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CUISINE – Nicolas Cégretin, un jeune chef entre tradition et métissage

Écrit par Lepetitjournal.com aux Philippines
Publié le 23 avril 2017, mis à jour le 7 avril 2017

Nous avons récemment eu l'opportunité d'interviewer Nicolas Cégretin, chef cuisinier au Mirèio, "restaurant français bistronomique d'inspiration provençale" situé au 9ème étage du Raffles Hôtel à Makati. Après avoir bu un verre sur la terrasse qui offre une vue imprenable sur la skyline, vous pourrez découvrir une cuisine française mêlant tradition et inventivité.

Lepetitjournal.com/manille : Comment votre parcours personnel vous a-t-il conduit à la cuisine ?

Nicolas Cégretin : Comme beaucoup d'élèves qui se destinent à la cuisine, tout commence pour moi avec un parcours scolaire chaotique. Au collège j'avais tout juste 10,5 ou 11 de moyenne. Après le brevet, je me suis donc orienté vers un bac technologique. C'est une formation en 3 ans qui mêle les cours techniques et les cours généraux et permet une réorientation vers les filières générales à l'issue du bac.

En vérité, je voulais faire de la cuisine depuis que je suis enfant. En 2de on est initié à tous les métiers de l'hôtellerie et à tous les métiers de bouche. En terminale, on doit choisir deux métiers : j'ai choisi cuisine et service. Et j'ai terminé classé 1er en cuisine et service.

J'ai grandi à la Réunion et j'ai donc dû partir à Paris. J'ai pu y intégrer l'école Ferrandi (Ecole supérieure de cuisine française) où, durant deux ans, nous nous trouvons formés comme en milieu professionnel (avec une alternance de 6 mois d'école et 6 mois de stage et des rythmes maintenus à l'école autour de la préparation de deux services par jour, soit du 7h-22h !). A l'issue de ces deux années, j'ai été classé dernier… car je suis le seul à ne pas avoir sacrifié mes stages pour la rédaction de mon rapport de fin d'études ! Ce que mes professeurs ont d'ailleurs reconnu, et souligné ! Sur 15 élèves, nous ne sommes d'ailleurs aujourd'hui plus que 3 en cuisine !

Mais comment vous est venue l'envie de consacrer votre vie à la cuisine ?

C'est de mon père que me vient mon goût et ma passion pour la cuisine. Mon père est allé en Angleterre à 18 ans, où il a cuisiné dans un pub. C'est un excellent cuisinier. Il est ensuite parti pour la Réunion avec ma mère. C'est là que je l'ai vu cuisiner et qu'est né ce désir et ce rêve que je réalise aujourd'hui.

Mais pourquoi donc êtes-vous venus à Manille ?

A 20 ans, diplômé de l'école Ferrandi, je suis rentré chez Vigato, à la suite d'un stage qui avais donné satisfaction au grand chef.

Suite à la rencontre d'un pâtissier au Maroc, que j'ai eu l'opportunité de ce poste de chef chez Miréio. J'ai été recruté comme l'est un chef cuisinier : le recrutement sur dossier est suivi d'un testing.

Lorsque je suis arrivé, je ne parlais absolument pas anglais. Au départ, cela a été très difficile. Notamment pour diriger mon équipe.

Quel est le plus grand accomplissement dans votre carrière ?

Mon premier accomplissement est d'être devenu chef. Dans le restaurant que je dirige actuellement, je suis mon seul chef : je gère au quotidien 15 personnes en cuisine pour 77 places assises en salle (plus le bar et les deux salons privés).

Mais tous les jours j'apprends de nouvelles choses : comment gérer les équipes (à quel moment lisser la relation, à quel moment assumer le conflit…), comment gérer un budget aussi…

Comment assurez-vous la qualité de votre carte ?

La qualité, c'est d'abord celle des produits qui n'entrent en cuisine que si je les ai choisis : les légumes tous les deux jours, les poissons tous les jours…

La qualité, c'est ensuite celle d'une équipe bien gérée: vérifier que les recettes sont appliquées à la lettre…

La qualité, c'est enfin l'exigence de chaque instant : goûter et goûter sans cesse, corriger, ajuster, préciser…

Changez-vous souvent votre carte ?

Je change ma carte environ tous les 4 mois (je garde les plats qui marchent, je change ceux qui marchent moins).

Je change mon menu déjeuner (business lunch) tous les mois (c'est un choix plus restreint et moins coûteux : 3 entrées – 3 plats – 3 desserts / une formule 3 plats pour 1100 pesos).

Quelles sont vos principales sources d'inspiration pour composer cette carte ?

En signant pour le Miréio, je connaissais la ligne imposée : un "restaurant français bistronomique d'inspiration provençale ". Je travaille donc à partir de cette ligne.

Originaire de l'île de la Réunion, j'aime particulièrement travailler le poisson.

Et j'ai été formé à la "cuisine bourgeoise" : les recettes à partir d'aliments traditionnels, jugés "moins nobles" (les abats par exemple : rognons, pieds, cervelles…) et qui demandent beaucoup de travail en cuisine, me plaisent également beaucoup.

J'aime les cuisines du monde mais je ne prétends pas les réaliser : je sais faire la cuisine française. Je ne manque évidemment pas de m'inspirer des cuisines du monde que j'ai rencontrées dans mon parcours professionnel (Réunion, France métropolitaine, Afrique du Nord, Asie)  : je métisse… mais reste un cuisinier français ! Un projet pour ma prochaine carte sera, par exemple, une palourde marinière au raz-el-anout.

Je ne manque par ailleurs pas de faire des clins d'œil aux chefs avec lesquels j'ai travaillé… comme des hommages !

A titre personnel, quel est votre plat préféré ?

Mon plat préféré est sans doute, par excellence, le rougaille-saucisses… un plat réunionnais !

J'ai fait également des kilomètres pour manger une tête de veau.

Et quand je suis avec mes amis, j'aime les barbecues !

Prenez-vous également en charge la pâtisserie ?

J'ai un chef pâtissier : je l'aide afin que ses desserts s'inscrivent dans la ligne de mes plats salés. Je lui ai par exemple proposé un café gourmand et lui ai soufflé l'idée d'un macaron, d'une madeleine… Nous concevons en fait ensemble la carte des desserts.

Par contre, c'est moi qui nomme tous les plats : le salé, comme le sucré. C'est une phase importante. J'essaye d'être précis : d'indiquer l'aliment principal, le mode de cuisson, la garniture (éventuellement son mode de cuisson), la saveur particulière… Je recherche la simplicité, la lisibilité… tout en essayant de donner envie !

Vous évoquiez précédemment le défi d'apprendre à gérer une équipe. Comment vous y prenez-vous aujourd'hui ?

Gérer une équipe, c'est trouver le juste milieu entre la camaraderie, le respect de chaque individu et la froide relation opérationnelle (une cuisine de haut niveau impose une exigence de chaque instant).

Mais être le chef, c'est d'abord en imposer par sa cuisine : susciter une confiance absolue par ce que je sais faire ! L'autorité du chef vient du respect que sa cuisine imposé à son équipe.

Dans la gestion du groupe, il a fallu évidemment faire des compromis avec la culture locale : je n'autorise pas la musique pendant les services, mais une fois le service fini, la musique peut à nouveau revenir en cuisine ! Le team-building représente aussi un temps très important pour nos équipes avec un grand rendez-vous annuel dans un ressort (jeux collectifs, karaoké…) et la Christmas party (avec concours de danses, de chants… par équipes ! ce sont les jeux olympiques du Raffles !)

Pouvez-vous nous dire un dernier mot pour nos lecteurs les plus jeunes, les étudiants qui préparent actuellement leur vie professionnelle à venir ?

J'exerce un métier passion et je peux travailler sans compter. Ma réussite est ma véritable revanche sur un système scolaire que je n'avais pas compris et qui a eu lui aussi bien du mal à me comprendre. Je ne me suis jamais arrêté…

Si j'avais un message à faire passer aux élèves : "l'école c'est ch… mais il ne faut rien lâcher !"

Je n'avais pas compris cela lorsque j'étais au collège. Et j'ai dû me battre très dur après. J'ai dû par exemple reprendre l'anglais en arrivant aux Philippines… et j'aurais pu l'apprendre au collège ! Avec beaucoup de volonté, une exigence sans faille et un travail sans relâche, je dirige aujourd'hui, en anglais, la cuisine d'un grand restaurant !

Informations pratiques

Pour le déjeuner, le restaurant ouvre ses portes à midi et ferme à 14h30.

Pour le diner, il rouvre ses portes à 18h et ferme à 22h30 pendant la semaine et le week-end.

Adresse : 9ème étage, Raffles Makati, 1 Raffles Drive, Makati Avenue, Makati, 1224

Pour vos réservations : +63 2 795 1840 ou mireio.makati@raffles.com

Plus d'informations sur le site internet du Mireio ou sur sa page facebook.  

Massimo OSSOLA (3ème – Atelier presse online) (www.lepetitjournal.com/manille) lundi 24 avril 2017

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Publié le 23 avril 2017, mis à jour le 7 avril 2017

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