France et Espagne sont deux grands partenaires économiques. 17,6 % des exportations espagnoles vont en direction de la France (qui est le premier client de l'Espagne), tout comme un tiers des projets d'investissement dirigés vers l'Europe. Les entreprises ayant le désir de s'internationaliser sont en effet nombreuses à passer de l'autre côté des Pyrénées: 1.300 y sont actuellement implantées, employant plus de 50.000 personnes. Qui sont-elles et comment ont-elles réussi à faire leur place sur le marché français ?
Belén Jimenez Ruiz est directrice adjointe de l'Agence Française pour les Investissements Internationaux de la Péninsule ibérique. En 2013 elle a accompagné 34 projets d'implantation d'entreprises espagnoles sur le territoire français. ?Globalement elles sont attirées par la stabilité du marché. Ces dernières années de crise ont été favorables à l'investissement en France.? Marie José Torregrosa, créatrice de la société Cantabrie Loisirs, conseille et accompagne également les entreprises espagnoles qui souhaitent internationaliser leur activité : ?le marché français est une bonne alternative pour accroître leur chiffre d'affaire et sortir du marasme actuel?, estime-t-elle.
Mais Belén Jimenez précise ?pour certaines structures c'est plutôt une question de logistique. Elles ne peuvent pas exporter leur produit sans sortir physiquement des frontières espagnoles.? Elle cite l'exemple d'une entreprise spécialisée dans le papier. ?Pour distribuer ses produits au nord de la France il est beaucoup plus avantageux qu'elle le fabrique sur place au lieu de l'acheminer depuis l'Espagne.?
 Les entreprises espagnoles bénéficient elles uniquement de coûts de production moins élevés ou disposent-elles d'autres avantages concurrentiels qui leur permette de réussir sur le marché français ? Les entreprises espagnoles ont certainement des coûts de production moins élevés et il est intéressant d'analyser le pourquoi. Cela ne vient pas seulement de la baisse des salaires ou d'une plus grande flexibilité du marché du travail, mais pour beaucoup d'entreprises, cela tient à une remise en cause globale des savoir-faire face à la crise. Dans bien des cas, des recentrages sur les c?urs de métiers ont été opérés, ce qui a permis de gagner en compétitivité. Quid des entreprises purement catalanes ? De par la proximité géographique et les ressemblances culturelles, les entreprises catalanes ont été parmi les premières à se tourner vers la France dans un souci d'internationalisation de leur activité. N'oublions pas que la Catalogne représente 25 % du total des exportations espagnoles et que la région est naturellement exportatrice et ouverte. Quelles sont les erreurs à ne pas commettre lorsque l'on souhaite développer son activité sur le marché français, venant d'Espagne ? Malgré la ressemblance des deux marchés, la façon de faire des affaires n'est pas la même en France qu'en Espagne. La langue, les relations hiérarchiques, les horaires, les relations avec les syndicats sont autant d'éléments qui marquent la différence dans le milieu professionnel et qu'il faut savoir intégrer pour réussir sur le marché français. Par ailleurs, si beaucoup d'entreprises espagnoles développent un petit courant d'affaires en France grâce à un salon, un client, une opportunité, un contact réseau, elles sont nombreuses malheureusement à ne poursuivre aucune stratégie ou à ne pas se poser les bonnes questions pour pérenniser leur développement : où se trouvent les clients ? quel est le réseau commercial le plus approprié ? Faut-il créer une structure en France ? Les exportations espagnoles ont connu une forte baisse sur le troisième trimestre 2014. Comment expliquez vous cela ? La France et l'Allemagne sont les deux moteurs de l'économie européenne. Si leurs économies souffrent, les entreprises espagnoles exportatrices le ressentent rapidement. Une grande partie de la reprise de l'économie espagnole s'est articulée autour des exportations. Il est donc évident que tout ralentissement sur les deux principaux pays de l'Union Européenne aura des conséquences sur la reprise espagnole. |
On ne fait pas des affaires en France comme en Espagne
?À leur arrivée en France les entreprises espagnoles se retrouvent souvent face à un marché plus exigeant, une concurrence plus forte et une prospection plus difficile, les sociétés locales préférant travailler avec leurs fournisseurs habituels?, explique Marie José Torregrosa. Elle observe aussi une certaine méfiance : ?beaucoup de portes se ferment lorsque vous annoncez que vous êtes une entreprise espagnole?. D'où l'importance, pour celles qui n'ont pas de service commercial export, de faire appel à une société externe pour les démarches commerciales ainsi qu'à une personne dominant le français pour les contacts clients et la résolution des problèmes quotidiens.
Au delà de la langue, nécessaire pour faire des affaires en France, ?il y a des différences au niveau professionnel qu'il faut savoir intégrer? explique Philippe Saman, directeur de la Chambre de Commerce et d'Industrie Française de Barcelone (voir encart). Parmi ces différences il cite ?les relations hiérarchiques, les horaires et le contact avec les syndicats?. De son côté, Belén Jimenez évoque le recours à l'écrit, pour les mails ou les comptes-rendus, auquel les Espagnols sont moins habitués.
?Mais lorsque vous réussissez à passer ce cap et à entamer une collaboration commerciale, le courant passe bien? conclue Marie José Torregrosa.
Dans un article publié début 2014 dans le quotidien en ligne El Confidencial, ?La France fait confiance aux entreprises espagnoles et les encourage à s'installer dans le pays?, le conseiller délégué de Pikolín (fabriquant de matelas) José Antonio González explique: ?nous devons laisser la peur et les complexes de côté, nous sommes compétents, efficaces et nos produits sont appréciés en France. Il ne faut pas s'autolimiter.?
Les mêmes avantages que les entreprises françaises
Les entreprises espagnoles qui décident de s'implanter en France ne bénéficient pas d'avantages spécifiques, elles accèdent aux mêmes dispositifs que toutes les sociétés installées sur le territoire. Elles peuvent par exemple solliciter une aide à l'investissement gérée par l'Union Européenne. Selon la taille de l'entreprise, le lieu d'implantation et le nombre d'emploi créé, elles peuvent obtenir jusqu'à 30% de l'investissement en aide directe. Il existe aussi le Crédit Impôt Recherche (CIR), une subvention de l'Etat français pour les entreprises qui investissent dans la recherche en partenariat avec une université par exemple. Enfin le Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi (CICE) vise à réduire le coût du travail.
Les secteurs phares
En 2013, les entreprises espagnoles du BTP étaient a? l'origine d'un quart des projets de ce secteur en France. ?Il est évident que la construction espagnole a été très active ces dernières années. Cela est dû principalement à la grande compétitivité des entreprises dans ce domaine? explique Philippe Saman. Il cite deux exemples: COMSA qui fait le tramway à Toulouse et PVT Pavimentos Técnicos de Tudela, un modèle d'innovation dans les matériaux de construction qui gagne des marchés à Marseille.
Belén Jimenez accompagne pour sa part des projets très variés, autant dans l'aéronautique, le nucléaire, l'automobile et le bois que dans les services ou le conseil. Ils sont portés par des structures de toutes tailles, de la PME à la Grande entreprise. Les principales régions d'accueil sont l'Île de France mais aussi Midi Pyrénées et Aquitaine, les plus proches géographiquement.
Histoires de réussites
80% des projets gérés par l'Agence Française pour l'Investissement International émettent des retours positifs. Dans certains cas la croissance est fulgurante. C'est le cas du groupe alimentaire espagnol Ebro Foods installé en Rho?ne-Alpes, mais aussi de la compagnie ae?rienne Volotea dont le siège est à Barcelone, ou encore de CT Ingenieros, fournisseur de Airbus. Dans ces 3 cas l'investissement en France a permis de générer rapidement des emplois et d'assoir la présence de l'entreprise sur le marché français.
Déborah GROS (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Mercredi 29 octobre 2014
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