Le nouveau Conseiller culturel de l'Ambassade de France et Directeur Général de l'Institut Français d'Espagne est un jeune diplomate de 37 ans, qui prend poste à Madrid en provenance du Caire, où il a occupé le poste de "numéro 2" de l'Ambassade, de 2012 à 2015. Il aura désormais la charge d'animer le réseau des Instituts et des Alliances françaises, mais aussi de la vingtaine d'établissements scolaires français, éparpillés dans le pays. Son arrivée coïncide avec de nombreux changements au sein des équipes, avec lesquelles il aura pour mission de coordonner les questions d'enseignement, l'action artistique et enfin la coopération universitaire et scientifique.
(Photo Institut français) Diplômé de l'IEP Paris, titulaire d'un Master en études européennes de l'université de Sussex et d'un DEA en droit européen à la Sorbonne, diplômé d'HEC, Enarque : Nicolas Kassianides exhibe un parcours académique à couper le souffle et peut se targuer d'un parcours diplomatique déjà bien rempli. En poste dans l'administration centrale de 2005 à 2007, il est Premier Secrétaire à la Mission Permanente de la France auprès des Nations unies à New York de 2007 à 2010, puis Deuxième Conseiller à l'Ambassade de France au Maroc, Conseiller au cabinet d'Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, de 2011 à 2012, et enfin Premier Conseiller à l'Ambassade de France au Caire, de 2012 à 2015. Une dernière expérience qui aura été marquée par le printemps arabe et les violences qu'a traversées en 2013 l'Egypte, et que le nouveau Conseiller culturel évoque non sans une pointe d'émoi. De l'Espagne, il avoue une faiblesse d'enfance pour le Real Madrid et un amour inconditionnel de la culture, fondé sur des origines espagnoles et transmis par une maman professeure... d'espagnol. Hispanophone, connaisseur du pays, il arrive en poste avec une grande expérience politique à son actif, et une véritable volonté de s'investir dans la question culturelle.
Lepetitjournal.com : Vous arrivez d'Egypte où vous avez assuré des fonctions à fort caractère politique. Vous allez dorénavant devoir vous pencher sur la question culturelle.
Nicolas Kassianides : Oui, et il existe je crois des ressemblances dans la relation bilatérale qu'entretient à cet égard la France avec ces deux pays. Dans un cas comme dans l'autre, c'est une longue histoire qui nous unit et qui a tissé des liens entre nos cultures. Premier conseiller à l'Ambassade de France en Egypte, j'ai passé 3 années exceptionnelles, 3 années mouvementées aussi. Mais du fait de mes fonctions, j'ai déjà eu la chance d'avoir à charge de superviser les Instituts français et les établissements scolaires français du pays. Il s'agissait certes d'un réseau plus restreint, puisque l'Egypte compte deux Instituts français et 2 Lycées français en gestion directe, en plus des établissements privés homologués, et n'a pas l'ampleur du réseau espagnol. Toujours est-il qu'on se rend compte en Egypte comme en Espagne, que le rayonnement de la France naît avant tout dans notre action dans le domaine culturel, scolaire et éducatif. C'est l'origine. C'est ce qui peut générer un éventuel intérêt pour la pensée, la politique et l'économie française. Et c'est depuis l'éclairage de mon expérience la plus politique que je le dis.
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Les principaux mouvements au sein de l'Institut français Espagne : > Alain FOHR, Conseiller Culturel, Directeur Général de l'IFE |
Comment se déroule votre prise de contact avec le réseau français en Espagne ?
Je découvre un réseau scolaire d'une très grande qualité, un réseau d'excellence. L'une de mes premières visites à mon arrivée a été pour le Lycée français de Madrid, où j'ai rencontré tout le personnel de direction, les syndicats de professeurs et les associations de parents d'élèves. J'ai eu l'image d'un très bel outil, et d'interlocuteurs tous motivés pour faire en sorte que cet outil fonctionne au mieux et pour travailler dans le sens de la qualité. Nous avons par ailleurs une rencontre prévue début octobre avec tous les directeurs des Instituts français d'Espagne, au cours de laquelle nous allons définir les lignes générales de notre travail en commun. Même s'il y a eu beaucoup de changements au sein des services cet été, le service culturel est un navire bien rodé, une machine qui fonctionne bien. Mon prédécesseur a fait un très bon travail et je suis entouré d'une équipe pleine de bonne volonté, qui fait preuve d'une motivation incroyable. Nous avons énormément de sujets déjà en cours et un agenda bien chargé. Je suis sûr, qu'ensemble, nous pouvons tous profiter de cette conjoncture pour donner un nouvel élan dans notre travail, sous la houlette de l'Ambassadeur.
Quelles sont les priorités que vous vous êtes fixées ?
Un des sujets prioritaires, c'est développer l'apprentissage du français dans les écoles espagnoles. Nous disposons pour cela d'un panel d'outils efficaces, à l'image des sections bilingues, du BachiBac et de divers accords bilatéraux. Je veux que sur ce sujet l'on passe à la vitesse supérieure et je vais m'y investir un maximum, en lien avec le ministère de l'Education à Madrid et dans les régions. Nous avons fait d'énormes avancées en Andalousie par exemple, qui a décidé d'imposer au Primaire, l'apprentissage du français comme deuxième langue vivante : il faut pouvoir s'appuyer sur ce modèle pour faire tâche d'huile dans les autres provinces d'Espagne.
Et dans les Instituts français ?
Nous devons faire en sorte que l'action portée par les Instituts français permette de se diversifier vers des publics plus jeunes. Il faut être conscient que le réseau et l'action des Instituts français constituent quelque chose d'unique. Rien qu'à Madrid, ce ne sont pas moins de 227 manifestations qui ont été organisées sur une année, en intra et extra-muros. Cette richesse incroyable doit continuer à exister, à faire le lien entre univers artistiques, culturels et linguistiques. Mais nous devons nous efforcer à donner plus de lisibilité à notre action, par le biais de grands thèmes qui devraient traverser l'année à venir et articuler notre saison culturelle. Nous devons améliorer et simplifier notre communication, être plus performants sur les réseaux sociaux, afin que dans toute l'Espagne, l'on puisse facilement savoir ce qui se passe dans les IF et avoir envie d'y aller.
Enfin, nous devons travailler au service de la promotion de la création et de l'industrie culturelle française. Nous devons être des facilitateurs pour que le cinéma, l'animation, l'industrie du livre etc. trouvent les meilleurs débouchés qui soient dans le pays, en faisant fonctionner nos carnets d'adresse, en mettant les acteurs en contact et en faisant primer la mission économique qui est la nôtre.
Pour l'ensemble de ces missions, les partenariats avec les grandes institutions culturelles espagnoles sont essentiels. Nous avons la chance d'être dans un pays où les grands acteurs artistiques français veulent venir, et nous devons exploiter au mieux cette situation. La collaboration entre le musée d'Orsay et la fondation Mapfre dans le cadre de l'exposition de Pierre Bonnard, inaugurée le 17 septembre, en constitue un exemple parfait.
La dernière conférence organisée à l'Institut français de Madrid, avec Élisabeth Roudinesco s'exprimant sur Freud, a quant à elle rempli l'amphithéâtre.
Oui, c'est fantastique, on peut difficilement faire mieux. De fait, la culture, ce n'est pas que la peinture, le cinéma ou la musique. Le rayonnement de notre culture passe aussi par la reconnaissance de nos intellectuels. Nous réfléchissons à la création ici d'un rendez-vous régulier, dont la dénomination fonctionne comme un label immédiatement reconnaissable. Je veux que l'Institut français devienne une référence dans le débat d'idée, un lieu connu et reconnu pour cela, et ce dans divers domaines, que ce soient les sciences humaines, l'économie, l'astrophysique, la philosophie ou la littérature... La qualité de notre programme doit être reconnue à ce niveau. C'est vrai pour les Espagnols, mais pour les Français d'Espagne aussi, évidemment. Le rayonnement de la France les concerne directement. Je veux qu'ils sachent que cette maison est leur maison.
Propos recueillis par Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 21 septembre 2015
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