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Otros Ojos : un pari pour la diversité culturelle et la coopération franco-andine

« Levez vos mains, faites un carré avec vos doigts... et regardez à travers ce cadre.»

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Écrit par Émilie PIEL
Publié le 1 septembre 2025, mis à jour le 5 septembre 2025

Dans la salle du centre culturel PUCP, les élèves du collège Maria Reina del Cielo se prêtent au jeu : au-dessus des sièges rouges, une multitude de mains s’élève. Ce geste simple résume bien l’ambition d’Otros Ojos : fabriquer une génération de jeune public portant un regard différent sur le cinéma andin et sa diversité, des « autres yeux ».

 

Face à Hollywood, soutenir les voix locales

Après une brève introduction à la grammaire du septième art, la séance se poursuit avec Piru, un viaje de oro (Bismarck Rojas, 2023). Le choix de projeter ce film péruvien dans le cadre d’Otros Ojos prend tout son sens : au Pérou comme dans le reste de la région andine, les productions locales restent encore marginales face aux blockbusters américains qui occupent plus de 90 % des écrans. En Colombie, le cinéma national n’a représenté qu’1 % des entrées en 2023, selon LatAm Cinema . Pourtant, les pays andins ne manquent pas de cinéastes talentueux. Ce qui fait défaut, c’est un soutien structuré au cinéma d’auteur et à sa diffusion.

 

“À l’ambassade de France, nous essayons d’accompagner ces réalisateurs et de favoriser les coproductions, qu’elles soient avec la France ou entre pays andins, pour que ces voix puissent trouver le moyen de s’exprimer dans les meilleures conditions”, explique Arnaud Miquel, attaché audiovisuel de la France pour les pays andins.

 

OTROS OJOS
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Basé à Bogotá, il assure la coordination d’Otros Ojos en étroite collaboration avec de multiples relais locaux dans chacun des cinq pays andins. L'initiative, financée à hauteur de 830 000 euros par un Fonds Équipe France du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, sera déployée jusqu’en juillet 2026.

 

L'objectif? Arnaud Miquel le résume ainsi :

« Le programme « Otros Ojos » c’est une proposition pour essayer de faciliter le retour des spectateurs en salle mais aussi appuyer à la diversité culturelle et un désir de films différents. »


À travers d’autres yeux : l’éducation à l’image

Pour cela, Otros Ojos mise sur une méthode d’éducation à l’image « à la française », une référence fondatrice pour l’attaché audiovisuel, qui se souvient de ses années d’élève à la campagne.

 

« Grâce à Collège au cinéma et Lycée au cinéma, j’ai découvert des films qui sortaient totalement de ce que je pouvais voir à la télévision. Et surtout, il y avait ce moment d’échange après la projection, où un professionnel venait nous expliquer les codes du cinéma. Ça m’a ouvert un monde », raconte-t-il.

 

Ce souvenir a sans doute laissé son empreinte dans la conception d’Otros Ojos. Concrètement, le programme s’articule autour de deux axes : d’un côté, l’éducation à l’image dans les écoles, avec une intervention pédagogique avant et après la projection ; de l’autre, le soutien au cinéma d’animation local, considéré comme la meilleure porte d’entrée pour capter l’attention des plus jeunes.

 

Selon Arnaud Miquel, « L’idée, c’est de semer aujourd’hui le désir de cinéma pour qu’une fois adultes, ces enfants aient gardé cette curiosité et cette ouverture d’esprit.»

 

Un cadre commun, des déclinaisons locales

Concrètement, le catalogue comprend entre quinze et vingt films, dont trois productions françaises, et chaque pays andin en propose au moins trois. Au total, l’initiative cible environ 15 000 élèves par an, de 3 à 18 ans, soit 3 000 participants par pays.

Chaque pays andin adapte le programme à son contexte : au Pérou, les projections scolaires passent surtout par des festivals, une solution plus économique ; en Colombie, certaines séances sont même organisées jusque dans des zones rurales ; en Équateur, l’accent est mis sur la capitale. Un premier bilan de ces approches sera partagé lors d’une rencontre régionale en octobre. Car Otros Ojos ne se limite pas aux projections : il crée aussi un espace de dialogue, grâce aux échanges réguliers entre les coordinateurs locaux. Peu à peu, ce travail en réseau tisse des ponts durables entre cinéastes, institutions et publics andins.

 

OTROS OJOS
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Un premier bilan encourageant

De janvier à juillet 2025, Otros Ojos a déjà touché entre 7 000 et 8 000 spectateurs, soit la moitié de l’objectif fixé pour l’année (15 000). L’impact reste modeste face à la domination du marché hollywoodien, mais pour Arnaud Miquel, une note d’espoir se lit dans chaque regard au sortir de la projection :

 

« Quand je vois une salle pleine, je me dis que ça en vaut la peine. Cela me renvoie à ma première expérience de cinéma », nous confie-t-il.

Il nous partage ainsi un souvenir marquant : Lors de la projection de Interdit aux chiens et aux Italiens – un film d’animation français sur l’histoire d’une famille italienne contrainte à l’exil – plusieurs élèves ont confié avoir été bouleversés. Malgré la distance culturelle, ils y ont retrouvé des échos de leurs propres histoires familiales.

 

« C’est ça la magie du cinéma : découvrir que des récits venus d’ailleurs nous ressemblent », glisse Arnaud Miquel.

 

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