Se balader dans les rues de Lima, c’est tomber sur une explosion de saveurs, un vrai kaléidoscope de traditions et de parfums.


Ce mélange n’est pas un hasard : entre influences andines, chinoises, italiennes ou encore espagnoles, il y a, bien ancrée mais moins bruyante, une touche française qui traverse discrètement les décennies.
L’histoire commence vers la fin du XIXe siècle, quand quelques familles venues de France s’installent au Pérou. Avec elles, elles amènent un certain art de la table, fait de minutie, de patience et de précision.
Peu à peu, ces manières de cuisiner se glissent dans les habitudes locales. On le voit dans la texture des sauces, dans la cuisson plus maîtrisée des viandes, ou encore dans l’élégance de l’assiette. Prenons l’ají de gallina : ce plat gagne en douceur grâce aux techniques de réduction. Pareil pour le lomo saltado : la maîtrise du feu en rehausse subtilement les saveurs.
Ce métissage s’est accéléré ces dix dernières années. D’après les données disponibles, les plats utilisant une méthode d’inspiration française ont doublé entre 2010 et 2020, passant d’environ 15 % à près de 30 %. Ce n’est pas un simple effet de mode : c’est plutôt la recherche d’une base solide, structurée, pour enrichir ce qui existe déjà.
L’ouverture de l’école Le Cordon Bleu à Lima a d’ailleurs changé la donne. Là-bas, les apprentis cuisiniers apprennent autant à lever un filet qu’à magnifier un tubercule andin. Cette formation donne naissance à des chefs qui jonglent entre les cultures, entre précision française et produits du terroir.
Pour l’écriture de l’article, nous avons pu recueillir le témoignage de Matias, 18 ans, venu de Bolivie afin d’étudier au prestigieux Cordon Bleu de Lima.
“Le but principal de l’école est de nous enseigner les techniques françaises, davantage que leurs plats : brunoise, julienne, macédoine… Ce sont ces techniques qui permettent à un chef de se distinguer et d’exprimer sa créativité.”
“J’ai choisi cet institut car c’est d’ici que sont formés les chefs parmi les plus reconnus sur le globe”, nous confie-t-il.
On le voit aussi dans des concours comme Sabor a Corea, où les candidats osent des alliances audacieuses, mêlant traditions péruviennes et influences variées.

Des restaurants comme La Bonbonnière, ouverts depuis les années 50, sont des témoins vivants de cette alchimie. Quiches, soufflés, sauces au vin… côtoient ici des ceviches revisités ou des plats criollos retravaillés. Ce n’est pas une substitution, mais plutôt une conversation entre héritages.
Et il faut dire que le Pérou est un terrain de jeu idéal : des milliers de variétés de pommes de terre, une mer généreuse, des herbes venues de l’Amazonie. Avec une telle richesse, les cuisiniers formés à la française trouvent toujours de quoi innover tout en respectant les racines.
Au final, cette influence française ne s’impose pas, elle s’infuse. Elle nourrit une gastronomie péruvienne toujours plus audacieuse, sans jamais la trahir. Un échange, en somme, qui rend la scène culinaire péruvienne plus forte, plus libre — et sans doute, encore plus reconnue à l’échelle mondiale.
Le Cordon Bleu, site officiel
https://www.cordonbleu.edu/news/lcbpe-licensing-sunedu2018/en
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