Édition internationale

Lisbonne face à la crise du logement

Une ville pleine de maisons mais peu habitée ? Lisbonne fait face à une crise du logement paradoxale entre logements vacants et occupations illégales, accentuée par la montée des prix immobiliers.

Immeubles à LisbonneImmeubles à Lisbonne
@MJ Sobral
Écrit par Lison Segui
Publié le 22 juin 2025, mis à jour le 3 juillet 2025

Lisbonne est aujourd'hui confrontée à une double crise du logement : un volume important de logements vacants, concentrés dans le centre historique, et une recrudescence d'occupations illégales, principalement dans les quartiers périphériques. Cette situation met en lumière l'urgence d'une réponse du gouvernement face à la répercussion de la crise du logement dans la capitale portugaise.


Des logements vides, accentués par la crise du logement

Selon les données du recensement 2021 de l'Institut National de la Statistique (INE), une maison sur dix dans les zones métropolitaines de Lisbonne et Porto est inoccupée. Dans la capitale portugaise, cela représente environ 243.000 logements, dont 136.000 ne sont ni à vendre ni à louer, et 80.000 logements inoccupés à Porto. 

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la crise du logement à Lisbonne ne tient pas uniquement à une pénurie de logements, mais à une inaccessibilité du parc immobilier existant. D'après le Système d'Information Résidentielle (SIR) de 2023, sur les 320.000 logements de Lisbonne, environ 47.000 (soit 15%) sont vacants. La majorité d'entre eux sont à l'abandon, hors du marché locatif ou hors du marché de vente.

Les quartiers les plus touchés sont le Bairro Alto, Santa Maria Maior, Santo António, São Vicente et Estrela, où plus de 20 % des logements sont inoccupés. Dans le Bairro Alto, ce taux grimpe à 33 %, selon des chiffres de 2022 fournis par Gebalis, société municipale de gestion immobilière. Cette vacance est souvent liée à la spéculation immobilière et à l'augmentation des locations touristiques de courte durée. À Santa Maria Maior, par exemple, 61 % des logements sont dédiés à l'hébergement touristique, contribuant ainsi à la désertification résidentielle du centre. Plusieurs personnes âgées ont été  expulsées de leur logement au long de ces dernières années. Ceux-ci étant loués au prix fort à des touristes de passage.


L'augmentation des occupations illégales

Parallèlement, Lisbonne recense 721 situations d'occupations illégales de logements publics, en 2025 selon Gebalis. Ces occupations couvrent divers cas : squats, intrusion dans des logements inoccupés ou maintien non autorisé dans les logements après le décès d'un locataire.

Ce phénomène touche notamment les quartiers périphériques comme Alcântara, Marvila, Lumiar, mais aussi des zones plus critiques comme celle entre Areeiro et Olaias, où l'absence de rénovation et de gestion depuis des décennies a favorisé un climat d'abandon.

A Loures, en 2023, on comptait 279 cas d'occupation illégale de logements communaux. A Almada, en fin 2024, 32 logements étaient occupés sans contrat de bail. Ces occupations sont souvent le cas de familles en situation de précarité, sans alternative de logement.

Le policier Bruno Pratas, dans une étude réalisée en 2022 sur « l'occupation illégale des maisons » à l'Institut supérieur des sciences policières et de sécurité intérieure, décrit cette situation comme une réponse désespérée à un besoin fondamental non satisfait. Il rappelle que la loi protège l'inviolabilité du domicile et prévaut sur l'intervention, ce qui complique les expulsions sans décision judiciaire.


Les mesures publiques face aux problèmes d'occupation et de vacances 

Face à cette situation, deux solutions émergent :
- Augmenter l'offre de logements par une combinaison de construction neuve et de réhabilitation.
- Mobiliser le parc immobilier vacant via des outils juridiques, fiscaux et administratifs.


La possession administrative 

Parmi les outils disponibles, figure la possession administrative (posse administrativa), encadrée par l'article 107 du décret-loi n] 555/99 du régime juridique de l'urbanisation et de la construction au Portugal (RJUE). Prévue par la loi, elle permet à l'Etat de prendre possession de logements vacants depuis de longues années, en particulier dans les zones urbaines à forte pression foncière, afin de les affecter au logement des résidents.

Le droit de préférence 

Un autre levier est le droit de préférence (direito de preferência), encadré par le Code civil portugais, qui autorise la municipalité à préempter des biens mis en vente, notamment dans les zones de réhabilitation urbaine ou à valeur patrimoniale. Un exemple concret de ce droit s'illustre Praça José Fontana à Lisbonne. En mars 2024, la mairie de Lisbonne a acquis un immeuble situé Praça José Fontana, dans le quartier d'Arroios pour 2,59 millions d'euros, avec l'objectif de le réhabiliter pour le parc immobilier public de logements sociaux. Si cet exemple illustre cet outil judiciaire, ce droit est rarement utilisé à cause d'obstacles techniques ou juridiques : seulement utilisé une dizaine de fois entre 2018 et 2023.

Les mesures publiques 

Dans le cadre du Plan de reprise et de résilience (PRR), le Portugal dispose de 2,7 milliards d'euros pour le logement d'ici 2026. La mairie de Lisbonne, qui possédait environ 2.000 logements vacants en 2022, s'est engagée à les rénover, selon Filipa Roseta, conseillère municipale au logement et travaux municipaux de la mairie de Lisbonne. Une des mesures les plus récentes du paquet législatif « Mais Habitação » est la possibilité pour l'État de louer de force des logements vacants, bien que les modalités restent encore floues. 

Lisbonne au-delà d'un manque de logements souffre plutôt d'un décalage entre l'offre disponible, les prix du marché et les capacités financières des habitants. L'existence de dizaines de milliers de logements abandonnés contribue à la rareté de l'offre effective, qui alimente alors la flambée des prix immobiliers et le prix de l'immobilier ne correspond en rien à la réalité des salaires perçus par la population portugaise et niveau de vie du pays.

 

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos