Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

LUDOVIC HÉBRARD - Un défenseur de l´économie sociale

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 21 juin 2016, mis à jour le 22 juin 2016

Arrivé le 14 février à Lisbonne, Ludovic Hébrard  est resté  trois mois dans la capitale dans le cadre du programme Erasmus + proposé par la Chambre des métiers d'artisanat Rhônes-Alpes. Pendant ces quelques semaines, le jeune toulousain de 30 ans a dû réaliser un stage en tant qu'animateur jeunesse. Il s'agit d'un partenariat où des échanges sont organisés via la structure d'accueil socio-éducative portugaise Clube intercultural Europeu.

Le Clube intervient dans les domaines de la jeunesse, de l'éducation et de la formation. Il accueille  des jeunes qui viennent dans le cadre de formation et de partenariats internationaux et les aide à s´intégrer et à mieux connaître la culture portugaise, en fonction des projets.

"L'économie ne se résume pas simplement à la bourse et aux finances"
"Il n'y a pas de limites d'âge." explique le Français. Ce programme Erasmus, Ludovic en a entendu parler à son travail à Toulouse. Chargé de projet et de formation pour l'association Culture et liberté depuis six ans, il a monté un projet dont le but était de rassembler six participants venant d'Allemagne, de France, du Portugal et de Belgique afin de réfléchir sur une autre économie. Un sujet qui passionne Ludovic "Après mon bac je ne savais pas trop où aller, l'étude de la société m'intéressait. Je suis allé à la Faculté  de Toulouse pour m'inscrire en sociologie. J'avais des cours d'économie et je suis sorti de mon premier cours avec une opinion différente de la vie. Pendant trois ans j'ai fait une licence bi-disciplinaire économie sociologie. On a vu les limites de notre société dans le domaine économique, environnemental et social.  Cette formation m'a beaucoup appris, j'ai compris que l'économie était la théorie de l'échange et ne se résumait pas simplement à la bourse et aux finances. L'échange peut être très vaste et ne peut pas être totalement comptabilisé ni monétarisé" dit-il.

Puis Ludovic intègre un master "économie sociale" et rédige un mémoire sur l'éco-construction et les énergies renouvelables. Il souhaite alors montrer comment notre société aurait pu évoluer si le nucléaire avait été moins présent, et ceci au profit des énergies vertes. Entre temps, le jeune homme n'est pas resté inactif et a pu faire un stage dans une association dans laquelle il gérait un forum de l'économie sociale et solidaire en Midi-Pyrénées. "J'ai coordonné ce forum pendant deux ans, j'étais en fait chargé de la communication, logisticien, coordinateur. On réunissait environ 80 acteurs.  J'ai découvert le réseau d'une autre économie  d´une façon très concrète" déclare-t-il.

L'éducation populaire, une autre façon de transmettre le savoir
Durant son parcours, le Toulousain rencontre Christian Lefevre, un des fondateurs de l'association Culture et liberté  qui souhaite développer une société de droits sociaux, économiques, culturels ou encore écologiques. C'est à ce moment précis que Ludovic découvre l'éducation populaire. Cette méthode d'enseignement est apparue au siècle des Lumières. C'est dans un contexte de lutte contre l'emprise de l'église catholique en France que se diffuse l'idée d'une éducation "du peuple, par le peuple et pour le peuple". En 1792, un député du Tiers État présente un rapport sur l'instruction à l'Assemblée. Un texte novateur qui affirme que l'éducation populaire milite pour une diffusion de la connaissance au plus grand nombre afin de favoriser la promotion sociale et professionnelle de façon aussi universelle, égale et complète que possible.
Aujourd'hui, ses militants organisent diverses activités qui poussent les participants à devenir autonomes et volontaires. "C'est en fait le contraire de l'éducation nationale, la philosophie et les outils ont une vocation émancipatrice des personnes. On le retrouve dans l'apprentissage Montessori, ou Freinet. C'est en allant sur le terrain et en pratiquant que l'on se fait sa propre opinion. Ça a été un deuxième claque  pour moi.  Cette autre façon de se transmettre le savoir m'a fasciné. Je m'étais profondément ennuyé à l'école et j'ai compris pourquoi. J'ai réalisé que ces méthodes existaient depuis très longtemps mais sont totalement méconnues."  déclare Ludovic Hébrard.

Qu'est ce que l'économie sociale et solidaire ?

C'est un ensemble d'entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations dont les valeurs sont fondées sur un principe de solidarité et d'utilité sociale. Le secteur est caractérisé par ses modes de fonctionnement : gestion et gouvernance en commun, limitation des profits au nom d'objectifs sociaux, de solidarié et de coopération.
Apparue au XIXème siècle, l'économie sociale et solidaire s'est transformée dans les années 70 dans le but de lutter contre les inégalités et pour la protection de l'environnement.

Selon l'Institut Nacional de Estatistica (INE), le poids du secteur de l´économie sociale dans l´ensemble de l'économie portugaise en 2010 s'élevait à  plus de 14 millions d'euros. Il regroupait 260 000 employés, (soit 5,5 % du total de l'emploi) et représentait 2,8% de la production nationale ayant ainsi contribué pour 4% du PIB national.

Comprendre l'économie solidaire par l'éducation populaire
Après avoir constaté que peu de personnes connaissaient l'économie solidaire, Christian Lefevre et Ludovic ont l'idée de proposer une formation pour apporter des connaissances à ceux que le sujet intéresse.  Pour mener à bien leur projet, ils organisent des rencontres avec les acteurs de l'économie solidaire, mais toujours avec la méthode de l'éducation populaire. "J'ai été formé par Christian pendant six ans à la philosophie de l'enseignement, l'outil principal. Ce sont des valeurs et un positionnement : je ne suis pas professeur, on n'est pas à l'école".Au fur et à mesure j'ai commencé à avoir des contacts avec Toulouse métropole, j'ai formé des agents de la collectivité, la CCAF d'EDF,  et je suis aussi intervenu sur des parcours de créateurs d'entreprises. Et même des personnes éloignées de l'emploi. On a un public mélangé et c'est très intéressant. J'adore ces moments là où  lors de nos premières rencontres, les gens me disent "je n'y connais rien à l'économie solidaire". Mais au bout de deux heures d'échanges avec le groupe,  on entame un travail de réflexion et d´écriture et au final, les participants peuvent donner une vraie définition de l´économie sociale" confie t-il.

"L'échange de pratiques entre le Portugal et la France"
Désormais, le duo souhaite faire connaître cette forme d'économie et d'enseignement au Portugal à travers une action appelée les Estives. Ludovic a donc dû faire un premier déplacement jusqu'ici il y a quelques mois. Une agréable découverte pour le Toulousain. "A travers cette action j'ai remarqué une façon de vivre et un accueil formidable que je ne connaissais pas. Le but c'est d'apprendre à connaître le pays pour adapter mes conseils. C'est ce que je fais à l'heure actuelle avec le Clube.  Nous faisons un travail de cartographie afin de localiser et identifier les acteurs qui peuvent être intéressé par l´économie sociale. C'est l'échange de pratiques entre nos deux pays" fait-il observer.

"Les différences culturelles, une richesse absolue"
Le travail de Ludovic pendant ces trois mois à Lisbonne consistait à dresser un panorama des structures qui lui semblaient  économiquement "différentes" et de les rencontrer. "Ce n'est encore que le démarrage. Le projet à plus long terme sera de créer des groupes d'échanges interculturels et d'amener plus de Français ici et inversement faire en sorte que les Portugais viennent en France.  Le but est que mon travail  permette au clube d'avoir l'expérience française et de s´en inspirer, mais j'ai besoin de mieux connaître l'histoire du Portugal et les différences avec la France. Par exemple, contrairement à la France les mutuelles portugaises sont apparues après 1974. Donc, j'ai besoin de plus de connaissances pour apporter mon savoir. C'est intéressant de s'adapter au pays d'accueil. Ça s'appelle les différences culturelles et c'est une richesse absolue! " s'exclame le Français.

Des projets en tête
Ludovic est désormais rentré en France pour quelques mois et a déjà prévu de nombreux projets pour l'an prochain. "Je prévois un an de voyage. Je pars au Québec en automne prochain, car j'ai été engagé en tant qu´administrateur de l'office franco-québecois de la jeunesse (OFQJ )"  annonce-t-il. Cet organisme bi-gouvernemental favorise dans un contexte financier l'échange de jeunes de 18 à 30 ans entre le Québec et la France. "Depuis quelques années, l'OFQJ a eu la volonté de mettre en place un conseil d'administration. Je vais donc y travailler dans l'idée de développer l'économie solidaire."
D'ici là, Ludovic reviendra au Portugal dans le cadre d'une conférence sur la thématique de l'économie solidaire organisée par le Clube intercultural Europeu en octobre 2016. Ce sera l'occasion pour ce jeune Français d'apporter son expérience à son échelle certes, dans le domaine de l´économie sociale.

En savoir plus : www.culture-et-liberte.asso.fr

"Dynamiser le secteur de l'économie sociale"

A l'occasion du Salon de l'économie sociale qui s'est déroulé du 19 au 21 mai à Lisbonne, Marina Calheiros, manager du salon revient sur l'importance de cet évènement.
"C'est la première fois que nous organisons ce genre de forum à Lisbonne qui est organisé par la fondation AIP. Le principe est d'améliorer la façon dont les entreprises se développent et qu'elles soient durables. Nous voulons dynamiser le secteur de l'économie sociale et solidaire pour faire face aux problèmes de la société contemporaine. Pendant ce salon, des entrepreneurs, professionnels et institutions ont débattu et tenté de trouver des solutions afin de répondre aux défis de l´économie actuelle."

 

Iris Bertin (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) mercredi 22 juin 2016

logofblisbonne
Publié le 21 juin 2016, mis à jour le 22 juin 2016

Flash infos