

Jean-Pierre Sinapi, qui a mis en scène le film Camping à la Ferme présenté au Portugal lors de la Festa do cinema francês, est un réalisateur engagé. C'est le cinéma de Pasolini et en particulier Accatone, son film préféré, qui lui a donné envie de faire du cinéma. Il est venu à Lisbonne pour la projection de son film et c´est la deuxième fois qu´il y vient, la première remontant à 1974 dans le contexte de la révolution du 25 avril... Aujourd'hui c'est dans les coulisses de la Festa que nous l'avons rencontré pour une interview en toute spontanéité.
Engagement Militant
Lepetitjournal.com : Étiez-vous déjà venu à Lisbonne ?
Jean-Pierre Sinapi : Je suis venu en 1974, l´été, après la révolution du 25 avril. On était quelques militants, d'extrême gauche, allons y... (rires) dans la poursuite des événements de 68, ça nous paraissait normal d'être ici. On est venu partager l'euphorie des portugais, témoigner de la tombée de cet horrible Salazar... On n'a pas été très utiles, mais, c'est comme ceux qui ont vécus la chute du mur de Berlin, c'est des moments historiques !!! Quand on a l'occasion de pouvoir les vivre même par procuration c'est important !
(Photo : M.J. Sobral)
40 ans après, vous avez eu l'occasion de vous promener dans Lisbonne ? Qu'avez-vous ressenti ?
Oui, mais sincèrement je pourrais pas vous dire ce qui a changé, parce qu'à l'époque on était en groupe, on était pas venu en touristes, c'était des réunions à n'en plus finir, des discussions politiques avec les portugais? Du coup c'est aujourd'hui que je découvre Lisbonne. C'est vraiment une belle ville. Dés qu'on sort des circuits touristiques, c'est marrant, ça m'a fait penser un peu à la Havane... Peut-être l'architecture, la chaleur... En tous cas je trouve qu'il y a quelque chose de paisible ici.
Lisbonne est?elle une capitale multiculturelle pour vous, qu'est ce qui vous frappe ici?
C'est une fois encore le côté paisible qui me frappe à Lisbonne ... Je vois des gens de couleur, des métis et autres, ça à l'air tellement naturel et simple, ce qui n´est pas le cas en France : chez nous cela est exacerbé par la crise économique et ça l'est encore plus pour les jeunes de banlieue, les choses se tendent énormément et mon film en témoigne d'ailleurs...
Témoignage d´une réalité sociale
Comment le projet de votre film " Camping à la ferme" est-il né?
En ce qui me concerne c'est la production qui avait déjà eu connaissance d'un de mes films Nationale 7 qui me l'a proposé. Azouz Begag avait écrit le scénario original et nous lui avons demandé l'autorisation de le retravailler.
Depuis la sortie du film presque 10 ans sont passés, est-ce que les choses ont changé depuis ?
Je n'avais pas revu le film sur grand écran depuis cette époque là et j'ai été extrêmement surpris de voir à quel point c'était très actuel ! Ce film n´a pas pris une ride, au contraire, il est encore plus vrai qu'à l'époque et je pense que les clivages et les tensions sociales, le racisme larvé, tout ça existe toujours en France et malheureusement plus que jamais avec la montée de l'extrême droite ces dernières années... Je trouve que ce film parle d'aujourd'hui plus que jamais !
A l'époque comment c'était passé le casting ?
Nous avons écumé tous les quartiers de Paris et sa banlieue. Personnellement j'ai du voir plus de 1000 personnes avant de trouver les 5 personnages du film.
Que sont devenus les héros du film, qui étaient comédiens amateurs à l'époque ?
Rafik avec sa casquette de côté : je pense que c'était quelqu'un avec la tête sur les épaules, je le vois bien rangé, marié avec des enfants, et étant un père responsable. David, que l'on voit avec son chien, lui je l'ai fait tourner dans plusieurs films après celui-ci, dont l'affaire Ben Barka, et je pense qu'il a vraiment des capacités de comédien. Hassan aussi d'ailleurs... Il a retravaillé avec moi, il est talentueux.
Bon voilà pour les principales nouvelles.
Avez?vous eu des difficultés à travailler des comédiens amateurs ?
La difficulté dans ces cas là, c'est la difficulté de travailler avec des jeunes, voilà... Ils sont vivants. J'étais obligé de jouer les pères fouettard en permanence...(rires) . Pendant la préparation, durant les répétitions des scènes et l'apprentissage des rudiments de la comédie, c'était pas toujours évident? ils étaient tout excité de jouer, dans le même temps ils prenaient un peu la grosse tête... Un jour ils se sont mis en tête de faire grève sous prétexte qu'ils n´étaient pas assez payés. Ruchdy Zem m'a beaucoup aidé aussi. Il a parlé avec eux. Finalement les situations se sont toujours débloquées...
Mais vous savez, vous pouvez travailler avec des comédiens professionnels qui sont des gens difficiles à manier aussi... Il faut pas confondre les qualités artistiques de quelqu'un et ses qualités humaines. J'ai appris que ce n'était pas du tout la même chose.... Et quand les choses coïncident c'est formidable !
Que reste t-il d'une aventure humaine comme celle-là?
On s'est suivi longtemps après le film... ça fait environ 3 ans que je n´ai plus de nouvelles mais tous se sont rendus compte après coup de l'importance de cette expérience, qui de ce qu'ils m'on dit est restée une des plus marquantes de leur vie...
Cécile Boetto (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) vendredi 10 octobre 2014
Prochaines projections à Lisbonne de "Camping à la ferme " :
- Dimanche 12 octobre : 17h30 au cinéma São Jorge
- Mercredi 15 octobre : 19h30 à l´IFP
- Vendredi 17 octobre : 19h30 à l´IFP
En savoir plus : www.festadocinemafrances.com













