Silvia Balea, attachée culturelle et audiovisuelle de l´Institut Français du Portugal depuis ce mois de septembre 2018, se définit comme une passionnée du dialogue interculturel, notamment dans ce qui touche au secteur audiovisuel. Elle est particulièrement connue pour avoir consacré près de vingt ans de sa vie à la direction du célèbre cinéma le Latina à Paris, mais elle a également occupé d´autres fonctions comme chargée de mission "diversité culturelle" auprès du ministère de la culture, Commissaire générale adjointe pour la culture "Année du Mexique en France", cofondatrice de l´association “Cinélangues”; le lien est toujours la culture. Elle a accordé une interview à notre édition où elle revient sur l´importance de la 19ème Festa do Cinema Francês qui démarre, ce 4 octobre, à Lisbonne.
Pouvez-vous en quelques mots vous présenter à nos lecteurs puisque vous venez d'arriver tout récemment à l´IFP en tant qu'attachée culturelle et audiovisuelle ?
Je suis née en Roumanie, dans une famille d’intellectuels francophiles. En pleine Seconde Guerre mondiale, mon père consacrait des articles à l’éternel prestige culturel de la France et chez nous, les jours de fête, on récitait des poèmes de Baudelaire, Villon, Mallarmé, Prévert… J’ai reçu l’amour de la France en héritage au point de vouloir en faire ma patrie et de contribuer sans relâche à son rayonnement international.
En considérant que la meilleure manière de promouvoir une culture c’était de la confronter aux autres, dans le cadre d’un permanent dialogue, j’ai consacré de nombreuses années de ma vie à la direction du cinéma parisien, le Latina, une plaque tournante des cinématographies latines en France. Dans le même esprit, à l’Institut français, j’ai participé à la mise en place de saisons culturelles et au cabinet du ministre de la culture, j’ai été en charge de la diversité culturelle.
Le CNC m’a souvent sollicitée pour faire partie de diverses commissions et, dans ce cadre, j’ai particulièrement apprécié ma participation à l’avance sur recettes qui me permettait d’aider à la production de films français.
Au sein de l’Union Latine et du Latina, les échanges culturels et artistiques entre le Portugal et la France m’ont procuré beaucoup de moments de bonheur. J’ai souvent eu le plaisir d’accueillir en France des réalisateurs et des acteurs portugais et de mesurer à quel point ils étaient francophiles. Dans un esprit de réciprocité, je suis très heureuse et très fière de contribuer aujourd’hui, à travers mon action, à la poursuite de ce dialogue, cette fois-ci sur le territoire portugais.
L´édition 2018 de la Festa do Cinema Francês démarre dans quelques jours, le 4 octobre. Quel est le fil conducteur de cette 19ème Festa?
La 19ème Festa do Cinema Francês est fidèle à son nom et continue à être une grande fête autour du cinéma français et de sa diversité, avec 40 films, 27 long-métrages en avant-premières, 14 artistes invités et de nombreuses rencontres et masterclasses.
L’Institut français du Portugal et l’Ambassade de France au Portugal, organisateurs de l’événement en collaboration avec le réseau des Alliance françaises du Portugal, ont souhaité maintenir la structure de ce festival telle qu’elle a été l’année précédente, en l’articulant autour de plusieurs axes : l’hommage rendu au parrain de la 19ème Festa do Cinema Francês, Jean-Paul Rappeneau, les films en avant-premières ou inédits dont un grand nombre seront projetés en présence des réalisateurs ou des acteurs grâce à une collaboration étroite avec Unifrance Films et les distributeurs portugais, la rétrospective consacrée par la Cinémathèque portugaise à Henri-Georges Clouzot, cinéaste majeur et maître du film d’atmosphère, surnommé le "Hitchcock français", le cycle ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion), qui accorde une place importante au cinéma indépendant et aux rencontres avec les réalisateurs dans le cadre de masterclasses organisées à Lisbonne et à Porto, la section dédiée au cinéma d’animation et aux séances scolaires mais aussi la programmation consacrée au cinéma français par la chaîne CineMundo le 2 et le 3 octobre.
Quels sont les moments forts de cette édition 2018?
Les moments forts de cette édition jalonnent le festival d’un bout à l’autre, d’une salle à l’autre, mais aussi d’une ville à l’autre car, comme vous le savez, après Lisbonne et Almada, notre festival s’envole pour un voyage vers neuf autres villes portugaises : Coimbra, Leiria, Porto, Aveiro, Faro, Beja, Seixal, Viana do Castelo et Setúbal.
Il y a évidemment les moments forts liés à la présence des réalisateurs ou des acteurs et à la possibilité d’échanger avec eux après les projections. À Lisbonne, ces 11 séances exceptionnelles sont proposées au public du Cinéma São Jorge et à celui d’UCI Cinemas - El Corte Inglês.
C’est ainsi que l’on pourra voir, par exemple, L’Apparition de Xavier Giannoli, une interrogation forte sur la révélation et le mystère de la foi, sous forme de récit quasi policier porté avec talent par Vincent Lindon. Le réalisateur sera là pour répondre aux nombreuses questions que suscite ce film magnifique.
Mais on pourra également plonger dans Le Grand bain, avec une belle brochette d’acteurs (Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Philippe Katerine) qui vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la gent féminine : la natation synchronisée. Le public pourra questionner ensuite le réalisateur, Gilles Lellouche, sur la natation et le sens de la vie, par exemple… Et puis on sortira de cette projection en se disant qu’on a eu le privilège de le voir avant même sa sortie nationale en France (prévue pour la fin du mois d’octobre). C’est d’ailleurs ce qu’on pourra se dire également après avoir vu En Liberté ! de Pierre Salvadori, un chassé-croisé ébouriffant de drôlerie, et Les Confins du Monde de Guillaume Nicloux, âpre récit de la guerre d’Indochine avec un Gaspard Ulliel en état de grâce.
Mais pour revenir aux films projetés en présence des talents, n’oublions pas La Prière de Cédric Kahn, récit d'une reconstruction passionnante et bouleversante, qui nous révèle un jeune acteur remarquable, Anthony Bajon et aussi, les projections du film Le Vent tourne de Bettina Oberli, qui nous raconte l’émancipation d’une jeune femme qui n’a jamais quitté son village par l’intermédiaire de Samuel, qui n’est autre que Nuno Lopes, cet imposant et bel acteur portugais qui nous fera le plaisir d’accompagner les séances de ce film à Lisbonne, à Almada et à Coimbra.
La projection, en présence du réalisateur, du film Le Collier Rouge de Jean Becker, cette adaptation du roman de Jean-Christophe Ruffin est un autre moment fort du festival, ainsi que la clôture lisboète, avec En Guerre de Stéphane Brizé qui nous permettra de rencontrer ce réalisateur singulier et de retrouver Vincent Lindon dans un film d’une force et d’une portée impressionnantes.
N’oublions pas les séances suivies de masterclasses dans le cadre du cycle ACID qui représentent autant de moments d’échanges intenses et riches de ce festival.
Nous pouvons également considérer que la projection de certains films rares ou très attendus contribuent également à l’intensité de la Festa do Cinema Francês 2018. C’est le cas de L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot qui fera l’ouverture de la rétrospective Clouzot à la Cinémathèque portugaise, film rare, montré pour la première fois au Portugal, avec Romy Schneider telle qu’on ne l’a jamais vue. C’est aussi le cas du très attendu film d’animation Dilili à Paris, le dernier long-métrage d’animation de Michel Ocelot, un regard émerveillé sur le Paris de la Belle Époque et une ode à la culture contre tous les obscurantismes.
Pourquoi avoir choisi Cyrano de Bergerac et J-P Rappeneau en ouverture de cette Festa, qu´est-ce-qui a présidé à ce choix?
Nous avons choisi Cyrano de Bergerac et Jean-Paul Rappeneau parce qu’il y a une actualité autour de ce film à laquelle nos amis distributeurs et exploitants portugais ont été très sensibles. Ce film, qui est l’un des plus grands succès du cinéma français appartenant à la grande époque du cinéma épique, a été restauré cette année. C’est ce qui nous permet aujourd’hui de faire justice au talentueux opérateur Pierre Lhomme qui avait fait une photo magnifique.
Cette copie restaurée a été projetée cette année au Festival de Cannes et saluée par l’ensemble de la profession. La présentation de Cyrano de Bergerac dans le cadre de la 19ème Festa do Cinema Francês est la seconde projection de cette copie restaurée après Cannes et le point de départ d’une reprise du film dans les salles portugaises.
Nous voulions donc ouvrir notre festival avec ce chef d’œuvre restauré et donner ainsi au parrain de cette 19ème édition de la Festa do Cinema Francês la place qu’il méritait amplement. Et puis, n’est-ce pas merveilleux d’ouvrir notre festival avec les beaux alexandrins d’Edmond Rostand portés par la voix sans égal de Gérard Depardieu ?
J’en profite pour rappeler que l’hommage rendu à Jean-Paul Rappeneau comporte quatre autres films qui nous permettront de revoir de grands acteurs tels que Philippe Noiret, Catherine Deneuve, Pierre Brasseur, Yves Montand, Isabelle Adjani, pour ne citer que ceux-là.
Quelles sont vos attentes en terme de résultat pour cette édition 2018?
La Festa do Cinema Francês est un des grands festivals du Portugal en termes de fréquentation. Notre festival est attendu tous les ans par ceux qui aiment la culture française et son cinéma. Ce que nous espérons c’est d’arriver toujours à surprendre notre public et de maintenir ainsi son intérêt pour notre production cinématographique.
Nous avons également travaillé en étroite collaboration avec Clarisse Boudard, la nouvelle Attachée de coopération éducative de l’Institut français du Portugal afin d’assurer une présence importante du public scolaire car ce qui nous intéresse particulièrement c’est le renouvellement de notre public. C’est un axe auquel nous souhaitons donner une importance accrue lors des éditions futures de la Festa do Cinema francês. Je rends hommage à la petite équipe formidable avec laquelle a travaillé ma prédécesseure et avec laquelle j’ai le bonheur de poursuivre l’organisation de ce grand événement et qui est constituée, pour la plupart, de jeunes gens passionnés de cinéma français, qu’ils soient français, belges ou portugais. Notre festival est un bel exemple d’implication de la jeunesse dans la conception et la réalisation d’un événement culturel et d’une collaboration étroite franco-portugaise et même européenne.
En savoir plus sur la programmation ici
(Propos recueillis)