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CONSEIL D'EXPERT - Comment démarrer une entreprise au Canada?

Écrit par Lepetitjournal Montreal
Publié le 29 mars 2015, mis à jour le 31 mars 2015

Le Canada a la réputation d'être l'un des pays où il est le plus facile de créer une entreprise. Se positionnant régulièrement en tête du palmarès des économies les plus accommodantes pour les entrepreneurs, selon le rapport Doing Business de la Banque Mondiale, le Canada se caractérise par la simplicité des formalités de démarrage d'entreprise, et ce, même pour les étrangers non-résidents.

N'empêche, tout entrepreneur qui souhaite se lancer en affaires au Canada se pose tout de même une multitude de questions: Quelle structure juridique choisir? Sous quel régime constituer sa société, fédéral ou provincial? Combien faut-il investir en capital? Quelles sont les subventions offertes aux entreprises? Quelle est la province qui taxe le moins les entreprises? Un étranger non-résident peut-il créer ou implanter une entreprise?

Nous avons soumis ces questions à notre expert, Me Bruno Georgescu, président de Legataxe Inc., afin d'informer et d'aider les entrepreneurs, qu'ils soient résidents canadiens ou étrangers.

Conseiller en création d'entreprise et en fiscalité depuis plus de 15 ans, Me Georgescu concentre sa pratique dans le domaine de la planification fiscale et de la réorganisation corporative tant au Canada qu'à l'étranger. Il a ainsi développé une expertise solide dans les dossiers d'optimisation fiscale des structures corporatives, gel successoral, intégration de nouveaux actionnaires et vente-achat d'entreprise (M&A). Il intervient également en tant que Mentor auprès des jeunes entrepreneurs au sein de l'organisation YES Montréal.

L'incorporation des sociétés au Canada relève-t-elle de la juridiction fédérale ou provinciale?

Me Georgescu : L'incorporation des sociétés relève à la fois de la juridiction fédérale et de celle provinciale, un entrepreneur ayant le choix de constituer son entreprise en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) ou de l'équivalent provincial, soit la Loi sur les sociétés par actions (Québec) (LSAQ).

La loi provinciale (la LSAQ) a subi une réforme importante le 14 février 2011. Elle se classe actuellement parmi les lois corporatives les plus souples en Amérique. Deux éléments font en sorte que la plupart des entrepreneurs choisissent la loi provinciale au lieu de celle fédérale pour incorporer leur entreprise :

1) La loi québécoise n'exige pas que ses administrateurs soient des résidents canadiens (la loi fédérale requiert obligatoirement au moins un résident canadien comme administrateur);

2) Une incorporation sous la loi québécoise est beaucoup plus efficace, soit plus rapide et moins coûteuse (200$ canadiens de moins).

Quelles sont les principales formes juridiques d'entreprise au Canada et les conditions de constitution correspondantes?

Il existe principalement trois formes juridiques d'entreprise au Canada.

1) La première étant l'entreprise individuelle enregistrée qui ne requiert qu'une simple immatriculation auprès du Registraire des entreprises. Il ne s'agit pas dans ce cas-ci, d'une entité juridique distincte mais plutôt d'un simple enregistrement commercial. Aucun capital minimum n'est requis sauf les droits d'immatriculation de 34$ (tarif 2015). C'est la forme recommandée pour les entreprises ne générant pas plus que 40,000$ de revenus net par an. Cette forme d'entreprise n'offre aucune protection quant à la responsabilité du propriétaire et presque aucune possibilité de planification fiscale.

2) La deuxième forme juridique est la société par actions, soit la forme la plus généralement utilisée par les entreprises canadiennes. Il s'agit ainsi d'une entité juridique distincte, la responsabilité du propriétaire (de l'actionnaire) n'étant engagée qu'à la hauteur de son apport en capital. Il n'existe pas de nombre minimum d'associés, une seule personne pouvant être actionnaire unique de la société par actions. Il n'exige pas non plus de capital minimum, le plus souvent le capital de départ étant de 100$. Les droits d'incorporation et d'enregistrement sont de 322$ (si société provinciale) et de 522$ si société fédérale. La société par actions offre un large éventail de planifications possibles au niveau fiscal, ce qui explique sa popularité.

3) La troisième possibilité consiste à créer une société de personnes (une société en nom collectif). C'était la forme juridique la plus utilisée dans le cas des professions libérales (médecins, avocats, comptables etc.) jusqu'à la fin des années 2004-2005. Depuis, la plupart des ordres professionnels ont permis à leurs membres d'exercer leur pratique via une société par actions, ce que les professions libérales se sont empressées de faire pour une grande majorité, en vue d'une meilleure planification fiscale. Cependant, dans le cadre d'une politique visant la protection du public, ces sociétés par actions doivent respecter diverses obligations imposées par la réglementation régissant chaque ordre professionnel. Cette réglementation se traduit le plus souvent en pratique par l'obligation d'avoir une majorité d'actionnaires votants, composés de membres d'un ordre professionnel et de l'obligation d'avoir un répondant auprès de l'ordre professionnel.

Quels sont les principaux secteurs d'activité qui bénéficient de subventions, de financement public ou de crédit d'impôt?

Parmi les crédits d'impôt offerts aux entreprises canadiennes, le plus avantageux est celui octroyé pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Il s'agit d'un crédit d'impôt qui peut représenter un remboursement pouvant aller jusqu'à 80% des salaires ou des dépenses de sous-traitance.

Deuxièmement, toutes les entreprises privées exerçant sous la forme d'une société par actions bénéficient d'une déduction additionnelle de 8% sur les revenus imposables annuels n'excédant pas la somme de 500,000$. Ainsi le taux applicable aux sociétés privées québécoises est de 19% (taux combiné fédéral et provincial), au lieu du taux général de 27%.

Enfin, il existe de nombreux crédits d'impôts et subventions qui s'adressent aux entreprises dans le domaine des nouvelles technologies, comme par exemple le développement des entreprises numériques. Mais ces aides financières ne s'appliquent qu'aux entreprises ayant au moins 6 employés.

Quelle est la province qui offre les meilleurs avantages aux entreprises, en termes d'aide et de fiscalité?

En matière de fiscalité, le Manitoba se place comme la province offrant le taux d'imposition le moins élevé au Canada à 14%. Le Québec est la province qui taxe le plus les revenus corporatifs, à 19%. Je cite ici uniquement les taux d'imposition applicables aux sociétés par actions, contrôlées par des résidents canadiens et ayant un revenu imposable n'excédant pas 500,000$.

En matière d'aide, il est difficile de faire une comparaison entre les provinces puisqu'il existe de nombreux programmes locaux, provinciaux et fédéraux, s'adressant aux entreprises canadiennes. Dans chacune des provinces, le processus d'incorporation et de gestion d'une société par actions est relativement simple comparé aux modèles européens.

Un non-résident a-t-il le droit de créer une société au Canada?

Un non-résident a effectivement le droit de créer une société au Canada. S'il opte pour la constitution d'une société sous le régime fédéral, le non-résident aura l'obligation de nommer au moins un résident canadien pour agir en tant qu'administrateur. Cette restriction ne s'applique pas dans le cas d'une société incorporée sous la loi québécoise.

Un non-résident a-t-il les mêmes droits et obligations qu'un résident canadien?

Dans la mesure où la société par actions canadienne est contrôlée par un non-résident, certains avantages et crédits fiscaux ne s'y appliqueront plus (par exemple l'ajout d'un 8% de plus au taux d'imposition corporative).

Afin de contourner cette problématique le non-résident agira de concert avec un résident canadien (souvent le gestionnaire sur place de la société), qui détiendra 50% des actions votantes de la société. Les lois corporatives canadiennes permettent une grande flexibilité dans la structure de l'actionnariat, ce qui permet aux propriétaires d'établir contractuellement un partage des profits et des dépenses différent de celui du partage des votes. Par exemple, un résident canadien peut détenir 50% des votes de la société alors que le non-résident bénéficie de 100% des profits de la société.

Il est important de noter qu'un fondateur d'entreprise non-résident peut être considéré par les instances canadiennes comme étant résident au niveau fiscal même s'il n'a pas le statut de résident permanent en vertu des lois sur l'immigration.

Est-ce qu'un entrepreneur étranger qui souhaite investir ou créer une entreprise au Canada, peut prétendre de fait, au statut d'immigrant permanent?

Le simple fait de créer une entreprise n'est pas suffisant pour se qualifier à titre de résident permanent. En règle générale, le processus est assez compliqué et onéreux. Le gouvernement du Québec exige un investissement d'affaires d'au moins 800,000$ en plus d'une preuve de détention d'actifs d'une valeur nette d'au moins 1,6 millions$.

Quelles sont les principales erreurs effectuées par les entrepreneurs lors du démarrage de leur entreprise?

Je me confronte régulièrement à des entrepreneurs dont la structure corporative est mal ou insuffisamment planifiée dans la phase de démarrage de leur projet d'affaires, ce qui entraîne des coûts et surtout un manque à gagner dans les trois premières années d'exploitation.

Souvent l'entrepreneur est beaucoup plus préoccupé de sa stratégie marketing, de son site web et de comment payer les premiers mois de loyer. Tout cela fait en sorte que la planification fiscale de sa structure est remise à plus tard.

Tout entrepreneur doit s'asseoir un après-midi avec un bon comptable, un bon avocat et un bon fiscaliste, avant de démarrer son entreprise, afin de profiter de leur expertise et de bien organiser ses affaires.

(www.lepetitjournal.com) lundi 30 mars 2015



 

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Publié le 29 mars 2015, mis à jour le 31 mars 2015

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