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Kamala Harris et Donald Trump : deux stratégies opposées à l’approche des élections

À deux semaines du résultat des élections présidentielles américaines, le 5 novembre 2024, lepetitjournal.com est revenu sur l’évolution des stratégies de communication de Kamala Harris et Donald Trump depuis le début de la campagne électorale. D’un côté, la position claire et assumée de Donald Trump pour satisfaire son électorat, de l’autre, le grand écart de Kamala Harris pour gagner des voix.

Kamala Harris Donald TrumpKamala Harris Donald Trump
Écrit par Jean Bodéré
Publié le 23 octobre 2024

Le jour du verdict approche à grands pas. Après des mois de campagne électorale, Kamala Harris ou Donald Trump sera nommé successeur de Joe Biden à la présidence des États-Unis le 5 novembre 2024. Alors que la longue bataille entre la vice-présidente et l’ancien président de la République touche à sa fin, lepetitjournal.com se penche sur les stratégies des deux candidats pour s’octroyer plus d’électeurs que leur concurrent. Entre le ton, la cible, les thèmes de campagne et la présence dans les médias quels sont les moyens utilisés pour remporter cette élection présidentielle ?

 

Donald Trump : « celui qui pourra sauver les Américains »

Pour se démarquer de sa concurrente, Donald Trump adopte un ton direct, populiste et souvent provocateur, favorisant un langage simplifié, conçu pour toucher les émotions de ses partisans et mobiliser leur soutien en créant la polémique. Sa stratégie repose sur l'attaque constante de ses adversaires, des médias et même des institutions telles que le système judiciaire. Ses slogans percutants, comme "Make America Great Again" (MAGA), encapsulent son message de manière simple et efficace, véhiculant un appel au nationalisme et au retour à une grandeur perdue. Sa stratégie n’a que très peu évolué depuis le début de la campagne selon Romuald Sciora, essayiste, politologue et documentariste franco-américain qui note que « Donald Trump se positionne comme celui qui pourra sauver les Américains de la déliquescence intérieure ». Un positionnement fort qui lui permet de « galvaniser une base électorale fidèle » selon l’essayiste.

 

 

 

Les différentes stratégies de Kamala Harris depuis le début de campagne

Au contraire, Kamala Harris a changé de stratégie au cours des derniers mois. La vice-présidente a « bénéficié de l'effet nouveauté puisque les Américains ne la connaissaient pas » explique Romuald Sciora. Marginalisée les premiers mois, « sa stratégie a été de lui donner une stature, non pas présidentielle, mais de femme au courant des grandes affaires, à l'écoute de la population, et surtout d’une personnalité sympathique, souriante comme étant la bonne copine » précise le réalisateur.

 

 

 

Contrairement à Donald Trump, Kamala Harris adopte un ton plus institutionnel et inclusif et cherche à unifier les électeurs autour de thèmes fédérateurs, mettant l'accent sur la diversité et l'inclusion. Son style de communication est moins conflictuel, avec un effort pour expliquer les politiques publiques. Mais cette approche a montré ses limites : « Aujourd'hui, les Américains attendent plutôt une stature présidentielle ».

 

« Il y a eu un virage à 90° vers une "Angela Merkel-isation" du personnage Kamala Harris »

 

Des profils d’électeurs bien différents pour Donald Trump et Kamala Harris

Il faut dire que l’électorat de Kamala Harris est bien moins fidèle que son concurrent et doit osciller pour satisfaire la droite modérée et la gauche. « Il s’agit d’un grand écart très difficile à maintenir et à gérer » témoigne le directeur de l'Observatoire politique et géostratégique des États-Unis de l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques). Son corps de cible est donc plutôt les minorités ethniques, les jeunes, les femmes et les progressistes modérés. Son message central repose sur l’inclusion et l’égalité raciale. Malgré cela, Romuald Sciora souligne la fragilité de cet électorat :

« Elle a un électorat très fragile... Elle peut gagner l'élection, mais il est quasi impossible de faire des pronostics sérieux. »

 De son côté, Donald Trump cible principalement les électeurs blancs de la classe ouvrière, les conservateurs et les populistes, en particulier dans les États clés du Midwest. Mais sa rhétorique populiste divise souvent l'électorat, créant une dichotomie entre "nous" (les Américains ordinaires) et "eux" (les élites et les étrangers). Selon Romuald Sciora, « Trump 2024 est très différent de 2016 ou 2020. Il croit en ce qu'il dit et est devenu l'incarnation de ce qu'il représente, des idées très radicales mais également tournées vers le social. » Il jouit aussi d'un soutien plus solide de la part du parti républicain aujourd'hui, avec « 99 % de soutien », un contraste avec ses campagnes précédentes.

 

Les thèmes de campagnes diamétralement opposés

Les thèmes centraux de Donald Trump au cours de la campagne électorale incluent l'économie, l'immigration et la sécurité intérieure. Il se positionne en défenseur des industries américaines et en adversaire de l’immigration illégale. Sur le plan international, « il se vante comme étant le président durant le mandat duquel il n'y a eu aucun conflit international et qui pourrait régler la guerre en Ukraine en 24h ou le conflit au Proche-Orient en quelques jours » souligne le politologue. Cette approche unilatérale et autoritaire renforce son image d'homme providentiel, capable de prendre des décisions radicales pour « le bien des États-Unis ».

 

 

 

Kamala Harris axe sa campagne sur des questions de justice sociale, de changement climatique et de droits civiques. Mais « elle doit en permanence avoir dans sa poche les républicains modérés tout en ne perdant pas la gauche du parti démocrate » selon Romuald Sciora. L’essayiste insiste sur la nécessite de récupérer un minimum de l'électorat arabo-musulman, notamment « en Pennsylvanie et Michigan où l'élection va se jouer littéralement à quelques milliers de voix ». Pour cela, « sa position sur Gaza pourrait faire la différence », explique-t-il, mais précise aussi qu’une telle prise de position « pourrait aussi lui faire perdre son électorat conservateur ».

 

L’importance des réseaux sociaux pour Donald Trump, moins pour Kamala Harris

L’un des fers de lance de la communication de Donald Trump est les réseaux sociaux où il excelle. Notamment sur X (anciennement Twitter) et Truth Social, son propre réseau où il diffuse des messages percutants et polarisants. « L'ultra-présence de Trump sur les réseaux sociaux ne pourra que lui servir » précise Romuald Sciora. Ses apparitions promotionnelles sur les plateformes de médias sociaux, comme une récente interview de deux heures sur X avec son fidèle soutien Elon Musk, atteignent des millions de personnes. Cette stratégie lui permet de capter l'attention médiatique, de renforcer son discours populiste et de fidéliser une audience et donc son électorat.

Kamala Harris est beaucoup moins présente sur les réseaux sociaux et préfère un style plus mesuré, privilégiant les formats traditionnels comme les débats télévisés et les interviews. Mais, la candidate possède aussi une certaine audience sur les réseaux sociaux, malgré elle. En effet, ses faits et gestes sont suivis de près puis relayés par ses fans qui la mettent en avant comme avec la trend “Kamala is bratt” (Kamala est une sale gosse), lancée par la chanteuse Charlie XCX. En moins de 48 heures, la publication de la chanteuse a récolté plus de 313.000 likes et a été visionné par près de 55 millions de personnes avant que des milliers. Depuis, des milliers de chorégraphies et des vidéos avec le hashtag #Brat sont partagées en masses par de jeunes utilisateurs.

 

 

 

Pourtant, « Kamala Harris est aujourd'hui dans une pente perdante et doit absolument redresser la barre » explique Romuald Sciora. Une révision complète de sa stratégie semble pourtant difficile, voire risquée : « La seule chose qu'elle peut faire, c'est rafraîchir le ton ou la forme de ses discours, mais changer de stratégie pourrait lui faire perdre des voix soit à gauche, soit à droite », estime-t-il. 

 

Image publique et positionnement

Romuald Sciora estime « sans aucun doute que cette campagne électorale est la plus importante de l'histoire des États-Unis depuis 1860 ». Donald Trump se présente comme un homme du peuple, défiant les élites politiques et médiatiques, même après avoir occupé la présidence. Il se positionne en outsider, un rôle qu'il continue d'incarner efficacement malgré son mandat précédent. Kamala Harris se positionne plutôt comme une leader compétente et expérimentée. Elle incarne la diversité et le progrès dans la politique américaine, mais elle doit encore convaincre un électorat divisé.

 

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