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Chez Vous, Sans Moi : Chez Agnès de Villarson, Artiste Florale

Confinement new yorkConfinement new york
Chez l’artiste florale, Agnès de Villarson
Écrit par JC Agid
Publié le 24 avril 2020, mis à jour le 25 avril 2020

Lorsque le printemps éclot à Manhattan, des bancs de tulipes fleurissent à chaque intersection de Park Avenue. Non loin, dans Central Park, le festival rose et blanc des cerisiers centenaires attire touristes et new-yorkais. L’aube du Printemps offre chaque année un spectacle dans lequel la nature se présente triomphante. Pour l’artiste florale, Agnès de Villarson, c’est la promesse d’une saison fournie et chargée de galas new-yorkais, de mariages et de conseils d’administration qui sont autant de commandes de fleurs.

 

Merci de ne pas m’inviter chez vous Agnès de Villarson. Y a-t-il des fleurs dans votre salon en ce moment ?

J’ai confectionné un bouquet de lilas et de tulipes jaune vif, comme un reflet de soleil bien nécessaire car on trouve en ce moment beaucoup d’amour chez moi mais aussi de l’anxiété que ces fleurs viennent apaiser.

 

Une anxiété liée au travail ou au confinement lui-même ?

Nous vivons à quatre dans un appartement avec un bébé de moins d’un an, un enfant de 15 ans, une jeune femme de 23 ans, moi-même, notre petit chien Napoléon et un lapin que nous appelons ‘Monsieur Lapin.’ Ce n’est toujours pas facile de vivre, serré, en communauté avec tant de générations, de rythmes et habitudes différentes quand on n’en n’a pas l’habitude.

 

Comment se déroulent vos journées ?

L’école en ligne de mon fils rythme sa journée. De mon côté, je travaille. Nous nous retrouvons tous ensemble trois à quatre fois par jour pour les repas, le goûter et des jeux de société que nous avons tous ressortis.

 

Quelle a été la conséquence directe du confinement pour votre atelier ?

Je me suis retrouvée dans mon studio floral avec 3000 tulipes, anémones, renoncules, orchidées, clématites et pois de senteurs inutilisables. Ces très jolies fleurs de printemps devaient être la base de 80 bouquets pour un grand client. La veille, à 8 heures du matin, il me confirmait le maintien de leur événement ; trois heures plus tard, tout était annulé. Dans la même journée, d’autres clients, des boutiques de marque sur Madison Avenue, à leur tour, m’annoncent l’annulation de cocktails et de soirées de lancement de produits. Nous avons tous été pris de court.

 

Agnès de Villarson

 

Que sont devenues toutes ces fleurs ?

Il n’était pas question de les jeter. Je souhaitais d’abord les offrir dans les hôpitaux et les maisons de retraite, et j’ai vite découvert que ce n’était pas possible. Alors j’ai appelé mes voisins et amis et je leur en ai fait cadeau.

 

Une fois ces 3000 fleurs distribuées et sans client, vous avez dû mettre votre entreprise en sommeil ?

En pensant le faire pour deux semaines. J’ai commencé par demander à mes employés de rester chez eux en décidant de continuer à les payer. Ils ont toujours été présents. C’était à mon tour d’être loyale envers eux. J’espérais aussi, comme beaucoup, que l’épidémie à New York pourrait être contenue rapidement. Sans client, j’en ai profité pour ranger mes dossiers et faire tout ce que je repoussais sans cesse au lendemain dans le passé.

 

Et maintenant ?

On finit par accepter que cette situation puisse durer. Il faut donc concevoir des scénarios pour être prêt lorsque la vie sociale et économique reprendra.

 

Et des alternatives professionnelles adaptées au chacun chez soi ?

J’ai constaté tout autour de moi que les personnes se démènent pour rester actifs et lancer des initiatives formidables. Le mouvement crée le mouvement, et j’ai eu moi-aussi envie de participer à une nouvelle forme de vie économique.

 

Comment ?

J’ai beaucoup vu sur Instagram les images navrantes de fleurs ramassées à la pelle et jetées à la poubelle. J’ai pensé aux producteurs locaux. Ils ne peuvent pas empêcher leurs tulipes de pousser dans leurs champs et eux aussi font face à un drame économique. Toujours sur Instagram, je postais des photos récentes de bouquets ; j’essayais de fleurir Instagram. J’ai reçu en retour beaucoup de commentaires. Tous évoquaient un manque ou un désir de fleurs. J’ai mis en commun tout cela—des fleurs locales qui ne trouvaient plus d’acheteurs, mon besoin de travailler et une demande de bouquets—et j’ai proposé un service d’achat par abonnement, dans un premier temps à mes amis et clients tout en respectant des mesures sanitaires strictes.

 

En quoi les fleurs sont-elles essentielles ?

C’est une découverte. Spontanément on peut penser qu’elles ne font pas parties des commerces essentiels. Mais les fleurs sont en fait un petit luxe exceptionnel, un des plaisirs de la vie auquel les gens n’ont pas envie de renoncer en ce moment. Cela me donne beaucoup d’espoir professionnel. Mais surtout, cela me remplit de joie car il s’agit de beauté.

 

Agnès de Villarson

 

Quelles sont les réactions de vos nouveaux clients ?

Ils m’envoient des photos des bouquets installés chez eux et des mots particulièrement touchants dont celui-ci : ‘La beauté du plissé de cette fleur !!! Petites choses et grands plaisirs !!!’ Un autre mot évoque les enfants qui ont remarqué la présence de fleurs.

 

Le 1er mai approche. Tradition française oblige : celle du muguet. Est-ce que vous en proposerez à vos abonnés ?

Bien sûr et du muguet américain que je trouve dans une ferme du New Jersey.

 

En quoi ce brin de fleur, qui n’apparait qu’aux alentours du 1er mai, compte tant ?

Le muguet est une fleur éphémère, la fleur d’un jour. C’est un parfum tellement particulier, unique, impossible à bien reproduire. C’est une fleur divine, un message d’amour avec une touche de bonheur.

 

Pour en découvrir davantage sur Agnès de Villarson

Interview disponible en anglais