Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Le couvent-palais de Mafra

Palacio de Mafra, PortugalPalacio de Mafra, Portugal
Écrit par André Laurins
Publié le 1 mars 2021, mis à jour le 12 mars 2021


Le couvent ou Palais national de Mafra situé à une quarantaine de kilomètres au nord de Lisbonne est une des œuvres les plus grandioses du 18ème siècle. Il est classé au Patrimoine mondial culturel de l'UNESCO depuis 2019. Lepetijournal vous propose de découvrir son histoire.
 

Œuvre construite sous le règne de D. João V (1689-1750)

L'ensemble a été édifié entre 1717 et 1744 pour devenir certainement l'une des œuvres les plus grandioses accomplies par D. João V (1689-1750), roi du Portugal à partir de 1707. Le financement d'une telle entreprise se fera essentiellement grâce à l'afflux constant, à partir de 1699, de l'or et des diamants provenant de la province de Minas Gerais, au Brésil. Ces exploitations minières soutiendront de manière déterminante l'économie du royaume, au moins jusqu'à la fin du règne, en 1750, de ce monarque appelé « le Magnanime ».

Le lieu et le moment choisis pour l'édification d'un tel monument, de taille démesurée, comparable seulement au palais de l'Escurial, proche de Madrid, inégalé dans toute la péninsule Ibérique par son ampleur, est loin d'être le fruit du hasard. Déjà, du temps de l'occupation espagnol du territoire portugais (1580-1640), plus exactement en 1624, l'ordre des franciscains du couvent de Arrabida, dans la région de Setúbal, composé de moines prônant la vie d'ascète et de pauvreté, sollicitèrent un couvent dans la région de Mafra, pour y mener une vie de réclusion en territoire isolé. D.João V accèdera à cette demande, mais seulement lorsque son épouse, Dona  Maria Ana Josefa d'Autriche lui aura donné un héritier, ce qui se réalisera en 1711, après deux ans de mariage, avec la naissance d'une fille, Maria Barbara.
 

Pour D. João V : un symbole de sa grandeur

Mafra, à cette époque-là, n'est encore qu'un modeste village d'une cinquantaine de maisons, sur le flanc d'une colline avec des vignes et des vergers tout autour, au milieu  d'un paysage vallonné. Son emplacement se trouve à 35 km (7 lieux pour l'époque) au nord-ouest de Lisbonne, dans la région ayant gardé le terme de « saloia », utilisé du temps de l'occupation musulmane (720-1147) pour désigner la population des campagnes chargée de fournir des produits agricoles à la capitale.

La raison officielle du lieu et du moment choisi pour l'édification du couvent de Mafra est donc la promesse faite par le roi à cet ordre des franciscains, très influent et proche du pouvoir, ayant pour saint Antoine une grande dévotion. Mais on peut douter que ce soit là la seule raison, car si un édit du roi sera effectivement annoncé, en 1711, pour la réalisation d'un modeste couvent, pouvant recevoir moins d'une centaine de moines, un nouvel édit, en 1714, radicalement différent, annoncera cette fois le projet d'édification de deux palais séparés, où le roi et la reine puissent résidés chacun de leur coté, puis d'une basilique centrale et d'un couvent comprenant un minimum de 280 cellules autour d'un cloître de grande taille. La raison de ce changement dans le projet initial n'est pas justifiée. Mais dans le contexte de l'époque, on peut penser que le roi D. João V, ayant tout le financement nécessaire, voulait s'affirmer par la réalisation d'une œuvre digne de sa grandeur, gardant une profonde admiration pour le roi-soleil Louis XIV, son modèle qui l'avait précédé dans le temps. La « Tapada de Mafra », une zone de chasse gardée royale, sera un autre complément à toute cette démarche, qui s'y ajoutera plus tard, en 1747, occupant une surface de 1200 hectares, entouré d'un mur de 21 km d'extension.

A partir de ces terrains, on avait une excellente vue sur l'océan, distant d'une vingtaine de kilomètres, plein ouest. Une vue privilégiée pour une œuvre inégalée.

 

Palacio de Mafra, Portugal
Bibliothèque Palais de Mafra ©CM-Mafra

Un  ensemble architectural somptueux inauguré pour fêter les 41 ans du roi

Le roi ne regardera pas à la dépense et confiera la direction des travaux à l'architecte allemand Johann Frederick Ludovice (1673-1752), qui avait travaillé pour le compte des jésuites à Rome et qui viendra s'installer au Portugal, en 1701. Il sera encore lié à la Compagnie de Jésus jusqu'à ce qu'il entre au service de la couronne à partir de 1707 jusqu'en 1750. Il aura pour collaborateurs d'autres architectes de nationalité portugaise, mais aussi italienne, française et espagnole.  De nombreux artistes, essentiellement sculpteurs, travailleront également sur place. Le roi effectuera aussi de nombreuses commandes en direction de l'Italie, surtout, pour recevoir des marbres de tons différents de ceux exploités au Portugal (Estremoz/Sintra/Pero Pinheiro), ainsi que de nombreuses statues réalisées par des artistes célèbres transalpins, afin d'accentuer la somptuosité de l'ensemble édifié.

Le 17 novembre 1717 sera le jour propice, selon les bons augures, à l'inauguration de la construction. Le roi sera reçu en grande pompe et muni d'une truelle en or, aidé par l'assistance et dans un véritable rite d'inspiration maçonnique, il scellera avec de la chaux la pose de la première pierre de fondation en marbre, provenant d'une carrière de la région, à 13 km de Mafra. Le gros des travaux durera jusqu'en 1730, le chiffre des ouvriers qui y travaillèrent ayant atteint les 40 000. L'ensemble s'étendant sur quelques 38 000 mètres carrés avec un palais royal comprenant 1200 pièces, 4700 portes et fenêtres, 156 escaliers et 29 cours. Une galerie de 232 mètres, qui servait de lieu de promenade à la cour, avait pour fonction de relier les deux tours, chacune recevant la chambre du roi, au nord et la chambre de la reine, au sud. C'est l'un des plus grands couloirs de palais d'Europe. A cela s'ajoutera une bibliothèque énorme de 85 mètres de long sur 9,5 de large et contenant 36 000 volumes de savoir et de sacré.

La basilique édifiée au centre de la façade ouest, l'axe principal de l'ensemble, se voulait une copie de la basilique Saint-Pierre de Rome, suffisamment grande pour recevoir les 280 moines franciscains prévus. Le dôme, monté à 65 mètres de hauteur sur un diamètre de 13 mètres, est le premier construit au Portugal. Elle sera inaugurée le jour de l'anniversaire du roi, le 22 octobre 1730, pour fêter ses 41 ans, ce qui imposa un rythme forcé à tous les ouvriers qui s'y consacrèrent pour la finir dans les temps.

 

 

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions