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Tensions : La rupture du "contrat du siècle" entre l’Australie et la France

Sous-marin françaisSous-marin français
Écrit par Clodie Veyrac
Publié le 19 septembre 2021, mis à jour le 23 septembre 2021

Vendredi 17 septembre, la France annonce le « rappel immédiat » de ses ambassadeurs situés à Canberra, Australie et à Washington, Etats-Unis. Cette décision exceptionnelle suit la rupture brutale d’un contrat que l’Australie avait signé avec la France en 2016, prévoyant l’achat de 12 sous-marins.

Mercredi 15 septembre, le gouvernement australien a décidé de rompre le contrat d'une valeur de 56 milliards d'euros, au profit d'un partenariat stratégique avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Alors que s’est-il passé exactement et quelles vont en être les conséquences ?

Le contrat du siècle entre l'Australie et la France

C’était le « contrat du siècle ». En 2016, l’Australie signe un contrat avec la France pour l’achat de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle (non nucléaire), fabriqué par Naval Group, pour un montant de 56 milliards d'euros. Ces nouveaux sous-marins étaient censés remplacer les six sous-marins australiens Collins, qui arriveront en fin de carrière en 2032.

La propulsion conventionnelle plutôt que le nucléaire était un choix délibéré de l'Australie qui désirait pouvoir naviguer partout dans le Pacifique. En effet, les sous-marins à propulsion nucléaire ne sont pas autorisés à pénétrer dans les eaux néo-zélandaises en vertu de la politique de 1984 relative aux zones dénucléarisées.

Le projet progressait en parallèle dans les deux pays, l’objectif étant de démarrer la fabrication des sous-marins en 2022, pour une première mise à l’eau en 2030. Naval Group avait donc entreprit la construction des sous-marins en Australie du Sud, avec plus de 2.800 emplois créés sur place et 300 salariés français déplacés pour l'occasion.

Depuis quelques mois toutefois, le gouvernement australien reprochait à Naval Group d’avoir pris du retard sur le planning initial.

La rupture du contrat en faveur de l'AUKUS

Mercredi 15, l'Australie a annoncé la rupture du contrat avec Naval Group lors d'une vidéoconférence avec entre le Premier Ministre Scott Morrison, Boris Johnson, Premier ministre britannique et Joe Biden, Président des Etats-Unis. Président Biden a introduit le pacte AUKUS qui lie désormais les trois pays dans la région Indo-Pacifique dans le domaine de la cyberdéfense, de l'intelligence artificielle et de technologies quantiques. La vente de sous-marins américains à propulsion nucléaire à l'Australie marque le premier point de ce pacte.

La France a immédiatement réagit à l’annonce, pour le moins inattendue, et a condamné les actions du gouvernement australien. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé un « coup dans le dos », lors de son interview sur Franceinfo. « Nous avions construit avec l’Australie une relation de confiance, cette confiance est trahie », M. Le Drian a ajouté.
 

 

Dans un communiqué de presse, les ministères français de la Défense et des Affaires étrangères ont déclaré : « C’est une décision contraire à la lettre et à l’esprit de la coopération qui prévalait entre la France et l’Australie, fondée sur une relation de confiance politique comme sur le développement d’une base industrielle et technologique de défense de très haut niveau en Australie. »

Scott Morrison a justifié la décision comme n’étant pas un « changement d’avis, mais un changement de besoin ».

Mais la colère de la France n'est pas qu'une question d'argent, la France étant le troisième plus grand vendeur de systèmes d'armes dans le monde. Pour Naval Group, la perte sera certes conséquente, mais ne remettra pas en cause l’avenir du groupe. L'affront vient plutôt de la manière dont Canberra a annoncé sa décision : par les médias, sans discussion préalable avec Paris.

Des tensions entre la France, l'Australie mais pas que...

L'annonce de ce nouveau contrat a engendré de nombreuses tensions entre non seulement la France, l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais aussi avec la Chine.

Le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian, a qualifié le contrat d’irresponsable et a estimé que cette vente portait gravement atteinte à « la paix et la stabilité régionales, intensifie la course aux armements et compromet les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire ».

La Première Ministre néo-zélandaise, Jacinta Ardern, a aussi condamné la décision australienne et a annoncé que les nouveaux sous-marins nucléaires ne seraient pas autorisés à pénétrer en eaux néo-zélandaises.

Cette rupture pourrait avoir des répercussions économiques et diplomatiques importantes pour l’Australie. Par exemple, la France était censée faciliter l'accord entre l'Australie et l'Union Européenne (UE) en ce qui concerne les ressources minières. Ce soutien semble désormais en péril.

Deux porte-paroles de l’UE ont fait savoir que l’UE n’avait « pas été informée » du pacte AUKUS conclu entre les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni, et qu’une « analyse de la situation et des répercussions de cette alliance » allait être réalisée.

Les expatriés français à Adélaïde devront rentrer en France

La rupture du contrat avant sa fin devrait aussi coûter plusieurs centaines de millions de dollars d'indemnités à Canberra. Le retrait de Naval Group d'Australie du Sud signifie aussi que des centaines de familles françaises qui se sont récemment installées à Adélaïde vont être contraintes de retourner en France. Un représentant de Naval Group a toutefois confirmé que les travailleurs français devraient pouvoir être relocalisés sans perdre leur emploi. Rien n’a encore été annoncé pour les travailleurs australiens.

De nombreuses craintes ont aussi été émises en Australie du Sud, où les nouveaux sous-marins vont être construits, quant à la dangerosité et à l'impact environnemental de la construction des engins nucléaires.

 

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