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La vraie vie de Cow-boy australien : partie 2 !

Cow-boy australiens Cow-boy australiens
Écrit par Samuel David
Publié le 16 septembre 2020, mis à jour le 16 septembre 2020

L'aventure continue ! Deuxième partie du récit de Sam, qui raconte son aventure chez les Cow-boys australiens. 

Pas de chichi, pas de rond de jambes, te disais-je, tout le monde met la main à la pâte, évidemment dans la bonne humeur et la tendresse ! Oui tu vois, en écrivant, c’est ce mot qui me vient à l’esprit, la tendresse. Ce sont des gens qui vivent dans des conditions extrêmes, qui travaillent dur, mais qui donnent tout, sans compter ! Ils t’ouvrent leur maison, ils t’ouvrent leurs vies sans la travestir, ils ne se plaignent pas, jamais. Ils ont embrassés cette vie, ils en sont heureux, et j’allais ajouter ils t’ouvrent leurs coeurs !

C’est une vérité. Si tu me lis, tu le sais maintenant, je ne peux vivre qu’ainsi, donner le meilleur de moi-même uniquement pour des personnes qui sont authentiques, pour lesquelles l’amour des uns et des autres est réciproque.

Alors oui, ils m’ont ouverts leur coeurs, car même si aujourd’hui je suis reparti dans une vie plus citadine à Perth, je garde un contact privilégié avec eux. J’ai plaisir à suivre leurs aventures au travers des réseaux sociaux, j’ai plaisir à imaginer que là-haut je peux compter sur des gens en cas de besoin, et, qui pourront également compter sur mon aide s’ils m’en font la demande.

C’est aussi çà l’Australie, des histoires d’Homme - comme partout me diras-tu ! - oui comme partout, mais ces histoires je suis encore plus heureux de pouvoir les vivre dans ce qui est devenu au fil du temps mon pays « de coeur », celui certes que j’ai choisi. Cependant parfois tes choix se révèlent ne pas être à la hauteur de ce que ton vilain esprit à pu échafauder comme plan sur la comète.

A te dire vrai ce fût le cas durant quelques mois, puis tout à basculé. Confidences pour confidences, ces personnes, ces rencontres (Nath, Tom, Jim, Carmel, Mitsuko, Glen, Jordan, Tia...), cette expérience loin de tout, et le Kimberley, ont à jamais transformé ma vision de l’Australie et de ces habitants.

D’ailleurs, et tant pis, je donne ici la conclusion de ce récit, jamais plus, jamais plus tu m’entends, je ne verrai l’Australie du même oeil.

Jamais plus je ne camperai sans penser à mes acolytes du nord, jamais plus je ne camperai de la même manière d’ailleurs. J’ai tellement appris sur la manière de vivre le Wild, d’appréhender la nature, de vivre l’isolement et l’éloignement.

Si parfois l’Australie m’effrayait pour ces mêmes raisons, aujourd’hui elles sont celles qui me font l’aimer encore plus.... Va comprendre !

Je te disais précédemment , si tu n’as pas vécu cette expérience, tu n’as pas vécu l’Australie ! Je n’essaie pas de m’en convaincre, c’est une vérité. Je reste aussi persuadé que beaucoup d’australiens ne connaissent pas non plus cette vie, qu’ils vivent à la
« mode australienne » sans en connaître les clés ou encore les secrets. C’est inné chez eux, et pourtant je m’aperçois bien souvent qu’il y a plus de mimétisme que de connaissance de l’art de vivre dans l’outback. Car oui, le bush, le vrai, le sauvage, c’ est un art de vivre !

Digression, désolé je pense que çà devient ma patte !

Je vais être tout à fait franc avec toi, ma première journée ici fut rude, très rude, à me demander même si je n’allais pas faire mon baluchon et repartir. Toute cette première semaine fut d’ailleurs ainsi.

4:30am - wake-up. Je suis un léve-tôt, mais là, çà pique un peu. Café et breakfast autour du feu. Il fait nuit noire, les « boys » - ces 4 aborigènes natifs des environs - ne se mélangent pas et ne me parlent pas. D’ailleurs les seuls moments où ils le font je dois la aussi te l’avouer, je ne pipe mot ! L’accent et la forme grammaticale... je ne suis déjà pas un surdoué en anglais, alors tu imagines bien. C’est assez étrange, ils enlèvent tous les mots dans une phrase pour ne conserver que le verbe et le complément, avalent les syllabes, à toi de deviner le reste ! Tu te dis qu’avec le coeur nous allons arriver à nous comprendre, s’ils ne m’en laissent qu’un tant soit peu l’accès !

On en parle du breakfast ? Pain, saucisses, bacon, oeufs... tout ce qu’il y a de plus traditionnel, et au passage de moins vegan ou gluten free... tu me comprends ?

Daylight, on saute dans les utes, ou plutôt dans la benne du ute - pour des dizaines de kilomètres sur des terres plus que cabossées. De temps en temps tout le monde s’affaire, le ute ralentit, on saute à terre et on répare les clôtures. Chacun connait son job par coeur... sauf moi ! Personne ne t’adresse la parole, tu es là debout comme un con. Parfois on te jette une pince ou un bout de barbelé « Hang on mate ! » Dur, dur et dur ! Voila mon sentiment du moment !

10:00am - smoko. Alors que la chaleur commence à être étouffante, arrive l’heure de la pause. Si je prends un coup de plus au moral en les voyant sortir de l’eski uniquement des rib-bones, je comprends aussi qu’ici, c’est la testosterone qui prime, tu prépares ta gamelle, tu ne penses pas à l’autre, ou plutôt, si tu veux survivre tu « pack » tes affaires, ton eau et tes provisions pour tenir la journée.

Pas grave, je sauterai à la corde, expression triviale s’il en est, mais qui reflète bien l’instant présent. Alors je dégaine mon appareil photo, Il faut bien passer le temps et le spectacle qui m’est offert paraît surréaliste !

Chacun trouve une place bien à l’ombre, d’un arbre, d’un buisson, ou encore du ute. Et c’est le ballet, chacun va commencer sa partition individuelle, tout cela dans un effort de groupe. Le feu de camp est allumé, les belly-cans posées à même la braise - les bellycans, se sont ces pots en fer que tu remplis d’eau - et chacun sa cup a la main, prépare son café. C’est un rituel que je reverrai tous les jours, rituel, oui, les voir jeter 2 à 3 cuillères de café soluble dans leur cup, le diluer avec du lait et attendre que l’eau soit chaude pour finir la préparation de se qu’ils appellent un café. Du poison pour moi, mais c’est le Bush ici ! D’autres attendent que l’eau du second belly-can soit à ébullition, celui- ci servira à la préparation du thé - pas de tea bag ici, les feuilles de thé sont jetées à même l’eau. Curieux d’ailleurs de voir également ce qui est un rituel, il y jettent les feuilles de thé, remettent à chauffer puis au bout de quelques minutes ils tapent le pot sur le sol de manière à faire tomber les feuilles au fond. Le « Bush tea » est prêt ! Tu te doutes bien que le mot rituel n’est pas choisi au hasard, au delà de la pause café, la pause thé rime ici encore comme une messe « Cup of tea mate ? », les racines anglaises sont malgré tout très présentes.

cow boy australiens

Je dois aussi t’avouer que cette scène du repas fut assez déstabilisante. Au moment de manger plus personne ne parle, ne se parle. Chacun sort son couteau, découpe la viande fraîche à même la benne du ute, la jette sur les braises, part cueillir quelques branches de feuillages et attend. La viande ici se déguste non pas saignante mais très - trop - cuite, chacun ses gouts.

A quoi peut bien servir ce feuillage ? Aucune idée ? Moi non plus à cet instant. Et le ballet frénétique continue, rythmé, orchestré, mais toujours individuel. Ils retirent leur bout de viandes du feu, la dépose sur leurs assiettes 100%, Bush made - le feuillage - et retournent à leurs places, à l’ombre, assis ou allongés par terre dans la poussière, mangeant comme des animaux, croquant à pleine dents, suçant les os, s’essuyant les doigts sur leur t-shirts ou leurs jeans... de vrais carnivores !

Tout çà est si nouveau pour moi que j’essaie de les prendre en photos, des portraits de « barbares » sous cette chaleur de plomb. Ils tournent la tête, me font des signes de la main, « non » ou encore me tournent le dos.

Toi, tu le sais, je ne suis pas voyeur, non, je ne suis pas non plus à les regarder comme des bêtes sauvages, ces photos sont pour moi un une capture de ce « now », la vie brute, sauvage, telle qu’elle est réellement.

Autant te dire de suite, qu’une fois de plus je ressens que la tâche ne sera pour le moins pas facile voire difficile.

Et pourtant, à force de travail acharné, aux mêmes tâches que les leurs, dans la rudesse de la chaleur et de la poussière ou encore de l’inconfort, sans jamais broncher, sans jamais la ramener, à observer, à faire comme eux, à devenir un des leurs, petit à petit leurs coeurs et leurs âmes se sont ouverts. Telles des bêtes « sauvages », nous nous sommes observés, reniflés le « cul » en quelques sortes, et nous nous sommes compris.

Je suis devenu un des leurs, pas un de leurs tribus, mais pour sûr, un membre de leur équipe. Un membre sur lequel ils peuvent compter en cas de coup dur. Alors petit petit le dialogue s’est ouvert, d’abord les enfants - nos enfants - puis nos vies, nos parcours respectifs, et chacun à écouter l’autre sans le juger, jamais.

Les jours passant, le travail met tout le monde d’accord, tu contribues avec le même effort, sans jamais te plaindre, sans jamais rechigner et comme par magie la porte de leurs émotions et de leurs cœurs s’ouvre comme la boîte de Pandore !

Humble, altruiste et pas fumiste. Ces 3 mots m ‘ont permis d’accéder à leurs coeurs. Il n’y a pas d’ego dans ces 3 mots. Juste la passion. Celle qui m’anime, celle qui me motive à photographier l’autre, son regard, sa vie !

Alors, crois le si tu veux mais après quelques jours, ce sont eux qui veulent être pris en photos. Le rituel silencieux du café matinal tourne bientôt à la rigolade et au visionnage des photos de la veille. Ils me demandent même de les leur envoyer. Puis curieusement, ce sont eux qui me sollicitent, me demandant d’immortaliser nos scènes de vie, de travail, de camping sauvage ou leurs exploits de chasse !

Toujours pareil avec ces types ! Je les connais par coeur. Car au fond je suis exactement comme eux, rugueux sur les bords, sauvage à l’intérieur ... et saignant à cœur !

Tu comprends aussi, que le coeur de notre relation est fondée sur le respect de l’autre, sur cette valeur ancrée au plus profond de chacun d’entre nous, cette valeur qui parfois est si profonde que nous l’oublions, cette valeur que j’aime à appeler « mon or ! ». Lorsque tu la trouves en toi, ou chez l’autre, après tant de labeur pour y accéder, elle ne cesse de briller, éternellement !

Après cette semaine intense, cette semaine durant laquelle nous nous apprivoisons les uns les autres, le temps est venu de lancer l’assaut ! Je les sens de plus en plus excités, excités à l’idée de partir se mesurer à l’animal, excités à l’idée de vivre leurs aventures, celles qu’ils raconteront plus tard, celles qui occupent leurs vies... là, dans le wild de cette Australie profonde.

D’ailleurs c’est une question qui revient souvent et que trivialement je leur ai posé.
« Pourquoi rester ici, pourquoi continuer à faire ce métier ? » Byron, le plus jeune est mécanicien, il pourrait aisément trouver un job plus sédentaire, loin de tout çà et ainsi mieux gagner sa vie. Il ne le fait pas, par choix.

Sa seule réponse raisonne en moi, tout comme parfois elle doit le faire en toi « Je suis heureux ici, je vis dans la nature, je ne suis pas riche mais je suis heureux... le travail est difficile certes, mais nous avons le temps de contempler la nature, d’écouter le chant des oiseaux... ».

C’est une vérité, l’appel du consumérisme n’est pas entendu ici, même si parfois je te l’accorde un brin de technologie fait son apparition, mais à quoi bon, tout çà ne te sert à rien dans l’immensité et la poussière. Ta seule distraction est d’observer la nature patiemment et d’écouter le silence. Tout un programme ! Si tout çà parait être enchanteur, ce n’est pourtant pas si facile de le vivre au quotidien. Il faut une sacrée force de caractère ! Car tu ne le sais peut-être pas, mais dans la solitude, tu es plus que jamais seul face à ta conscience, ce moment où tes démons viennent te hanter, ce moment, où seule ta force de caractère te sauvera, pas l’argent, pas la possession, pas l’ego, non ! Le bonheur fait peur parfois, et dans cette solitude tu en prends conscience, crois moi !

cow boy australiens

Ces « boys », comme ils aiment à s’appeler, m’ont ouverts encore plus les yeux. Comme à chaque fois, comme à chaque rencontre, une connexion, quelque chose de métaphysique.

Pour beaucoup ils ne sont que des aborigènes, sans manière, sans culture « blanche » ou encore des primates ! Oui je l’ai entendu tellement de fois ! Ça paraît d’ailleurs complètement irréaliste pour le coup au 21éme siècle et antagoniste à la fois. D’un côté, tu vois l’aborigène comme le mal, s’il y a un vol, c’est un « abo », s’il y a des gens saouls ou drogués ce sont des « abo », s’il y a de la violence, c’est un « abo »... et pourtant pour faire bien aujourd’hui tu veux partager leurs cultures, découvrir leurs rites, leurs arts !

Je suis au triste regret de te dire que tout ce que tu as entendu sur les communautés, la drogue et l’alcool est vrai, mais ce n’est bien sûr pas une généralité. Au risque de choquer, il n’y a pas plus d’alcoolisme ou de consommation de drogues dans la communauté aborigène que dans la communauté blanche - certainement même l’inverse !

Ces peuples ont toujours vécu dans l’isolement, heureux de ce qu’ils avaient, heureux de vivre de la nature, au rythme de la nature, à la lire pour appréhender demain. Et puis le blanc, le colon est arrivé. Et comme à chaque fois, il a voulu opérer la théorie du grand remplacement, faire comme si toute cette culture, comme si ces gens n’existaient pas, en implantant et imposant sa propre culture, son mode de vie à l’occidentale. Alors ces aborigènes tu les as haï, massacré, exterminé, stigmatisé... et tu leur as aussi apporté le pire des poisons, le consumérisme ! Tu as cassé leur mode de vie de l’isolement en construisant des villes, en imposant un mode sédentaire citadin. Bref, eux comme moi, comme nous, ne pouvons échapper à cette forme de progrès et voulons consommer aussi, comme les autres.

Alors les communautés qui étaient riches de rien, sont devenues pauvres de ne rien posséder, sont devenues pauvres de l’isolement. Tout ce qui faisait leurs forces est devenue une faiblesse.

Mon souhait le plus cher en arrivant en Australie était de pouvoir les côtoyer, les rencontrer. Je savais que je n’allais pas tomber dans les clichés de l’africanisme. Mais il y a les faits, il y a l’histoire, et il y a la vie. Ce que toi, le colon blanc, tu n’as pas pu leur voler, c’est leur identité, leur enracinement fort à la nature. Cette vie rude qui est inscrite en eux, dans leurs gènes depuis des générations, bien avant que tu ne viennes leur voler leurs terres ! Ne te méprends pas, je ne juge personne, je veux simplement être impartial et ne pas avoir peur de dire haut et fort que les aborigènes ont été volé, qu’ils ont été spolié ! Fort heureusement aujourd’hui les mentalités changent, probablement tardivement, mais comme j’aime à le penser tout commence par une fin !

L'aventure continue mercredi prochain ! Retrouvez Sam sur Facebook et Instagram

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