

La ?première édition de l'Hong-Kong Art Basel s'est achevée le 26 mai dernier. Elle est venue confirmer la troisième place de Hong-Kong sur le marché de l'art, derrière New York et Londres. Le petit journal de Hong-Kong en marge de cet incontournable évènement du marché mondial de l'art, a pris le parti de rencontrer Niko de la Faye, jeune artiste hors du commun, créateur d'une ?uvre cinétique, universelle et nomade : le M2B. Découverte !
La métamorphose du tricycle : from MUSKS to BEKS
Niko de la Faye a présenté à l'occasion de la foire d'art contemporain de Hong-Kong, la sculpture cinétique mobile "M2B" avec laquelle, il achevait une performance mobile de 3400 kilomètres, entamée à Pékin en 2012. Certains d'entre vous l'auront peut-être aperçu dans les rues de Hong-Kong. S'il avait relié Pékin à Shanghai en 2012, il a ensuite repris la route le 10 avril dernier (voir article publié au départ) pour une performance de six semaines et 1800 kilomètres avec sa sculpture cinétique mobile "M2B", "from Muks to Beks" en anglais. Il s'agit bien d'une sculpture cinétique urbaine "Mobile Urban Kinetic Sculpture"soit "MUSK" lorsqu'elle est en mouvement, qui se mue en un "Butterfly Effect Kinetic Sculpture", "BEKS" à l'arrêt. Le tricycle qu'il utilise est à l'origine une plateforme commerciale qu'il a métamorphosée en une sculpture cinétique. Elle apparaît dans l'espace urbain comme par surprise, vient briser la monotonie du paysage, et offre à ceux qui tantôt la scrutent, tantôt la contemplent, un temps hors du temps et hors champs. Mais que l'on ne s'y trompe pas, sa conception repose sur une interprétation artistique de la question fondamentale du mécanisme de l'univers.
De l'art cinétique des particules élémentaires à la théorie du tout
La structure inspirée du Ying et du Yang forme un cube, avec huit boules noires et blanches sur les coins du cube, chacune représentant un trigramme de la cosmologie taoïste. La nuit, des lumières LED illuminent l'intérieur de chaque boule de la structure. A l'intérieur du cube, trois axes sont reliés par des courroies, et quatre formes géométriques de base sont fixées sur chaque essieu et représentent les éléments qui composent l'univers. Quand le vélo se déplace, il anime l'ensemble du système et à l'arrêt, la sculpture se transforme en une sculpture cinétique. A l'intérieur du cube, le mécanisme créé par Niko de la Faye est un hommage à la théorie du tout " Exceptionally Simple Theory of Everything? " du physicien américain Antony Garrett qui stipule que "dans la physique tout se résume à la géométrie et aux interactions entre les particules élémentaires". Ainsi, cubes, prismes et sphères au centre de la sculpture symbolisent les particules élémentaires qui peuplent l'univers.
Projection dans un hutong à Pekin - Crédit photo : Etienne Oliveau
Ces douze formes aux couleurs primaires sont attachées aux pédales et tournent lorsque le tricycle est en mouvement. M2B reflète à la fois la tradition et la modernité, et combine des influences orientales et occidentales.M2B interpelle et offre ainsi aux regards inspirés, dubitatifs ou amusés, une représentation poétique de l'univers voguant entre ville et campagne, de jour ou de nuit, dans laquelle il se fond lui-même.
Quelle est l'origine du M2B ?
"L'idée était de créer une interférence dans la ville, dans cette ville avec cette sculpture pensée comme une performance urbaine. C'est au départ un outil chinois, une plate-forme commercial transformée en sculpture cinétique avec la partie chargement qui à l'origine est soit parfois un restaurant ou un magasin ambulant, soit une accumulation de matériaux, cartons, bois, métal qui devient une vraie sculpture. C'est ce qui m'a interpelé donné l'idée du M2B. L'idée était d'avoir une représentation de l'univers qui se pose à la place d'un business. Dans un environnement de rapidité, même de précipitation et de besoin d'argent et de productivité, on découvre un processus qui lui, est extrêmement lent et qui ne produit rien, mise à part son propre spectacle. Qui l'apporte et qui l'offre à ceux qui veulent le voir".
Pourquoi venir jusqu'à Hong-Kong ?
"Au départ, c'était une performance qui se passait en ville, à Pékin et au bout d'un an, après qu'elle ait été vue et exposée dans différents lieux, il y a eu l'envie de la sortir, de lui faire traverser le pays de Pékin pour rejoindre Hong-Kong et de donner une fin au projet. Arriver sur l'île de Hong-Kong, c'est donner une fin à cette performance après 3400 kilomètres parcourus pour 80 jours de voyage. C'était la seconde étape du projet : sortir de Chine".
Quelle est l'essence de cette performance, d'où est venue l'inspiration ?
"A l'origine, il y a mon premier séjour à Shanghai, à l'occasion duquel j'ai découvert les "San Lun Che", les tricycles des chinois, avec leur créativité absolument invraisemblable et leur capacité à créer de vraies sculptures d'accumulation. Cette base de travail m'a paru géniale, elle est mobile, elle appartient à son environnement. C'est un outil utilisé depuis plus de 60 ans en Chine et c'est l'outil du prolétaire, un élément de base. J'avais gardé en tête une image fabuleuse : à Pékin, un homme d'une soixantaine d'années, qui pilotait son "San Lun Che" à moteur sur lequel il y avait une espèce d'amoncellement de déchets en tous genres et tout en haut, il y avait sa femme, à plus de deux mètres cinquante du sol, sur ce truc bringuebalant. Ils font leur vie ainsi. La performance s'est imposée dans la continuité".
La performance a-t-elle évoluée au fil des rencontres ?
"Oui, oui cela a évolué. D'abord, on circulait de jour et de nuit avec M2B dans Pékin. Mais à partir du moment où l'on a quitté Pékin, j'ai ajouté le théâtre d'ombres puis j'y ai ajouté une partie sonore pour une performance nocturne. Cela fonctionne très bien, ça crée des interactions avec les gens, avec les lieux. C'est vraiment magique et d'autant plus car on réintroduit dans les villes et dans les villages le théâtre d'ombres qui est une tradition chinoise avec une réinterprétation contemporaine, abstraite, géométrique et colorée. Maintenant, il y a encore une autre partie que je n'avais pas assez expérimentée jusque-là, c'est la projection à travers la sculpture, des ombres à l'extérieur du cube et de se servir de l'environnement pour faire ces projections-là. On a fait des essais dans des tunnels, les films seront bientôt prêts, sur différents revêtements, sur des murs hongkongais tagués, avec des collages. Mais il est aussi possible d'éclairer la structure par le bas. Je l'ai découvert un soir à Pékin, sous des arbres, c'était extra !"
Et maintenant, M2B va-t-elle reprendre la route ?
"Pourquoi pas ? Mais sans moi sur la selle ! Je ne fais plus partie du processus. D'ailleurs, cette performance a été lancée, avec des uniformes absolument basiques, marqués M2B, que l'on a porté tout au long de son développement. Ceux qui l'ont piloté, qui l'ont photographié le portait également, comme signe d'appartenance. L'idée maintenant, c'est qu'après toutes ces interactions, après que la performance ait eu lieu, après les images et les films réalisés, qu'on la décontextualise et qu'on l'emmène ailleurs, en Europe par exemple. Ce sera certainement en premier lieu à Paris pour la montrer à l'occasion d'une exposition, la sculpture et l'ensemble du travail photo et vidéo. La perception de ce projet sera différente. Mais elle vit actuellement sa propre vie à Hong-Kong, chez un ami belge rencontré il y a trois jours et qui m'a proposé de la garder chez lui, quelque part dans les territoires du nord.
Il m'a appelé pour me dire que les voisins sont fascinés, que les gens discutent autour, qu'il se passe un truc !"
Quelle a été la place de M2B à la foire internationale d'art contemporain de Hong-Kong ?
"Sans commentaire sur les autres travaux. L'art cinétique est assez développé aujourd'hui, il y a des gens qui font des choses assez géniales mais on en voit très peu dans ce type d'évènements. M2B est une performance combinée à une longue distance, qui plus est dans la campagne chinoise, donc c'est un peu à part ! "
Alors M2B n'a-t-il pas finalement une fonction politique, au sens premier du terme ? C'est une performance qui part et qui nous parle de l'homme, de sa condition d'être dans le monde. Il est compréhensible par tous, universel et se structure autour de notions toutes élémentaires : formes, couleurs, particules en mouvement ? En circulant, il participe à la vie de la cité, il interpelle, émeut.
"Il y a différentes réponses à cette question. La première réponse est non dans le sens où il n'y a pas de message politique, il y a seulement un message poétique. Si la poésie est politique alors peut-être? Mais en premier lieu, ce n'est pas intentionnel. Je crée les images que j'aurais voulu voir. La réalité est assez lourde, assez statique, alors quand on peut créer une espèce de bulle qui emmène vers autre chose, créer un contraste, c'est magique. Oui, elle a une forme et une fonction qui ne sont pas très habituelles. Voir ces gens observer, toucher, se poser des questions, c'était une interaction unique sur le parcours. Mais je pense que le propre de l'artiste est d'être l'interface et de permettre de cristalliser un moment, un endroit, une situation particulière. "
Crédit photo : Mathias Magg
Particules élémentaires et couleurs primaires comme substrat
Niko de la Faye crée avec les formes géométriques élémentaires ainsi que les couleurs primaires, uniquement. Tout est dans l'art de la composition et du rythme. Dans ses prochains projets, il y a du théâtre d'ombres vivant, de la photographie de peinture de corps et des expositions autour de M2B, entre autre. Un jeune et talentueux artiste français à suivre?
Sophie Delorme (www.lepetitjournal.com/hong-kong) lundi 24 juin 2013
Crédit photos non spécifiés : Niko de la Faye
Liens :
M2B project : http://www.m2bproject.com/
Le site de Niko de la Faye: http://www.nikodelafaye.com/index.php
Lire aussi :
NIKO DE LA FAYE - carnet de route d'un tricycle pas comme les autres.







