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Arnaud Desplechin - Frère et Soeur, un drame familial à ne pas manquer

Arnauld DesplechinArnauld Desplechin
©C.Roux
Écrit par Camille Roux
Publié le 11 janvier 2023, mis à jour le 11 janvier 2023

Projeté pour la première fois au cinéma São Jorge en octobre 2022 dans le cadre de la 23ème édition de la Festa do Cinema Francês en présence de son réalisateur Arnaud Desplechin, le film Frère et Soeur est en salle au Portugal en ce début d´année 2023.
 

Marion Cotillard et Melvil Poupaud outrageusement brillants

Alice, actrice de renom, et Louis, son frère, se haïssent depuis plus de vingt ans. Lorsque l'un de leurs parents décède, ils se rencontrent à nouveau dans un déchirement qui les amène à repenser leur relation. Marion Cotillard et Melvil Poupaud, qui incarnent respectivement les personnages d'Alice et de Louis, brillent par leur interprétation si juste et sensible des rôles qui leur sont attribués.
 

Un drame familial bouleversant

À l'occasion de la projection de son film lors de la Festa do Cinema Francês à Lisbonne, en octobre dernier, le réalisateur Arnaud Desplechin a accordé un entretien exclusif au Lepetitjournal. Il se livre sur le choix des acteurs, du synopsis, mais aussi de son parcours professionnel et des cinéastes qui l'ont inspiré.


Lepetitjournal.com : Vous êtes ici dans le cadre de la Fête du Cinéma Français à Lisbonne pour votre film Frère et Soeur sorti en France en mai dernier. Qu'est-ce que cela représente pour vous de participer à cet évènement ?

Arnaud Desplechin : C'est très important pour moi. Car quand tout à coup vous commencez à participer à ce genre d'évènements, après vous montrez vos films au monde entier, et vous allez au Portugal, au Brésil, dans les pays lusophones, l'Espagne aussi, l'Italie, les Etats-Unis, le Japon, la Chine, etc. Pouvoir montrer mon film et dialoguer avec d'autres cinématographies c'est très important à mes yeux. Je ne fais pas mes films seulement pour la France, dans tous les sens du terme.


Etiez-vous déjà venu à Lisbonne ou au Portugal auparavant ?

Oui, je suis déjà venu pour des sorties de films. J'adore cette ville. Je n'ai pas trop eu le temps de visiter car j'ai une vie très ennuyeuse (rire). Je connais la cinémathèque de Lisbonne, les cinémas de Lisbonne, les restaurants à côté des cinémas de Lisbonne. J'ai été au Japon six fois mais je ne connais rien du Japon, c'est une vie de cinéphile, une vie très ennuyeuse mais celle que j'ai toujours désiré vivre.  


Votre film relate la relation conflictuelle entre Alice et Louis, qui sont frère et soeur et qui ne s'adressent plus la parole depuis plus de vingt ans mais se retrouvent pour le décès de l'un de leurs parents. Pourquoi avoir choisi de centrer le film sur cette relation ?  

J'avais tourné un film il y a longtemps qui s'appelait Un conte de noël et où il y avait au cœur du film une dispute très forte comme cela, entre des personnages qui avaient déjà des rapports frère et soeur épouvantables. De toute façon entre frère et soeur, qu'on les aime ou qu'on ne les aime pas, il s'agit toujours de rapports maladroits. J'ai fait beaucoup de films qui étaient basés sur des digressions, donc je me suis dit que là je souhaitais faire un film sans aucune digression, un film qui soit obsédé par son sujet, et ce sujet c'est cette colère d'Alice envers Louis, et comment faire pour arrêter cette colère. Je me suis dit que si la fiction, le cinéma, peut servir à quelque chose, c'est comment est-ce que l'on fait pour arrêter la colère, la haine, la peur. Je crois que j'ai réussi, avec les moyens du cinéma, à trouver une issue à cela.


D'où vient cette haine, cette rage qu'éprouve Alice ?

C'est assez simple finalement car Alice le dit dans la première scène. Un assistant de théâtre vient la voir, elle le regarde et elle lui dit : il m'a volé mon nom. Tout est dit. C'est dérisoire, c'est une dispute d'enfant, mais tout est dit. Mais en même temps c'est comme une histoire d'amour où ils se seraient trop aimés, et voilà qu'à un moment, pour qu'elle ait un enfant et qu'elle se marie, cette déchirure était nécessaire.  

 

Que ce soit dans votre film Frère et Soeur, mais aussi dans Les Fantômes d'Ismaël ou dans Un conte de noël, on voit que le thème de la famille est récurrent dans vos films. Pour quelles raisons ?

Je ne sais pas vraiment si c'est un thème qui me plait. Je me souviens très précisément de mon premier film La vie des morts, et je me disais peut-être que ce sera mon dernier. Du coup au lieu d'écrire pour deux personnages j'ai embauché 24 acteurs, parce que c'était une histoire de famille, ça me permettait de faire proliférer les personnages. C'est peut-être parce que je pense que la famille est la plus petite société, la société la plus simple que tout le monde a et partage d'une façon ou d'une autre.


Vous avez choisi Marion Cotillard et Melvil Poupaud pour interpréter Alice et Louis, les deux protagonistes principaux. Comment s'est déroulé le choix des acteurs ?

Le casting a été très rapide, il a dû durer une demi-heure. Quand j'écris les films je m'interdis et j'interdis à mes collaborateurs de donner des noms d'acteurs vivants, car j'essaie d'écrire des personnages qui soient plus grands que la vie. J'aurais peur d'écrire des choses plus faciles à jouer si j'écrivais pour des acteurs. Pour me plonger dans l'imagination j'ai besoin de rêver à ailleurs, à des souvenirs d'enfance, de cinéma etc. Alors j'ai terminé le scénario le soir et le lendemain matin très tôt je me suis dit que Melvil Poupaud devait jouer un rôle dramatique, qu'il n'allait pas jouer les jeunes premiers toute sa vie. Il doit avoir un rôle terriblement malheureux, qu'il ait perdu son enfant, qu'il soit alcoolique, drogué, outrageusement brutal, etc. Voilà un rôle à sa mesure. Et surtout j'ai compris, au matin, que si je faisais ce film, il fallait le faire pour délivrer Alice, et non contre elle. Et s'il y a une actrice à qui je pardonne tout parce qu'il y a en elle une couleur d'enfance qui me bouleverse, c'est Marion Cotillard. Donc pour moi c'était une évidence.


On perçoit une véritable haine entre Alice et Louis, mais comment se sont déroulés leurs rapports sur le tournage, et même en dehors du tournage ?

C'était assez drôle car c'est venu principalement de Marion Cotillard, elle ne voulait pas voir Melvil Poupaud avant. Alors elle venait vers moi avec une question, elle me demandait « mais pourquoi je le déteste autant ». Alors je lui répondais « tu sais je ne pense pas que tu le détestes autant », et elle s'est dit « c'est peut-être parce que je l'aime trop au final ». C'était le début d'une bonne réponse, et c'est elle qui l'a trouvée. Elle était totalement immergée dans son rôle.


Pour en venir à votre parcours, vous avez suivi des études de cinéma à l'Université Paris III, puis vous avez intégrez l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques, IDHEC.  D'où vous est venue cette passion pour le cinéma ?  

J'ai le souvenir très clair du moment où j'ai su que je voulais faire du cinéma. C'est à sept ans. Je ne connaissais personne dans le spectacle, ni dans le cinéma, ma mère était secrétaire, et je ne savais pas le nom du métier que je voulais faire car c'était trop loin de moi à ce moment-là. Mais je savais une chose, c'était le nom de l'école à Paris de celui qui n'est pas devant la caméra mais derrière. Donc quand l'instituteur m'a demandé ce que je voulais faire plus tard j'ai écrit l'IDHEC, et il m'a demandé ce que c'était. J'ai répondu que c'était l'école de cinéma à Paris, et je savais que je voulais faire ça. J'étais hanté pendant toute mon enfance car c'était une école à concours, et je me demandais ce que j'allais faire de ma vie si je n'y parvenais pas. C'était un long parcours et j'ai finalement eu la chance d'être accepté là-bas. Je n'ai pas fait des études brillantes à l'IDHEC, j'y étais très malheureux. Et puis finalement je me suis astreint au silence, j'ai beaucoup travaillé comme technicien et un jour je me suis dit peut-être que je peux trouver une voix, une voix qui soit la mienne et non celle de quelqu'un d'autre, et c'est à ce moment-là que j'ai tourné La vie des morts et que tout s'est enchaîné.


Y a-t-il des cinéastes qui vous inspirent ?

Oui énormément. Vous savez il y a d'immenses cinéastes qui ne sont pas cinéphiles, donc je n'ai aucun orgueil à être cinéphile. Mais personnellement j'ai besoin d'admirer pour réussir à faire des films, et il y a trois cinéastes qui ont été très importants pour moi, ce sont François Truffaut, Bergman, et Scorsese à qui je pense matin, midi et soir. Ce sont vraiment les trois lumières autour desquelles je me suis construit.


Avez-vous des projets pour la suite ?

Alors oui c'est très récent puisque cela date d'hier. J'avais écrit un film sur la projection du cinéma. C'est une commande qui m'avait été faite, et qui ne sera pas un documentaire, mais plutôt des souvenirs d'enfance de cinéma. J'ai signé hier.

 

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