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Covid et bilinguisme : un autre casse-tête pour les parents

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Écrit par Bilinguisme avec le soutien de Suno.Space
Publié le 24 septembre 2020, mis à jour le 1 novembre 2021

Confinement, école à distance, complications pour se rendre dans son pays d’origine durant les grandes vacances, interactions diminuées avec d’autres enfants sont autant de paramètres qui, ces derniers mois, ont pu être un frein au développement d’une des langues parlées chez les enfants bilingues. Certains enfants, généralement les plus jeunes, ont été freinés dans leur apprentissage de l’anglais, dès lors que le français est la langue parlée à la maison. D’autres enfants, dans l’apprentissage du français ou d’une autre langue. Les parents ont dû redoubler d’efforts à tous niveaux. Le Petit Journal New York a mené l’enquête.

 

Parler français à la maison

« J’ai toujours parlé français à mon fils. Enseignante FLE, j’ai aussi créé une école de français il y a cinq ans, La Caravane FrancoFun. Nous avons continué les classes sur zoom et nous avons revu les amis francophones, avec masques et distance sociale, à partir de mai. Bien sûr, nous avons axé sur la lecture, les dessins animés et les films. Sans oublier la famille sur messenger » explique Madélia Bergeroo, maman d’un petit Sasha de 7 ans. Et de rajouter « nous parlons trois langues à la maison, anglais, français et russe ».

Durant le confinement, Audrey, la maman de Claudia, a privilégié les jeux ainsi que des exercices afin de garder et de développer le niveau de français de sa fille. De son côté Laurène Hamilton, maman de Jeremy, 4 ans, s’est davantage tournée vers des livres, en anglais, ainsi que des dessins animés, là encore en anglais. Selon l’âge de l’enfant, la langue à préserver n’est pas la même. Dans le cas de Laurène, où la langue parlée à la maison est le français, la crainte durant le confinement a été de perdre le niveau d’anglais de son fils. D’ailleurs, du haut de son jeune âge, Jeremy l’a concédé lui-même, après des semaines loin de l’école « Maman, le Covid m’a piqué mon anglais »...

Le confinement a aussi été l’occasion de mettre en place de nouvelles règles pour palier au manque de pratique, déjà réelle avant la crise sanitaire, d’une des langues, par l’enfant. Pour Stéphane, papa divorcé de Paul, 12 ans « l’idée a été d’introduire le plus de français possible à la maison. Dans notre vie d’avant, l’anglais était la langue officielle à la maison. Avec le confinement, j’ai davantage parlé en français à la maison, et nous avons pris l’habitude de regarder des films cultes en français. Finalement, avec beaucoup d’humour, ça passe ».

Du côté de chez Marina, maman d’un garçon de 11 ans, ces derniers longs mois ont aussi été l’occasion de remettre au goût du jour des films français et en français « le point positif est que regarder des films en français, m’a aussi fait un bien fou en cette période si difficile, en plus de l’immersion que ça a créé chez mon fils ».

Pour certaines familles, que l’anglais soit la langue officiellement parlée à la maison ou pas, l’EFNY, Éducation en français à New York, a été d’un grand secours comme le confirment Isabelle, maman de deux filles, ou encore les parents de Savio qui ont continué à distance ce programme francophone.

 

Les grandes vacances et la pratique du français

Traditionnellement, les grandes vacances sont aussi un lien fort à la langue française. Les vacances des petits expatriés prennent une dimension particulière par rapport à celles des leurs cousins de l’hexagone. Consciemment ou non, les grandes vacances sont souvent un moment de retour aux sources. On apprend d’où l’on vient, on se crée des souvenirs, des histoires de cousins, on façonne sa place dans le groupe familial que l’on voit une ou deux fois dans l’année… Tout cela passe par la langue commune, le français, qui pour être la langue familiale n’est pas pour autant celle qu’utilise spontanément l’enfant quand il retrouve l’école et les États-Unis. Mais avec la fermeture des frontières et les complications de voyages, nombre de petits expatriés n’ont pu retourner dans leur pays d’origine. Compliquant davantage l’apprentissage du français, ou tout simplement de parler la langue de Molière en continu plusieurs semaines durant.

La lecture pourrait alors être un outil de préservation du niveau de français, ou d’apprentissage. Mais voilà, si certains enfants aiment les livres en français, les petits expatriés ou bi-nationaux ont généralement tendance à privilégier la lecture en anglais.

« La petite lit seulement en anglais. Mais nous lisons des livres en français à haute-voix tous les soirs. Nous écoutons aussi de la musique et des livres audio de l’école. Les films et l’émission C’est pas sorcier aident » explique une maman de deux fillettes.

Madélia Bergeroo, maman de Sasha, 7 ans,  détaille « pour être précise, il préfère lire en anglais car il a  plus de facilités, il aime que je lui lise en français et son père en russe. Pendant la pandémie, et encore maintenant, la difficulté est de se procurer des livres en français et russe... »

Pour les parents, la lecture resterait un outil central dans l’apprentissage des langues, quelles qu’elles soient « la lecture est un moteur pour la pensée, l’orthographe et le vocabulaire. Nous insistons sur les livres en français depuis tout petit et nous lisons ensemble » explique un parent.

Marina, maman d’un garçon de 11 ans rajoute « chez nous, la lecture est une activité familiale. Étant une lectrice assidue, je pense que c’est naturellement que mon fils lit énormément. Spontanément, il choisit des livres en anglais. Je ne veux pas le forcer à lire en français, je ne veux pas que ça devienne une corvée. Aussi, je ruse ! Je pose ça et là des livres en français, plutôt des bandes dessinées, que je lis moi-même en me marrant. Du coup, ça aiguise la curiosité de mon fils, qui va aussi vouloir lire ce livre en français histoire de se marrer aussi. Techniques de maman » conclue-t-elle en riant.

 

Une flexibilité dans la manière de penser

Le bilinguisme est une chance et un trésor à préserver et à développer. Au-delà de pouvoir s’exprimer dans deux langues, il façonne l’esprit et développe les capacités de l’enfant. La recherche scientifique est très claire en ce qui concerne l’importance de la langue maternelle pour le développement, tant général qu’éducationnel des enfants bilingues. Le bilinguisme a une influence positive sur le développement langagier et éducationnel des enfants. Quand les enfants poursuivent le développement de leurs compétences en deux ou plusieurs langues pendant les premières années de scolarité, ils obtiennent une profonde compréhension de la langue et de comment celle-ci peut être utilisée avec efficacité. Les enfants qui débutent leur scolarité avec une base solide dans leur langue maternelle, développent de plus grandes capacités à lire dans la langue qui est employée à l’école. « En ce qui concerne l’élargissement du champ notionnel des enfants et du développement de leur aptitude à penser, les deux langues sont interdépendantes. Le transfert d’une langue à l’autre se fait dans les deux sens. » explique Jim Cummins, professeur à l’Ontario Institute for Studies in Education de l’Université de Toronto . Et de conclure « la langue maternelle des enfants est fragile, et est facilement perdu lors des premières années d’écoles ».

Aux parents de redoubler d’efforts quand l’accès à un enseignement bilingue est compliqué ou que la pratique de la langue maternelle est ralentie. Force est de constater que les livres sont d’un incroyable secours.

 

Pour acheter, vendre ou donner des livres pour enfants dans différentes langues

 

Article rédigé par Rachel Brunet, directrice et rédactrice en chef du Petit Journal New York