Eva Nguyen Binh est la Présidente de l'Institut Français, organisme dépendant du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministère de la Culture, présent en Chine et dans le monde entier. A l'occasion de son passage à Shanghai, elle a accepté de se confier lors d'une interview sur le rôle de l'Institut et son action spécifique au service de la coopération culturelle franco-chinoise.
Etre utile à la diplomatie culturelle
Pouvez-vous nous rappeler le rôle de l’Institut Français ?
L’Institut Français est une institution publique, qui oeuvre pour l’action culturelle extérieure de la France. Il relève du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et du ministère de la Culture. L’Institut français joue un rôle clé d’appui et de développement du vaste réseau culturel français à l’étranger (Instituts français, Alliances françaises principalement) ainsi que dans la connexion des professionnels français et étrangers au service de la création artistique et de la diffusion des industries créatives culturelles (ICC) françaises.
Vous avez un parcours comme conseillère culturelle et ambassadrice. En quoi votre fonction actuelle est une continuité ? Quels sont vos ambitions pour l’Institut?
La diplomatie culturelle est un des piliers de la diplomatie française qui a su la travailler et la développer comme nul autre pays au monde. Le dialogue que permettent les échanges culturels constitue un fondement de nos relations bilatérales avec bien des pays. J’ai commencé à travailler pour la diplomatie culturelle au début des années 2000 tant à Paris qu’à l’étranger où j’ai notamment dirigé l’Institut français du Vietnam. En ce sens, avec ce poste de présidente de l’Institut français, j’ai le sentiment de travailler sur un aspect essentiel de la diplomatie et surtout d’être utile à tous ceux qui sont sur le terrain et pour qui la coopération culturelle est un outil précieux. Mon ambition pour l’établissement est double : être utile à notre diplomatie culturelle, et être au service des créateurs et des industries culturelles et créatives français.
Favoriser les relations de peuple à peuple
Comment la France peut-elle utiliser la diplomatie cultuelle aujourd’hui ? Le soft power signifie t il encore quelque chose ?
Plus que jamais ! C’est bien souvent lorsque des tensions se font jour entre la France et d’autres pays que l’on se rend compte à quel point le dialogue que permet la coopération culturelle est précieuse. C’est un atout et un levier pour les autres enjeux de notre diplomatie, qu’il s’agisse d’enjeux politiques ou économiques. Par ailleurs, il y a le dialogue entre les institutions et il y a le dialogue avec les sociétés civiles. Tout ce que nous faisons permet un contact essentiel avec des créateurs, des communautés, qui ne sont pas des institutions gouvernementales mais qui jouent un rôle sans égal dans les relations de peuple à peuple. L’Institut français parle tant avec les institutions gouvernementales qu’avec les sociétés civiles. Je pense que c’est véritablement l’un de ses atouts majeurs.
Vous achevez une tournée en Chine. Quel a été votre agenda et comment fonctionne l’Institut dans ce pays ?
Je suis venue à l’invitation de notre ambassade de France au moment de la célébration des 60 ans de la relation diplomatique entre la France et la Chine, au moment du Festival » Croisements 60 » qui célèbre cet anniversaire pour soutenir notre action dans ce pays dont l’importance sur la scène culturelle contemporaine ne cesse de croître, qu’il s’agisse des arts visuels avec par exemple les foires de Shanghai, du spectacle vivant, de la coopération muséale, de la promotion de nos métiers d’arts ou de nos contenus numériques. L’Institut français à Paris a plusieurs programmes de coopération et d’expertise qui viennent appuyer l’action de l’Institut français de Chine. Au terme de cette mission, je suis ravie de constater que, pour reprendre notre slogan de la semaine de l’art à Shanghai, « la France est là », et bien là !
Des résidences d'artistes français en Chine
Quels sont les nouveaux projets en Chine et en Asie ? Quel Institut Français pour demain ?
J’ai été frappée par deux aspects qui reflètent bien l’étendue du spectre de notre coopération avec la Chine : le développement des résidences d’artistes (arts visuels et métiers d’art) français en Chine et réciproquement, besoin qui s’est révélé pendant la pandémie de COVID, et la présence de nos contenus numériques immersifs. Dans les deux cas, nous avons apporté depuis Paris notre expertise et notre carnet d’adresses et cela a été déterminant, au moins autant que notre appui budgétaire. Demain, l’Institut français devra se saisir des nouveaux enjeux culturels, tels que l’IA et son impact à tous niveaux sur la création et les habitudes, les goûts des publics. Nous avons bien sûr déjà commencé !