Loubna Slimi Pichard a tenté plusieurs carrières avant de trouver sa voie et revenir à la source. En plus de lancer avec son mari, les restaurants St Tropez Wine Bar et Mino Brasserie, l'entrepreneuse a voulu relier Atlantique et Méditerranée dans un voyage très personnel. Avec sa marque Zouz In, elle invite l'art de la table et l'hospitalité tunisiens à New York : "La Tunisie est attachante parce qu'elle se distingue par des traditions uniques et profondément ancrées dans son héritage, notamment dans les arts de la table et l’hospitalité ".
Comment êtes-vous arrivée aux Etats-Unis?
Je suis arrivée aux États-Unis il y a 10 ans en tant qu'épouse expatriée, après avoir déjà vécu en Suisse et en Inde. En 2014, j'ai rejoint mon mari dans le cadre d’un transfert international au sein de la compagnie pour laquelle il travaille, sous un visa L2 Spouse. Comme c'est souvent le cas pour les expatriés arrivant aux Etats-Unis, je vous parle tout de suite de papiers d'immigration ! Mon expatriation avait commencé avant cela en Suisse, où je travaillais dans la banque privée, puis en Inde, où je me suis formée à la décoration d’intérieur.
Comment vous est venue l’idée de Zouz in ?
J’ai exploré plusieurs professions, certaines très brièvement et d’autres plus longuement, comme celle d’agent immobilier. J’ai beaucoup appris au contact de la clientèle américaine. C’est un métier qui demande une entière dévotion, ce qui devenait difficile à concilier avec mon rôle de maman de jumeaux.
J’ai ressenti un besoin viscéral de me réaligner et de revenir à mes passions et mes racines. Je me suis donc tournée vers la Tunisie... L'idée a vraiment pris forme lorsque j'ai réalisé que, lors de discussions avec des Américains, je devais souvent remettre le pays sur la carte.
J'ai alors entamé un long travail sur moi-même, accompagnée d'une coach personnelle et en participant aux ateliers She for S.H.E., pour définir mon projet et passer à l’action. C’est ainsi que ZOUZ IN a vu le jour!
Dans l’artisanat tunisien, comme dans les chaumières, ce sont les femmes qui alimentent la communauté de leur savoir-faire et de leur force de travail.
Quelle est la particularité de la Tunisie pour les arts de la table et de l’hospitalité ?
La Tunisie est attachante parce qu'elle se distingue par des traditions uniques et profondément ancrées dans son héritage, notamment dans les arts de la table et l’hospitalité ! Le peuple tunisien est chaleureux. On t’accueille toujours avec des embrassades, à boire et à manger ! Il faut toujours prévoir la cuillère en trop dans ton assiette, tu sais, celle qui arrive après que tu aies dit que c’était suffisant.
La Tunisie est riche d’une combinaison d’influences arabes, berbères, andalouses et méditerranéennes. Ces influences se retrouvent notamment dans la céramique, surtout celle de Nabeul, où l’économie locale en dépend en grande partie. Traditionnellement, les plats tunisiens sont servis dans des poteries en terre cuite, par exemple.
Dans l’artisanat tunisien, comme dans les chaumières, ce sont les femmes qui alimentent la communauté de leur savoir-faire et de leur force de travail.
De la même manière qu’elles sont nourricières dans les foyers, ce sont aussi elles qui jouent un rôle essentiel dans l’artisanat tunisien, puisqu’elles représentent plus de 80% des effectifs des filières de l’artisanat aujourd’hui.
Dans la région du nord-est, à Sejnane par exemple, il y a un groupement de femmes potières, dont le savoir-faire, transmis de génération en génération, consiste à créer des poteries en terre cuite en utilisant des techniques écologiques ancestrales. Ce travail a été reconnu par l'UNESCO en 2018, dans le patrimoine immatériel de la Tunisie.
En plus de la poterie en terre cuite, le bois d’olivier et les fibres naturelles sont des matériaux privilégiés dans l’artisanat tunisien. Prenons l'exemple des oliviers: ils contribuent à l'économie tunisienne de plusieurs façons. Les olives permettent de produire de l'huile, tandis que les noyaux servent de combustible pour les poêles à bois. Une fois que l’arbre cesse de produire, les troncs sont utilisés pour créer de magnifiques objets artisanaux, comme ceux que vous pouvez découvrir sur mon site. C’est cet héritage et ce sens du partage que je souhaite mettre en valeur avec ZOUZ IN
L’ambiance et la cuisine dans les restaurants que j'ai ouverts avec mon mari et nos associés reflètent clairement cette joie de vivre méditerranéenne
Est-ce quelque chose qui se traduit aussi dans les deux restaurants que vous tenez avec votre mari ?
L’ambiance et la cuisine dans les restaurants que j'ai ouverts avec mon mari et nos associés reflètent clairement cette joie de vivre méditerranéenne. St Tropez Wine Bar partage l’idée de savourer des petits plats qui sentent bon le Sud, tandis que Mino brasserie accompagne des classiques revisités avec un bon vin italien !
Comment définiriez-vous la communauté tunisienne à New York?
Tout d’abord, la diaspora tunisienne en Amérique du Nord compte environ 85.000 individus, principalement répartis entre Montréal, Ottawa et New York !
La communauté à New York n’est donc pas très grande et reste assez discrète. Je fais partie de plusieurs groupes Facebook épars et feutrés, mais je n’ai pas encore trouvé celui qui fait mouche… Il y a peut-être quelque chose à faire dans ce domaine d’ailleurs !
Mon audience est donc composée, d’une part, des communautés tunisienne et française qui sont très importantes à mes yeux et dont je recherche les retours et le soutien; d’autre part, et surtout, je cherche à intéresser la communauté américaine, avide de découvrir des nouveautés méditerranéennes, en mettant en avant le savoir-faire tunisien, alliant héritage et modernisme. Cela me représente bien aussi, personnellement !
Quels sont vos projets pour Zouz in?
Pour l’instant, mon objectif est de faire connaître ZOUZ IN et d’établir la marque.
J’ai organisé mon premier événement le 21 septembre à Mino Brasserie pour se rencontrer dans un cadre convivial autour de petites douceurs. C'était l'occasion idéale de découvrir les articles en vrai et de toucher les matières. J'ai également lancé une newsletter mensuelle en septembre.
Je travaille bien sûr à augmenter les ventes afin de développer la gamme de produits et d'apporter un peu de cette chaleur tunisienne dans les foyers américains (je ne dis pas qu'elles en manquent, attention ha). En tant que créative, j'ai toujours plein de belles idées en tête et dans mon carnet de croquis :)
Et si je me permets de rêver plus grand, j'aimerais lancer plusieurs autres lignes de produits, notamment dans le domaine du gourmet, en vraie épicurienne que je suis! Je rêve même d’ouvrir un café-store.
[J'y pense sérieusement, ça vous surprend? Affaire à suivre... et peut-être qu'une levée de fonds sera nécessaire pour y arriver!]