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Alain Licari photographie les migrants et les minorités américaines

Immigration aux USAImmigration aux USA
Credit Photo : David Duchon-Doris
Écrit par Portraits d’Hommes par de Tilly Real Estate
Publié le 4 novembre 2019, mis à jour le 8 novembre 2019

Alain Licari est un photographe français. Expatrié depuis 2015 à New York, son terrain de jeu se situe davantage à l’intérieur des États-Unis, et de part et d’autre de la frontière avec le Mexique. Il le dit lui-même, il est un « photographe de la limite ». Il fait partie des 30 hommes mis en avant par notre notre édition dans le cadre du « Mois de l’Homme ».

 

Au coeur des phénomènes sociaux

Lyonnais d’origine, le photographe Alain Licari est installé à New York depuis 4 ans. Même si la ville est photogénique, pour lui, pas de photographie urbaine. La beauté d’une ville, d’un paysage, ne l’intéresse pas. Son travail est un savant mélange de photographie artistique et de plongée au coeur de phénomènes sociaux. La démarche artistique d’Alain Licari frôle l’observation participante, avec une ambition : rendre compte de ce qu’il voit, de ce que les gens lui confient, de leurs choix, mais parfois aussi de leur souffrance. Il sort de sa propre zone de confort pour mieux appréhender la vie inconfortable et parfois dangereuse des minorités. En 2016, il réalise son premier road trip à travers le pays et se passionne pour l’Amérique profonde. Il y découvre la pauvreté couplée à la dignité dans le Midwest ou en Californie. Il découvre aussi le désarroi, la peur et le rêve d’une vie meilleure lorsqu’il longe la frontière avec le Mexique. 

En se rendant à Tijuana, il va voir le mur. « C’était une véritable émotion, j’ai été complètement bouleversé de voir les deux univers ». Avec son passeport français et un visa pour les États-Unis, il a la possibilité de passer d’un côté à l’autre, sans aucun problème, de photographier et d’échanger avec les migrants qui veulent « passer de l’autre côté » pour le simple fait de sauver leur vie. De cette expérience au Mexique - il y retourne souvent - il tire sa série « Your Wall Our Lives ». Cette série en noir et blanc - l’empreinte d’Alain Licari - rend compte de la migration des populations sud et centre américaines qui fuient la mort, et dont la seule motivation est de passer la frontière, dans l’espoir d’une vie meilleure au pays de l’oncle Sam. C’était sans compter l’élection de Trump, le durcissement des contrôles aux frontières, et ce si controversé mur qui secoue l’Amérique. On lit dans le travail d’Alain, toute l’humanité de ces migrants et toute l’inhumanité à laquelle ils doivent faire face.

Si Alain Licari photographie la limite physique, la frontière, les grilles, le mur, il photographie aussi la limite sociale. C’est dans le Kentucky qu’il a pu explorer un des nombreux « trailer parks » des USA. Il le précise « aux États-Unis, plus de 20 millions de personnes vivent dans un mobile home et dans une situation de précarité ». À Louisville, Jim et Carol lui ont ouvert la porte de leur modeste habitat. Entre démarche artistique et observation participante, il a pu les photographier chez eux et ainsi rendre compte de cette limite que des millions d’Américains subissent. Ils ne sont tout à fait sans domicile, mais loin de mener une vie sereine. Alain Licari ne peut s’empêcher de se poser la question « est-ce qu’ils font partie des plus pauvres à avoir voté pour Trump? ». Sa série « I Live In A Trailer Park » dépeint le quotidien de cette classe pauvre et désœuvrée, mais qui a pourtant travaillé toute sa vie. Et c’est en toute humilité et avec beaucoup de respect qu’il le dit « ils m’ont laissé rentrer chez eux ».

En continuant sa route vers l’Ouest, il a encore rencontré - ou du moins est allé chercher - la limite qu’il a admirablement retranscrit dans sa série « Blowing in the wind ». C’est à Slab City, ancien camp militaire de Californie, qu’il a rencontré Dia, ses deux enfants et leur chien. Là encore, Alain Licari a photographié cette limite qui force des familles à vivre dans leur voiture. Et pour pousser son travail artistique jusqu’au bout, il a pris place dans leur van et les a suivi dans leur périple. La série est tant époustouflante que troublante.

Immigration USA

 

Faire entendre ce que les gens lui confient

Le travail d’Alain va au-delà des séries photographiques qu’il développe puisqu’il veut un « après la photo ». Il ne cherche ni la pauvreté, ni la misère, il souhaite, au-delà du rapport esthétique de son travail, faire entendre ce que les gens qu’il photographie lui confient. Ces personnes, souvent en détresse lui font confiance en lui donnant leur image et des morceaux de leur histoire. Et c’est bien ce qu’Alain Licari souhaite faire entendre, sans sensationnalisme mais avec pudeur et humanité. Il veut rendre compte de cette limite, et il le fait admirablement bien.

Le travail d’Alain Licari ne laisse pas insensible et les galeries l’accueille de plus en plus souvent. L'été dernier, il a exposé en Arles dans deux galeries différentes. « La galerie du Hérisson IV exposait ma série "Tierra Prometida. Mineros de Bolivia" qui montre les conditions de travail des mineurs boliviens dans les mines de Potosi et de Porco situées à plus de 4000 mètres d'altitude. » précise le photographe. La galerie La Place des Photographes a exposé la série « Blowin'in the Wind ». Cette série a gagné le Prix du Public organisé par la galerie et Fuji France ainsi que le 1er Prix Compétence Photo.

En octobre, sa série « Me dice El Migrante » a fait partie de l'exposition collective « Immigrant » organisée par la Soho Photo Gallery, à TriBeCa. « Cette série retrace en une dizaine de photos la route des migrants d'Amérique centrale et d'Haiti qui vont vers le nord du Mexique avec l'espoir d'arriver aux États Unis » rajoute Alain Licari. Cette série était aussi exposée à la galerie L'Angle Photographie à Hendaye.

En novembre, sa série « Your Wall. Our Live » fera partie de l'exposition collective  « Mediterraneo. Fotografie tra Terre e Mare » qui se tiendra à Naples, en Italie. « Cette série est le fruit d'un voyage de près de deux mois le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, et le mur en est le personnage principal ».

 

Un grand merci Cher Alain d’avoir pris part à cette aventure du « Mois de l’Homme » du Petit Journal New York.

 

Pour découvrir le travail d’Alain Licari

 

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Article rédigé par Rachel Brunet - Rédactrice en chef