Installée à Montréal depuis 2016, cette ex-reporter internationale devenue autrice, metteuse en scène et comédienne milite désormais pour une meilleure visibilité du théâtre amateur francophone dans la métropole. Avec sa troupe Esprit du Tilleul, elle joue, écrit, transmet, tout en cultivant une forme de liberté professionnelle retrouvée. Portrait d’une femme engagée entre deux langues et deux passions.


Du G7 aux planches : une bifurcation assumée
« J’ai quitté Bloomberg après vingt ans, dont les dernières années comme cheffe du bureau de Montréal, parce que je voulais plus de temps pour moi. J’ai toujours fait du théâtre, mais là, j’ai choisi d’en faire une priorité. » Comme beaucoup, Sandrine Rastello a profité de la pandémie pour reconsidérer ses priorités. Accompagnée d’une coach professionnelle, elle a pris la décision de quitter une carrière stable, bien rémunérée, mais exigeante. Aujourd’hui, elle jongle entre quelques missions journalistiques, l’animation de conférences… et une vie de création, riche et précaire, qu’elle revendique pleinement.
Une passion ancienne, une pratique renouvelée
Depuis son arrivée à Montréal, Sandrine s’est vite intégrée à l’univers du théâtre amateur. « On est nombreux, les Français, à faire du théâtre ici. Mais paradoxalement, on reste invisibles sur les grandes scènes. » Avec la troupe Esprit du Tilleul, née d’une complicité entre comédiens amateurs, elle monte des pièces françaises (notamment Racine par la racine, jouée plus de 850 fois en France) et participe au festival Fringe de Montréal. « C’est très vivant, un peu déjanté parfois, mais ça permet une vraie liberté de ton et de formes. »

Écrire et mettre en scène : de nouveaux territoires
Pour l’édition 2025 du Fringe, Sandrine présente sa première création originale : une comédie de 45 minutes, Liberté totale, se déroulant en temps réel et retraçant les… 45 minutes qui précédent un vernissage d’art contemporain. « Il y a des tensions artistiques, des préoccupations financières, des thèmes de société comme la retraite, le célibat, le dating. Toute une mosaïque de ce qu’on vit aujourd’hui. » Elle assume avec enthousiasme cette nouvelle posture d’autrice et de metteuse en scène, épaulée par Youmna Moacdieh, artiste libanaise, pour le coaching des comédiens. « C’est une première pierre, si le public suit, on verra plus grand l’année prochaine. »
Liberté Totale
Première le 6 juin 2025 à 18h30
Studio Multimédia du Conservatoire,
4750 avenue Henri-Julien, Montréal
Comédien.ne.s : Sophie Camard, Tatiana Burtin, Bertrand Marais, Mugisha Rutishisha, Naomie Allard-Hamelin
Dans le cadre du Festival FRINGE
Réservation et billetterie : achat des billets pour la pièce Liberté Totale
Une identité plurielle, miroir de la francophonie montréalaise
Française, mais profondément enracinée au Québec, Sandrine interroge aussi sa propre langue. « Quand j’écris, je me demande toujours : dois-je franciser ou québéciser mes dialogues ? Et finalement, je me dis que notre manière de parler ici, c’est déjà un mélange. » Cette hybridité linguistique, elle la revendique comme un reflet des Français du Québec, à la croisée de plusieurs identités. Et dans ses pièces, ses personnages sont souvent à l’image de cette réalité : un accent, une expression, un héritage culturel en partage.
Une énergie à faire circuler
Sandrine Rastello ne s’arrête pas au théâtre. Elle cofonde un collectif d’autrices, organise des lectures publiques, écrit toujours un peu pour la presse ou les entreprises. Elle réfléchit à un balado sur le théâtre amateur, rêve de projets en région, et s’interroge sur les institutions culturelles françaises parfois trop tournées vers l’importation plutôt que la valorisation des talents locaux. « Il y a une vraie énergie ici. Ce qu’on fait à petite échelle pourrait rayonner davantage si on créait plus de ponts. »
Une scène à construire, ensemble
Le parcours de Sandrine Rastello, à la fois intime et emblématique, illustre combien les histoires de migration sont aussi des histoires de création. Et si, à travers ses pièces, ses initiatives, ses engagements, elle traçait un nouveau récit pour les artistes francophones du Québec ?
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