Finaliste des trophées de New York du petitjournal.com, Tiphaine Martin, chercheuse et scientifique a souhaité se tourner vers les autres et les rencontres pour élargir ses compétences et connaissances. Travaillant notamment au CNRS en bioinformatique, elle a fait des recherches contre le cancer avant d’accompagner des chercheurs dans la rédaction de leur thèse au Mont Sinaï à New York. Portrait.


Dès son plus jeune âge, au cœur du jardin de ses parents, Tiphaine Martin est intriguée par ce qu’il l’entoure. La terre, les insectes, les feuilles, l’espace, rien ne lui échappe. Pour elle, son intérêt et la passion pour la science qui l’anime, viennent de là. Ses grands-parents étaient fermiers, son père aussi avant de devenir enseignant dans un lycée agricole. Tiphaine ne vient pas d’un milieu scientifique et pourtant c’est bien dans cette voie qu’elle va se diriger. Sa grande sœur lui a ouvert le chemin, en entrant dans une prépa scientifique, « J’ai découvert les possibilités de débouchés en école d'ingénieur ou en recherche supérieure. Elle m'a montré qu’il était possible de postuler au concours d'ingénieur et qu’il était possible de réussir ».
Sur les traces de sa sœur, Tiphaine Martin se lance dans des études d’ingénieur et entre à l’INSA à Lyon en intégrant - après la prépa - la première promotion de la spécialité bioinformatique et modélisation. Tiphaine Martin est passionnée par l’informatique et les mathématiques, se découvrant également des facilités dans ces domaines.
Sans avoir besoin de faire de choix dans sa spécialité, la native de la région Val de France a pu complètement s’épanouir, « Tout me plaisait. Je réalise maintenant plutôt que j’ai tout le temps besoin d’être stimulée. Il me faut de la complexité. Ce master là me donnait plus d'opportunités au fur et à mesure.»
La pluridisciplinarité comme fil rouge de sa carrière
Ce qui l’anime par-dessus est le côté interdisciplinaire de son métier de chercheuse. « C'est le désir d'apprendre et d'utiliser des expertises de différents domaines. »
Tiphaine Martin va à l’encontre du chercheur traditionnel qui se spécialise dans un domaine particulier. Elle navigue un peu partout afin d’étendre son champ de compétence et d'expertise. Elle se nourrit de tous les échanges et interactions qu’elle peut avoir avec des personnes différentes pour son travail. « C'est souvent des interactions entre des personnes qui n'ont pas le même point de vue sur la problématique, mais qui ont l'intérêt de résoudre. »
Pendant dix ans, Tiphaine Martin a travaillé pour le Groupement de Recherche Génolevures du CNRS, notamment au sujet de la bioinformatique, Genoveur, référence internationale en génomique comparative en levures, avant d'être détachée. Manquant de mathématiques dans son travail, elle réalise un doctorat au Royaume-Uni dirigé vers ce domaine ainsi que la machine learning, l’IA et la big data.
« Le gros problème, c'est qu'il y a beaucoup de femmes qui ont un cancer détecté trop tard et qui est trop agressif ».
Ce qui lui plaît c’est de rencontrer et d'échanger au sein d'univers différents. « Il n'y a pas de frontière intellectuelle, ni de frontière d'origine ».
La recherche contre le cancer, une quête personnelle
Au fil de sa carrière, elle se tourne vers le domaine médical afin d’apporter des résultats plus rapides aux patients. En perdant plusieurs membres de sa famille à cause du cancer, Tiphaine Martin cherche des réponses dans la recherche contre cette maladie. «Je voulais que toutes mes interrogations, mes désirs de réponses aient maintenant une plus grande affinité au résultat plus rapide pour les patients.»
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Tiphaine Martin travaille sur la prévention des cancers, pour les détecter plus tôt comme pour le cancer de l'utérus, qui est d’autant plus complexe à identifier. «La difficulté pour les gynécologues, c'est que les symptômes de l'endométriose, des fibromes et des cancers sont les mêmes ».
D’après elle, les cas de cancers chez les femmes sont détectés bien trop tard, ce qui explique les stades avancés de la maladie, « Il y a une sorte de banalisation depuis longtemps, que les douleurs des femmes à cause des règles, ce n’était rien, ce n’était pas grave. Le gros problème, c'est qu'il y a beaucoup de femmes qui ont un cancer détecté trop tard et qui est trop agressif ». Les chances de survie du cancer de l'utérus n'évoluent pas assez selon elle, alors que les cas de décès ne cessent d’augmenter.
Une expatriation qui a enrichit ses recherches
Ses années à l’étranger en Australie, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis l’ont aidé à s’ouvrir à différentes manières de percevoir le travail. Elle apprécie notamment la culture d’essayer, d’entreprendre au risque d’échouer, aux Etats-Unis. « Là bas, c'est essayer, plante-toi, mais apprends de ton échec. Ce n'est pas considéré comme un échec, mais juste une leçon. C'est l'avantage de travailler dans différents pays. Nous apprenons mieux sur qui nous sommes, ce que nous aimons dans notre culture d'origine.»
Chercheuse et assistant-professeur au Mount Sinai à New York
Aujourd’hui, Tiphaine Martin donne des cours à d’autres chercheurs, au Mont Sinaï, hôpital universitaire de New York. «J'ai envie de redonner ce qu'on m'a donné. Ce sont les opportunités que j'ai eues et les connaissances.» En les accompagnant pour leurs thèses, elle partage, entre autres, son expertise en analyse de Big Data.
Marraine d’Olympia pour les femmes, elle intervient auprès de lycéennes françaises. « J'échange avec elles pour définir un projet et je les accompagne dans la réflexion scientifique. Je leur donne aussi des conseils pour postuler pour des universités. Si je peux aider des jeunes femmes ou des personnes d'autres horizons à se dépasser, à prendre le courage de faire la première étape, c'est la bonne chose ».
Tiphaine Martin est reconnaissante d’avoir pu figurer parmi les finalistes des Trophées de New York, du petitjournal, dans la catégorie Éducation, « Cela fait très plaisir et veut dire que je réalise des actions reconnues par un public que je ne connaissais pas. En même temps, cela m’encourage pour que je continue. En donnant à un moment ou un autre, il y aura un retour et peut-être de manière inattendue. »
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