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Olivier Unia, photographe à Rabat : « le mouvement est au cœur de mon travail »

Photographe depuis plus de quatre ans, c’est à Rabat qu’Olivier Unia redécouvre une passion trop longtemps enfouie. Une réelle vocation qui le mène, en 2025, à remporter le prix du Sony World Photography Award dans la catégorie MOTION ainsi que le titre du Meilleur Photographe de l’année 2025. « À travers mes photos, j’essaie toujours de provoquer une émotion. Une image ne peut pas se contenter d’être simplement réussie sur le plan technique. Elle doit raconter une histoire, transmettre quelque chose », exprime-t-il. 

Tbourida La Chute, d'Olivier UniaTbourida La Chute, d'Olivier Unia
Tbourida La Chute, d'Olivier Unia
Écrit par Mélanie Pierre
Publié le 2 mai 2025, mis à jour le 19 mai 2025

 

Lepetitjournal.com a rencontré Olivier Unia, lauréat 2025 du Sony World Photography Award dans la catégorie MOTION. Il s’est prêté au jeu de nos questions.

 

Vous êtes photographe français à Rabat depuis 2009, qu’est-ce qui a motivé votre expatriation ? 

Je suis venu m’installer à Rabat grâce au travail de ma femme. De mon côté, j’étais musicien, ce qui me permettait de travailler de n’importe où. À l’origine, nous étions censés rester trois ans… mais cela fait maintenant dix-sept ans que nous y vivons. 

C’est au Maroc, pendant la pandémie de la covid-19, que j’ai découvert la photographie. Issu du monde de la musique, j’ai toujours eu une réelle sensibilité pour la photographie et l’image. Plus jeune, je pouvais passer des heures à contempler les pochettes de vinyles des groupes que j’écoutais. Ce sont de véritables œuvres d'art. À l'époque, c'était un lieu où beaucoup de photographes et d'artistes pouvaient s'exprimer. J'ai découvert plein d'artistes incroyables, comme Storm Storgerson et des tas de pochettes iconiques, toutes celles de Pink Floyd par exemple, de Muse ou de Peter Gabriel. J'ai été très influencé par cette direction artistique-là. Très tôt, j’ai été fasciné par le travail de photojournalistes comme Robert Capa ou Lee Miller.

Pendant des décennies, je me suis formé en regardant les photos des autres. Puis, pendant la pandémie, j’ai retrouvé une caméra prêtée pour un clip et commencé à photographier mon chat, mon chien, et puis les oiseaux de la maison. Un jour, lors du confinement, j’ai capturé un jeune en plein saut au skate park de Rabat. La photo était réussie, et ce déclic m’a profondément marqué. C’est une émotion qui ne m’a plus quitté depuis.

 

Travaillez-vous seul ou avec une équipe (pour la photographie, le site internet…) ? 

La musique est un sport d'équipe, et la photo, c'est un sport individuel. J'adore ce moment de solitude que procure la photo. Évidemment, parfois nous photographions des individus, nous avons des interactions, mais il y a beaucoup de photos que je fais, qui sont également des photos de paysages. Généralement, je pars avec mon casque sur les oreilles, je m'enferme dans ma bulle, et je travaille seul. Pour développer mes photos, je le fais seul aussi. Même pour l’apprentissage, je suis passé par internet. Aujourd’hui avec les tutos vous pouvez vous former sur à peu près tout. Il y a beaucoup de formations très intéressantes.

 

Désert Olivier Unia
Désert © Olivier Unia 

 

Comment décririez-vous votre style photographique et quelles sont vos principales sources d’inspirations au Maroc et ailleurs ? 

Avoir photographié ce skater en lévitation m'a beaucoup inspiré dans le sens où j'ai très vite compris ce qui me plaisait : photographier des mouvements. J'ai une passion pour l'image arrêtée d'un mouvement qui aura duré le temps de la photo. C'est un instant qui, quelques millisecondes avant, n'existait pas, et quelques millisecondes après n'existera plus. Grâce à la photo, il est figé pour l'éternité. 

Lors de mes expositions, beaucoup de visiteurs me parlent de mon attrait pour le mouvement, les oiseaux, la mer… Et c’est vrai : le mouvement est au cœur de mon travail. Il me définit, il me parle, il me traverse. À travers mes photos, j’essaie toujours de provoquer une émotion. Une image ne peut pas se contenter d’être simplement réussie sur le plan technique. Elle doit raconter une histoire, transmettre quelque chose. On peut produire des images impeccables, parfaitement cadrées et exposées. Mais si elles ne dégagent aucune émotion, elles me semblent incomplètes. C’est le mélange subtil entre la technique et l'émotion qui fait la réussite d’une photographie.

 

Vous venez de remporter le Premier prix dans le Sony World Photography Award dans la catégorie MOTION à la première édition du Grand Prix de la Photographie 2024. Que représente cette victoire pour vous ? 

Le Sony World Photography Awards, c’est l’un des deux ou trois plus grands concours photo internationaux. C’est une distinction extrêmement prestigieuse, qui existe depuis 17 ans. Chaque année, je vois passer les lauréats, toujours impressionné par la qualité des travaux présentés. En octobre 2024, j’étais au Salon de la Photo à Paris. La lauréate de l’année, une photographe française, y donnait une conférence. J’ai assisté à sa présentation, admiré ses images… et cela a renforcé encore mon respect pour ce concours, qui rassemble chaque année plus de 500.000 photos issues de 72 pays. 

 

Olivier Unia le lauréat des Sony World Photography Awards à Londres
Olivier Unia, lauréat des Sony World Photography Awards 2025 à Londres

 

En tant que jeune photographe, j’ai participé sans autre attente que celle de me dire : « J’ai osé. ». Le simple fait de candidater me suffisait. Le déclic est venu après avoir remporté, quelques mois plus tôt en novembre 2024, le Grand Prix de la photographie au Maroc. Ce prix m’a donné le courage de tenter l’aventure Sony. Quand j’ai appris que j’étais short listé, j’étais déjà submergé d'émotions. Puis, un jour, j’ai reçu un appel : j’avais gagné dans ma catégorie. C’était à la fois un immense bonheur, une grande fierté… et un peu de timidité aussi. C’est un concours où certains se présentent depuis 17 ans sans décrocher de prix, parfois après une vie entière dédiée à la photographie. Alors oui, on ressent forcément un peu ce fameux syndrome de l’imposteur. J’ai même cru à une blague, sur le moment.

Mais le lendemain, quand tout s’est confirmé, j’ai réalisé l’ampleur de ce que cela représentait. J’étais submergé de joie, mais surtout rempli d’énergie pour continuer à créer. D’autant plus que la photo primée s’inscrit dans une série plus large que je prépare pour une exposition. Ce prix, au-delà de la reconnaissance, m’a donné un élan incroyable pour la suite.

 

Quelle est l’histoire derrière cette photographie primée ? 

 

La chute, Tbourida
Tbourida La Chute © Olivier Unia

 

Au Maroc, la Tbourida est très ancrée dans la culture marocaine. C'est ancestral d'ailleurs. C'est une représentation ancestrale des cavaliers d'Afrique du Nord qui très codée. Par leur travail, leur habilité et les risques qu'ils prennent, ils montrent la force et le courage des cavaliers marocains. Étant sur place depuis 17 ans, j'en ai souvent vu passer de loin. Puis un jour, une amie photographe m’a invité à la suivre sur une Tbourida. J'ai fait beaucoup d'équitation quand j'étais jeune, je connais assez bien les chevaux, je connais bien leurs réactions, et surtout, je n'en ai pas peur du tout, du coup ça m'a permis de me rapprocher très près de l'action. J’ai eu l’occasion de faire des photos très dynamiques qui sortent un petit peu du lot. Ce qui me fascine vraiment dans ce sujet, ce sont les cavaliers et leurs chevaux. Bien sûr, il y a aussi ce travail fondamental sur la lumière, car au fond, la photographie, c’est un travail sur la lumière.

 

Avez-vous des projets en cours ou à venir dont vous souhaitez nous parler ? Ce prix vous offre-t-il de nouvelles opportunités ? 

Le 16 avril 2025, je me suis rendu à Londres pour recevoir le prix dans la catégorie Motion. À mon arrivée à la Somerset House, j’ai eu la surprise et l’immense honneur d’être désigné Meilleur Photographe de l’Année 2025.

 

Olivier Unia, un Français lauréat des Sony World Photography Awards à Londres

 

Ce prix a véritablement déclenché quelque chose. J’avais déjà en tête plusieurs projets d’exposition pour cette année, mais la distinction a tout accéléré. Ce sont les opportunités qui sont venues à moi, presque immédiatement après l’annonce des résultats. Deux galeries m’ont contacté dès le lendemain, et j’ai finalement choisi d’en rejoindre une pour organiser une première exposition à Rabat, prévue pour le mois de mai, autour du thème de la Tbourida. J’ai aussi d’autres projets en cours. Je serai présent au Festival de Cannes, en mai, pour présenter un volet de mon travail photographique dans ce contexte prestigieux.

 

Olivier Unia
© Olivier Unia

 

En parallèle de cette série sur les chevaux, je développe également deux autres axes : une série sur l’architecture marocaine et un travail de portraits de rue, un exercice que j’affectionne particulièrement. Mais aujourd’hui, c’est bien le travail autour de la Tbourida qui est sous les projecteurs. Je prépare aussi une sélection de ces images pour une publication en magazine, avec l’envie de promouvoir la richesse de la culture marocaine. Ce prix me donne une belle plateforme, et je souhaite m’en servir pour mettre en lumière ces traditions, cette identité, et tout ce qu’elles racontent du Maroc.

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