Des années 70 à nos jours, cherchons à comprendre quelle a été l’évolution de la condition féminine dans la société calédonienne étape par étape. En France métropolitaine comme dans le reste du monde, la condition des femmes a beaucoup évolué ce dernier siècle. Retour, étape par étape, sur l’évolution de la place de la femme calédonienne dans la société.
Les politiques d’égalité, un lent développement
C’est vers la fin des années 70 que se font entendre les premières voix contestataires de la condition de la femme en Nouvelle-Calédonie, notamment avec la mise en place de la Délégation aux droits des femmes rattaché au Service des droits des femmes qui se fait le relais sur le territoire des décisions nationales et des lois adoptées pour la condition féminine.
A partir des années 90, le niveau d’éducation est plus élevé et participe à une prise de conscience de la situation des femmes. C’est le début de leur émancipation dans de nombreux domaines jusqu’alors réservés aux hommes. Les institutions déploient sur l’île des missions provinciales, dans le cadre des Accords de Matignon, afin de décentraliser leurs actions. Le développement de l’île favorise l’accès à l’emploi pour les femmes, qui deviennent de plus en plus qualifiées dans les administrations publiques et privées, mais aussi dans le secteur économique formel. Des associations féminines traitant des violences conjugales et sexuelles se créent.
Le boom économique, social, politique, institutionnel et culturel des années 2000 favorise l’implication des femmes dans la société, et leur permet de s’approprier leurs droits par le développement de l’ensemble du territoire. Des décisions politiques sont prises : la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes est créée au sein du gouvernement et un Observatoire de la Condition Féminine, qui vise à centraliser, produire et diffuser des données et des études sur la situation des femmes calédoniennes est mis en place en 2005.
L’engagement civique se développe également, non seulement par l’organisation des journées internationales de la femme en 2006 mais aussi par la création de nombreuses associations de femmes dans des domaines variés : violences, droits des femmes, et même création de petites entreprises et de marchés.
Entre 2011 et 2012, des institutions se dotent de commissions qui étudient la gouvernance des femmes calédoniennes. C’est le cas du Congrès et du Conseil Economique et Social de Nouvelle-Calédonie.
Le plafond de verre
Si des progrès sont à noter, les stéréotypes femmes-hommes persistent en Nouvelle-Calédonie, et ce dans toutes les communautés. Il a paru alors important de développer des politiques égalitaires et non-discriminantes sur plusieurs fronts, notamment juridiques. Aujourd’hui, les mariages forcés ou arrangés sont maintenant poursuivables en justice par la saisie non-seulement du droit commun, mais aussi des juridictions coutumières si l’intégration physique ou morale de la femme est atteinte. Dans la coutume kanak, la place de la femme est autant reconnue que celle des hommes, et ces dernières ont participés à l’élaboration du socle commun des valeurs kanak du Sénat Coutumier en 2013.
Malgré les nombreuses mesures juridiques, la Nouvelle-Calédonie connait une faible représentation de ses citoyennes dans les instances représentatives, notamment dans les entreprises. En 2013, l’usine Vale NC enregistrait seulement une femme directrice des ressources humaines dans une équipe de direction composée de 15 hommes. Et ce parce que malgré le développement de politiques éducatives, les femmes rencontrent plus de difficulté à l’embauche, notamment à accéder à des posts à responsabilité. La faute n’est pas à leur manque d’éducation ou d’accès à l’école : les statistiques montrent que les filles réussissent mieux les examens, notamment le baccalauréat où elles sont majoritaires à deux tiers dans les filières générales et technologiques pour un nombre de filles et de garçons scolarisés à peu près identiques. Pourquoi alors en 2013, seulement 9% des femmes ayant un emploi occupaient des posts de cadre, contre 11% chez les hommes ? Parce que les hautes fonctions restent destinées majoritairement aux hommes et le chômage, aux femmes. Celui-ci a même augmenté chez les femmes, alors qu’elles sont de plus en plus diplômées.
La faiblesse du système social
Outre ce plafond de verre professionnel, les femmes sont majoritaires dans les victimes de violences mentales et physiques. Le manque d’information sur la santé sexuelle dans les établissements scolaires et le tabou de la société calédonienne mènent à la multiplication du nombre d’IVG par deux en Nouvelle-Calédonie par rapport à la France métropolitaine. Et sur le nombre total de tentatives de suicides, deux tiers sont des femmes.
Pour le gouvernement calédonien, il ne s’agit pas d’un problème familial mais sociétal. Il est donc important à leurs yeux d’œuvrer dans la société civile comme dans le secteur privé pour face à la quantité inquiétante de violences que subissent les femmes calédoniennes. Ils peuvent compter sur le travail des associations, comme « Femmes et violences conjugales » ou « SOS violences sexuelles », qui ont intensifiés leurs actions, mais aussi par les centres d’accueil des femmes victimes de violences qui met en place un soutien moral et psychologique pour les victimes. Des accompagnements juridiques et sociaux sont proposés, combinés à une aide à l’insertion professionnelle et à l’accès à des logements d’urgences.
Le Caillou tente de mettre en place depuis plusieurs décennies des politiques égalitaires et de protéger ses citoyennes. De nombreuses femmes et les milieux associatifs, comme le collectif « Femmes en colère », dénoncent l’inaction et le silence des institutions.
En cette semaine du 8 Mai et de la Journée internationale des droits des femmes 2021, voilà une partie du bilan qui peut être dressé sur l’évolution de la place de la femme dans la société néo-calédonienne. Bien des choses ont changées depuis les années 70, et aujourd’hui la femme calédonienne s’affirme de plus en plus dans de nombreux domaines, tant en politique que dans les secteurs privés. Une avancée positive, à l’image de son peuple.