Pour la première fois depuis un mois, j’ai vu le visage de Roderick s’illuminer, se décrisper et laisser transparaitre de l’émotion. « Appreciate mate ! » Ce sont ces mots. Rappelle toi qu’il est en avare. Mais ses mots et son visage veulent tout dire. Ce moment intense est gravé dans mon esprit - oui un de plus ! Alors oui, je resterai 2 jours de plus, à partager des moments de bonheur et de dur labeur avec mes amis, mes amis les vrais cow-boys australiens !

Bref, bref, bref... on bosse dur, on passe des moments inoubliables et on partage tous ensemble un dernier campement en plein milieu du Bush.

Comme prévu le lendemain, les bêtes sont sauvages, très sauvages et nous donnent du fil à retordre. Pas une fois, mais plusieurs fois nous sommes contraints d’arrêter le Processing, de sauter dans l’arène pour fermer ou contenir le bétail qui défonce tout !

La même pensée m’obsède et revient sans cesse, un peu comme le futur retraité, la veille du jour fatidique, « Tu vas finir par te blesser, fais attention, pas le dernier jour... » Heureusement pour moi çà n’arrive pas ! Je peux te dire pourtant j’ai eu chaud. De cette journée il ne me restera que des chemises en lambeaux, lacérées par les barbelés.

Jamais je n’avais vu des bêtes aussi féroces. Ces bulls sauvages étaient prés à s’entretuer les uns les autres afin de trouver une porte de sortie. A plusieurs reprises les barrières ont volé sous les assauts des taureaux. Plusieurs panneaux ou portes d’accès seront littéralement fracassés, le couloir part en vrille, impossible de le remettre d’aplomb à la force des hommes. Pour que tu puisses imaginer la force du bétail, sache que nous avons dû utiliser les 4wd pour redresser les barrières ou encore contenir le troupeau ! Dans la bataille, nous perdrons quelques têtes...

C’est intense, c’est jouissif, mais on l’a fait ! Le bétail à peine chargé dans les camions directions le ranch, nous démontons tout... pour le remonter encore ailleurs ! Oui, tu entends bien, alors que l’on termine ici, c’est à plus d’une heure de route que tout notre convoi s’élance, pour préparer le prochain mustering, le dernier.

Dans la voiture, l ‘émulation du groupe, du travail accompli me prend aux tripes, plusieurs fois je m’entends penser et me dire « Allez Sam, encore quelques jours de plus, tu ne vas pas partir ! » Mais les mots cette fois ci ne sortent pas. Il faut partir, il faut prendre une décision et s’y tenir.

C’est dur, difficile même. Je laisse mon groupe, je quitte mes amis.

Ce mardi là, le coeur serré, je salue mes co-équipiers. Après une poignée de mains, chacun aura à sa manière un mot gentil à mon égard. Entre 4 yeux, car dans la rudesse, on ne veut pas montrer sa tendresse, on reste digne et fort, mais je peux te garantir que l’émotion est là, elle n’est pas feinte.

Je suis ému mais digne comme eux. Ce seront des accolades chaleureuses avec mes 4 potes aborigènes, viriles, sincères. Je suis extrêmement fier de çà, de leur reconnaissance pour le travail accompli ensemble mais surtout de l’amitié qu’ils m’ont donné.

Je retiendrai à jamais ces phrases parmi d’autres, témoignages de ce que fut ce temps ici up North.

« You know where we are now. » Roderick, le taiseux et adorable s’il en est propriétaire de Diggers.

« You are a fucking good bloke. » Brian, l’homme d’expérience, l’homme du terroir.

Bien sûr, dans tout çà je n’oublie pas tous mes autres compères, le but n’est pas d’écrire un roman, simplement de te partager quelques émotions . Maintenant tu sais, tu as les cartes en main pour dérouler le fil de mon histoire et comprendre ce qui se cache derrière chacune de ces images !

Enfin, je ne peux pas te livrer ce récit sans te préciser que tous ces cow-boys, même si évidemment ils élèvent le bétail à des fins commerciales, sont des passionnés. Ils aiment la compagnie du bétail, jamais au grand jamais il ne le maltraite. Ici tout est fait dans une certaine douceur, le bétail est roi.

Alors oui, je t’entends déjà me dire que c’est de la foutaise, tout çà c’est pour le pognon, tout çà c’est pour les bouffer. Oui.

Je suis vegan depuis 10 ans par choix, et pourtant tu vois, j’ai partagé cette aventure avec les plus gros viandards d’Australie. Ne juge pas, si tu manges de la viande, tu es un maillon de cette chaîne, si tu n’en manges pas comme moi, tu en es un témoin privilégié.

Dernière confidence, tous les soirs quasiment, alors que nous rentrions à la maison, traversant l’immensité, tous les soirs, Roderick ralentissait à la vue du bétail, et comme pour ces chevaux à la retraite, il s’approchait d’eux, et leur adressait des mots doux
« Bonsoir Mesdames », « Bonsoir old ladies », « Salut les garçons! » ... bref.

Cà, çà ne ment pas ! Tu ne peux être éleveur de bétail et faire ce métier aussi difficile soit- il sans aimer les bêtes. Je n’essaie pas de te convaincre, il y a des bons et des mauvais partout... ici à Diggers Rest Station, ils sont dans l’excellence !

Fin du récit ! Vous pouvez suivre les futures aventures de Sam sur Instagram et Facebook. 

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