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CINEMA - Valérie Donzelli présente "Só nós dois" projeté dans les salles au Portugal

Lors de la 24ème édition de la Festa do cinema francês qui a eu lieu du 5 octobre au 30 novembre 2023 dans 10 villes au Portugal. La réalisatrice et actrice Valérie Donzelli était venue présenter son film "Só nós dois" (L´amour et les forêts) en avant-première au cinéma São Jorge à Lisbonne.

Valerie DonzelliValerie Donzelli
©Agathe Trigueiro
Écrit par Agathe Trigueiro
Publié le 18 janvier 2024, mis à jour le 4 février 2024

Lepetitjournal s'est entretenu avec la réalisatrice à la suite de la projection de son nouveau long-métrage.
 
Lepetitjournal  : Cultivez-vous un lien particulier avec Lisbonne ou le Portugal plus généralement?
Valérie Donzelli :  Oui et non. D'abord, j'étais très heureuse de revenir car j'étais restée à Lisbonne lorsque j’ai joué dans le film Les grandes ondes de Lionel Baier. J'ai vécu deux mois à Lisbonne, et j'aime énormément le Portugal. C'est le premier endroit où j'ai passé des vacances avec mon fils lorsqu'il est sorti de l'hôpital, à Cascais. Donc j'ai toujours associé cette ville à quelque chose d'extrêmement doux et de très aimant. J'aime la douceur, la gentillesse et la beauté du Portugal. Par ailleurs, je crois que j'aimerais vraiment faire un film ici, à Lisbonne.

Vous avez choisi Virginie Efira pour incarner deux personnages qui sont sœurs jumelles, Rose et Blanche. Cela a-t-il représenté un enjeu technique dans la réalisation du film?

Non, pas vraiment car ce n'était pas le sujet du film. Je n'allais pas mettre en place quelque chose de lourd avec des effets spéciaux. Cela repose surtout sur la créativité de Virginie et sa capacité à incarner, par son talent, un autre personnage en ajoutant une simple frange à cette dernière. Nous avions quelqu’un pour jouer sa doublure, présente dans tous les plans, sans que cela ne représente un réel challenge technique.


Le rapport que cultive Blanche avec la littérature est-il le reflet de votre propre rapport à un monde idéal qui peut parfois servir de soutien pour surmonter une réalité qui paraît trop rude?

c'est quelque chose qui existait déjà dans le livre, puisque le personnage était une grande lectrice. Dans le livre elle écrit à un écrivain qu'elle admire, et lui raconte son histoire. Ce personnage de l'écrivain n'existe plus dans mon film car je l'ai remplacé par le personnage de l’avocate. Il se trouve que j'ai moi-même un monde imaginaire qui me protège des choses difficiles donc je comprends ce phénomène. Cela me parlait. J'ai donc tenu à garder l'idée de son monde intérieur dans le film, comme une sorte de bouclier qui la protège des violences.


Le rôle de l'avocate est assez ambigu tout au long du film, puisque ce n'est qu'à la fin que nous comprenons quelle est sa profession, elle aurait tout aussi bien pu être une psychologue. Est-ce voulu?

Oui, tout à fait. L’idée était de ne pas dévoiler immédiatement son identité et de comprendre petit à petit qu'elle était chez une avocate et que le spectateur puisse s'interroger sur la raison de la venue du personnage principal dans ce cabinet, afin de ne comprendre qu'à la fin tout le déroulement de l´histoire.


Dans vos films de manière générale, il y a une musicalité très particulière. Vous faites souvent chanter vos acteurs, pourquoi?

Je crois que c’est un mode d'expression. Dans ce film là c'est particulier car le personnage du conjoint chante pour l'amadouer. il lui chante une chanson pour la rassurer comme on rassure un enfant. elle chante avec lui mais la façon dont elle chante est cinématographique. C'est le film qui se rejoue, et elle-même rentre dans sa fiction. Dans mes films de manière générale, les acteurs chantent souvent parce que les personnages ont besoin d'exprimer quelque chose d'extrêmement émotionnel que l'on ne peut pas verbaliser. Je trouve que le cinéma ne se prête pas aussi bien à la verbalisation que le théâtre peut s'y prêter, grâce à la puissance oratoire. Le cinéma, selon moi, est autre chose, et je trouve que la chanson apporte un décalage qui fait accepter un phénomène purement onirique. A ce titre j'aimerais beaucoup faire une comédie musicale.


Dans votre œuvre, notamment dans « la guerre est déclarée », on retrouve toujours une forme de passion et de désinvolture forte dans les histoires d’amour. Cela devient presque une forme de signature propre à votre cinéma. Vous créez un mythe de la rencontre. Est-ce intentionnel ?

Rien n'est calculé, c'est d'ailleurs quelque chose qui me dépasse et que je ne sais pas préméditer. A ce titre je suis toujours surprise lorsque je vois mes films, par l’émotion qu'ils font naître en moi. Je ne m'attends jamais à cela, et ils me bouleversent par leur émotion, cela me surprend toujours. Il y a une fougue amoureuse que j'essaye de raconter, une force qui donne des ailes, et je crois que c'est la chose la plus importante dans la vie. Il est impossible de vivre sans amour. En ce sens je rencontre l’amour, je m'en défais, et c'est parfois difficile, mais il y a véritablement un rapport à cette fougue amoureuse assez présent dans mes films, oui. Ce qui me fascine dans la relation amoureuse, c'est le basculement. Nous basculons dans une autre histoire, nous regardons la personne différemment car elle devient l'être aimé. On s'y attache, parfois aussi on s'en détache. Mais l’emprise amoureuse est quelque chose qui relève de la folie, et qui nous désoriente. C'est de là, je pense, que vient cette désinvolture qu'on retrouve dans mes films.


Aujourd’hui un féminicide advient tous les trois jours. Assumez-vous une certaine position politique avec ce film?

Oui complètement. C'est aussi pour cela que je l'ai réalisé. Pour raconter le chemin qui va jusqu'au bout, ce rapport de domination subit par les femmes. Les hommes font la guerre. C'est ça, la domination. Elle s'est construite depuis des siècles. L´idée de la concupiscence s´est construite depuis des siècles.


Avez-vous des projets à venir ?

Oui, j'en ai même trop. Je poursuis actuellement l'écriture d'un scénario, et je finis également un documentaire sur la jeunesse du conservatoire d'art dramatique. J'ai filmé leur cheminement dans cet endroit magique, que la directrice a beaucoup fait évoluer. Elle a su ouvrir le lieu à toute sorte de jeunes aussi bien physiquement que socialement. C'est devenu un vivier de talent, de jeunesse, d'énergie et de différence assez impressionnant. C'est ce que j'ai voulu raconter, puisque j'ai passé le concours du conservatoire il y a 27 ans -que je n'ai pas eu- et il n'était pas du tout le même à l'époque que celui que j'ai filmé. J'avais la volonté de dire qu'il y a quelque chose de politique dans le fait de diriger un lieu comme celui-ci. Le cinéma et le théâtre de demain vont changer grâce à ces choix, je trouve cela très beau.


Connaissiez-vous la Festa do cinema Francês?

C'est la première fois que je viens, et j'en suis étonnée. Peut-être ai-je été invitée mais j’avais un contretemps, un tournage sûrement. Mais je suis vraiment ravie d'avoir découvert cet événement cette année, et en plus dans le cadre de la sortie de ce film !

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