LIVRE - Par-delà l´oubli un roman d´Aurélien Cressely

Par-delà l´oubli : Un roman sur la vie de René Blum

Nul n´ignore a priori qui était Léon Blum, écrivain et homme politique, président du Conseil des Ministres entre 1936 et 1938, que l´on associe automatiquement au Front Populaire et aux congés payés. Lors de l'Occupation de la France par la Wehrmacht, il fut emprisonné par le régime de Vichy, traduit en justice lors d'une parodie de procès à Riom en 1942, puis déporté à Buchenwald. Libéré en 1945, il a présidé ensuite le dernier gouvernement provisoire de la République Française pendant la période de mise en place des institutions de la Quatrième République. Est-ce que l´on sait néanmoins qui était son frère cadet, René Blum ? Il était quand même un homme de son temps, au service des arts. Tour à tour journaliste et critique à la Revue Blanche  et à Gil Blas, il fut aussi Directeur artistique de casinos et du théâtre de Monte-Carlo où il a succédé à Diaghilev à la direction des Ballets russes. Il a également fréquenté les écrivains, les peintres -il fut notamment l´ami de Marcel Proust et d´Henri Matisse-   et les musiciens avant-gardistes. Humaniste et courageux, il a  pourtant mené une vie de famille chaotique avec son épouse Josette et son fils Claude-René qui fut même un temps proche de l´Action Française. 

C´est donc la vie de René Blum qu´Aurélien Cressely- né en 1988 et qui évolue avec succès dans le secteur des assurances après une licence d'histoire et de sciences politiques –nous restitue dans un premier roman riche, passionnant et émouvant, intitulé Par-delà l´oubli et publié chez Gallimard.

Par-delà l´oubli : René Blum prisonnier dans les camps et évocation de sa vie passée

René Blum chez lui. À vrai dire, il s´y attendait déjà : «En ouvrant la porte, il n´exprima aucune surprise. Il savait. En rentrant en France, à Paris, il savait que ce jour adviendrait». On lui a demandé de préparer quelques affaires et on lui a tendu une feuille de papier, un récapitulatif des objets qu´il avait le droit d´emmener avec lui. Il avait dix minutes pour tout préparer. Il n´a pas répondu : «Il ne laissa échapper aucune réaction. Rien. Il ne demanda pas non plus la raison de son arrestation. Il en connaissait le motif. Il était juif. Coupable d´être juif. ».

René Blum fut fait prisonnier dans le cadre de ce que l´on a souvent dénommé «La rafle des notables», survenue en décembre 1941, dans laquelle ont été arrêtés 743 juifs français par les autorités allemandes et françaises. Il fut d´abord envoyé au camp de Compiègne, puis à Drancy, ensuite, il fut interné au camp de Pithiviers, après, il fut transféré à Beaune-la-Rolande, puis de nouveau à Drancy d´où il fut déporté en septembre 1942 à Auschwitz où il a perdu la vie.  

Lors du voyage en train vers le tout premier camp, René Blum se disait que la vie n´offrait pas de réponses, il avait déjà assez vécu pour le savoir: «Sa destination lui importait peu. Que ce soit l´enfer ou ailleurs, il irait et il résisterait, à sa manière. Dignement. Mais revenait-on jamais de l´enfer ? Héraclès en ramène bien Alceste, une scène dont il terminait la lecture lorsque, peu avant midi, il entendit la sonnerie de sa porte».

À Compiègne, René Blum a croisé l’un de ses anciens amis, le compositeur Marcel Lattès,  avec lequel il discutait de la vie culturelle parisienne comme si de rien n´était, au milieu des barbelés et des militaires en armes, À Drancy, il a commencé à apprendre le yiddish auprès d’autres détenus, lui qui s’était jusqu’alors tenu à distance du judaïsme. Par contre, à Auschwitz, très certainement parce qu’il était le frère de Léon Blum, il était spécifiquement attendu à la descente du train et immédiatement mis à mort.

Ce livre, composé par des chapitres où s´intercalent le calvaire de René Blum dans les camps et l´évocation de sa vie passée, est un véritable plaidoyer contre l´oubli en ces temps tumultueux que nous vivons où -oui, il faut bien le dire- le mépris pour les Humanités en général et pour l´Histoire en particulier nous condamne souvent à l´amnésie.  

«Pourquoi René Blum est-il mort si méconnu ?»

Aurélien Cressely a raconté dans des interviews qu´il a accordées après la parution du roman, en août dernier, comment il a découvert la figure de René Blum et comment a germé petit à petit dans son esprit l´idée d´en faire un livre. Un jour, en allant faire ses courses au Monoprix, situé au croisement entre la rue Cardinet et la Rue René Blum dans le 17ème arrondissement à Paris, il s´est interrogé si ce Blum qui avait donné le nom à cette rue avait un lien avec Léon Blum. Il a lu plusieurs livres sur les temps sombres de l´Occupation, mais le déclic -et donc l´idée du livre- s´est produit en lisant le livre d´Anne Sinclair sur son grand-père intitulé La rafle des notables. Il s´est posé une question qui l´a longtemps taraudé : «Pourquoi René Blum est-il mort si méconnu ?»

Par delà l´oubli est donc, de l´aveu même d´Aurélien Cressely, un livre qu´il a conçu comme un combat contre l´injustice, l´injustice de l´oubli : « J´avais une arme : l´écriture. L´ écriture pour réparer cette injustice et faire connaître au plus grand nombre la mémoire de cet homme formidable : René Blum».  
      
Aurélien Cressely, Par-delà l´oubli, éditions Gallimard, Paris, août 2023.